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Rone humanise les machines

Publié le 07 décembre 2016 — par Marc Zisman

— Entretien avec Rone avant son concert à la Philharmonie de Paris

J'ai invité des musiciens que j'aime beaucoup. Certains avec qui j'ai déjà beaucoup travaillé, comme Gaspar Claus, le violoncelliste, qui viendra avec son trio à cordes Vacarme, avec deux superbes violonistes. On se connaît déjà et on va essayer de faire des choses nouvelles ensemble. Mais il y a aussi des personnalités très fortes comme Alain Damasio, un écrivain culte de science-fiction qui avait posé sa voix sur un de mes morceaux, mais jamais sur scène. Pour moi, c'est très excitant, pour lui aussi. On vient de passer une semaine à essayer des choses en studio. Il y a des trucs superbes qui se passent. Je vois ça comme une expérimentation, une collaboration avec plein de gens différents. Il y a aussi John Stanier, le batteur new-yorkais de Battles qui habite à Berlin et qui va me permettre de réinventer certains morceaux. On va remplacer mes parties rythmiques électroniques par sa batterie et ça va emmener ma musique un peu ailleurs.  Ce concert, c'est le symbole de ce que j'aime faire, de ce que j'aimerais faire encore plus tard, c’est-à-dire casser les barrières. Moi, mes instruments, finalement, c'est les machines, les synthétiseurs, les ordinateurs, mais j'écoute toutes sortes de musiques.  J'aime travailler avec des gens d'univers différents, que ce soit le classique, le rock ou même, finalement, la littérature avec Alain Damasio, et construire quelque chose avec eux. Du coup, je le vois vraiment comme un spectacle unique qu’on ne fera pas deux fois. Je n'aurai jamais tous ces gens-là le même soir ensemble, réunis. C'est un concert spécial. J'ai pris pas mal de temps pour imaginer ce spectacle et l'écrire comme on écrirait le scénario d'un film. Comment agencer les morceaux pour faire en sorte que ce soit presque un peu narratif, même si c'est instrumental, raconter une histoire avec des rebondissements, du suspense. La manière dont je compose, je produis de la musique, vient beaucoup des heures passées à écouter de la musique classique. Je pense qu'il y a quelque chose qui vient de là, quand même. J'ai un rapport très instinctif à la musique, dans la manière de la produire comme de la découvrir, de l'écouter. C'est un rapport assez naïf, instinctif, primaire. La machine, ça me fait tout de suite penser à mon studio. La machine, elle m'entoure presque tous les jours. Je commence à avoir un studio équipé, avec beaucoup de synthétiseurs qui sont souvent capricieux, qui sont malicieux.  Ils sortent des sons que j'avais pas du tout prévus, imaginés, mais aussi, c'est des vraies surprises, des vrais cadeaux. J'écris la musique en me laissant surprendre par mes machines. C'est la distinction avec un compositeur classique qui penserait sa musique, qui l'aurait dans la tête et l'écrirait. Je parle souvent de bricolage, de bidouillage, parce que je me laisse surprendre par ce qui sort d'elles. Parfois, j'ai l'impression d'être une espèce de médium, que c'est la machine qui me dirige, de juste la contrôler, de contrôler le chaos de sons qu'elle génère et d'être un médium qui canalise, qui construit quelque chose avec ces sons-là. Il y a beaucoup de réflexion sur un spectacle comme ça. J'ai envie de construire une narration, etc. Mais concrètement, les sons s'imposent souvent par eux-mêmes en sortant des machines.

En quelques disques, Rone s’est imposé comme l’un des producteurs français les plus influents, offrant à l’électro un supplément d’âme. Après le succès de Creatures, il nous livre un concert exceptionnel, entouré de nombreux invités.

Et Erwan Castex devint Rone, génial esprit libre de la scène électro française, musicien, producteur et DJ influent qui a expédié la techno sur des chemins de sensualité inédits. Couvé à ses débuts par Agoria, il a imposé son nom, notamment grâce à ses albums Tohu Bohu et Creatures. Derrière ses machines, il sculpte d’amples paysages électroniques sensuels comme jamais, oniriques au possible. Et lors de ses prestations live, Rone plonge toujours ses sons dans le dédale de projections vidéo stupéfiantes qui donnent à sa musique kaléidoscopique une force décuplée. À la fois rêveur et cérébral mais dénué de toute froideur, ce trip total à entendre et à voir se poursuit en suscitant la même fascination...

Pour ce concert exceptionnel, Rone a invité John Stanier du groupe Battles, le trio à cordes Vacarme, François Marry de François & The Atlas Mountains et l’écrivain de science-fiction Alain Damasio.