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Figures féminines : portraits de femmes

Publié le 22 février 2016 — par Angèle Leroy

— Cecile Mclorin Salvant - © DR

Quelle est la place des femmes dans la musique classique ? Longtemps, comme dans les autres arts, on leur a volontiers attribué le rôle de la muse, apte à inspirer par sa présence les effusions de ses compagnons ou admirateurs lointains. Mais qu’en est-il de leur possibilité à être, être non plus dans le regard d’autrui mais dans l’action ?

— Cécile McLorin Salvant - Womanchild (live on KCRW)

Pour répondre aux rares Hildegarde von Bingen, Élisabeth Jacquet de la Guerre, Clara Schumann, Fanny Mendelssohn, Louise Farrenc, Maria Malibran, Augusta Holmès, Germaine Tailleferre ou Ilse Weber, la Philharmonie fait entendre quelques femmes d’aujourd’hui, compositrices comme interprètes. Le champ des possibles s’est considérablement élargi à l’heure actuelle et le statut des artistes femmes en ce début de XXIe siècle est heureusement bien différent de ce que vécurent une George Sand ou une Camille Claudel. Pour autant, les chiffres sont sans appel, comme le montraient les enquêtes récentes de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) : ainsi, dans le domaine musical, pour la saison 2014-2015 en France, seulement 1% de compositrices programmées et 4% de chefs d’orchestre de sexe féminin… Pour les solistes instrumentistes, les chiffres sont meilleurs : un timide 21% de femmes.

Parmi celles-ci, Khatia Buniatishvili, forcément – car la pianiste géorgienne installée à Paris, d’une fougue à couper le souffle, tient depuis quelques années le haut du pavé sur la scène musicale (le lundi 7 mars dans un programme très Liszt). Mais également les deux grandes dames du piano que sont les sœurs Labèque, aussi appréciées des deux côtés de l’Atlantique, qui donnent avec l’Orchestre de Paris la création française du Concerto pour deux pianos de Philip Glass.

Du côté des chanteuses, l’immense Barbara Hendricks, dans un programme blues le samedi 12 mars, mais aussi Liz Callaway, popularisée par Broadway et les dessins animés (avec l’Orchestre Pasdeloup le 13 mars), ouvrent sur les horizons d’autres musiques. Barbara Carlotti choisit, elle, de rendre hommage aux femmes dans la folk music, convoquant aussi bien Joan Baez que celles, nombreuses, qui restent méconnues. Le concert Jazz at the Philharmonie #1 du samedi 5 mars, qui réunit la fine fleur des musiciennes de jazz autour de la chanteuse Cecile McLorin Salvant, est un pied de nez à la relative invisibilité des femmes dans ce monde également.
Côté direction d’orchestre, on ne peut bien sûr pas passer à côté de Laurence Equilbey, l’une des rares à s’être véritablement imposée en France (avec Insula lors de la Journée internationale des droits des femmes) ; et on se réjouit de découvrir Zimfira Poloz, grande dame canadienne de la direction de chœur (le 9 mars, avec le chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris).

Côté composition, rien de moins qu’un opéra de Betsy Jolas, Iliade l’amour, révision de son opéra Schliemann de 1995, en coproduction avec le Conservatoire et Radio France. Quelques portraits de femmes ensuite, qu’ils soient brossés par des hommes (ainsi des femmes amoureuses chez les musiciens de la Renaissance ou chez Monteverdi, dépeintes par Paul Agnew et Les Arts florissants) ou par des femmes (Patrizia Bovi dirigeant son ensemble Medusa dans une évocation de la musique du temps de Lucrèce, fille du pape Alexandre VI et protectrice des arts à la réputation sulfureuse ; Sonia Wieder-Atherton pour un très beau portrait de Nina Simone, chassée du circuit classique en raison de sa couleur de peau). Enfin, pour compléter le tableau, un spectacle jeune public, des concerts-promenade le 13 mars, et des conférences suivies d’une table ronde le samedi 12 mars, qui donnent l’occasion d’un état des lieux de la question du sexisme en musique.
 

Angèle Leroy