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Les rendez-vous de la Biennale Pierre Boulez

Publié le 21 septembre 2020 — par Jérémie Szpirglas

© Edouard CAUPEIL/PASCO

Cette seconde édition accueille des invités de marque, tels Daniel Baremboim à la tête de son Ensemble Boulez et de la Staatskapelle Berlin ou le pianiste Pierre-Laurent Aimard.

C’est à Daniel Baremboim, l’ami de toujours, que revient l’honneur d’ouvrir les festivités, le 15 janvier. Accompagné de l’Ensemble Boulez, qu’il a fondé, il rend hommage au compositeur français en interprétant Dérive 2, que Boulez avait adressé à Elliott Carter à l'occasion de son quatre-vingtième anniversaire. Dérive2 partage l’affiche avec deux des sonates par lesquelles Debussy revisite les formes canoniques du baroque français, notamment Couperin et Rameau. Le 19 janvier, à la tête de la Staatskapelle Berlin, Barenboim confronte ensuite les Notations à la grande tradition germanique, de Beethoven à Wagner, que Boulez a honorée de si brillante manière en tant que chef.

 

De son côté, l’Orchestre de Paris explore les relations intimes entre Boulez (et son Visage nuptial, d’après René Char ainsi que sa si rare Initiale) et l’impressionnisme français, avec notamment le Concerto pour la main gauche de Ravel, qu’interprète Pierre-Laurent Aimard.

 

L’Ensemble intercontemporain est bien sûr l’un des acteurs principaux de cette Biennale. Avec d’abord, le 17, le chef-d’œuvre absolu de Pierre Boulez, qu’il a créé et maîtrise comme nul autre : Répons. Sommet de la musique électroacoustique, Répons fait dialoguer à travers l’espace un ensemble instrumental placé au centre du dispositif, six solistes disséminés dans la salle et l’électronique. Renvoyant aux grands chefs-d’œuvre responsoriaux de Gabrieli et Monteverdi, l’œuvre montre que, loin de faire table rase du passé, Pierre Boulez a puisé dans les formes anciennes pour fonder sa propre musique. C’est encore le cas avec Anthèmes2, dont Odile Auboin crée une nouvelle version pour alto et électronique.

 

Un autre chef-d’œuvre témoigne cette fois de la fascination de Boulez pour les poètes audacieux : Cummings ist der Dichter aspire en effet à transposer dans le monde sonore ce qui transpire entre les vers de E. E. Cummings, de la figure visuelle dessinée sur la page, de la ponctuation singulière, en même temps que des mots eux-mêmes. L’Ensemble intercontemporain vient également rappeler que Boulez n’était nullement un adepte de l’immobilisme : ses regards étaient inlassablement tournés vers l’avenir. Cette Biennale est donc pour l’EIC l’occasion de créer deux pièces. La première voit François Meïmoun faire le lien entre Boulez, dont il fut le disciple et confident, et Antonin Artaud, auquel Boulez vouait une admiration non feinte, mais qu’il n’a jamais mis en musique. Meïmoun s’empare pour l’occasion du Rite de la nuit noire, ultime version de Tutuguri. La seconde est un Requiem dans lequel Francesco Filidei répond par-delà les siècles à l’épure du Stabat Mater de Palestrina.

 

En point d’orgue, une initiative exceptionnelle : l’intégrale de l’œuvre pour piano de Pierre Boulez, en quatre concerts. Six pianistes qui l’ont côtoyé, soit au sein de l’EIC comme Florent Boffard, Dimitri Vassilakis, Michael Wendeberg et Hideki Nagano, soit de plus loin, tels Nicholas Hodges et Ralph van Raat, défendront ces partitions qui couvrent toute sa vie créatrice et qui sont tout à la fois journal intime, cahier d’esquisses et laboratoire.

 

Jérémie Szpirglas
Écrivain, Jérémie Szpirglas publie fictions et textes de référence sur la musique contemporaine et sur l’œuvre de Serge Gainsbourg.