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Alexandre Astier - Dire la musique

Publié le 05 mai 2025 — par Le Magazine

Autour des représentations de son spectacle "Que ma joie demeure", Alexandre Astier livre quelques réflexions sur son rapport à l'histoire quotidienne face à la légende.

Alexandre Astier, interprétant Bach, joue au clavecin.

« Allez qu’est-ce qu’on s’en fout tac. »

Bach, j'ai l'impression qu'il lance ses pistes comme ça. Il lance ses voies. Il en lance une, deux, trois, quatre. Et sa fugue se fabrique. J'ai l'impression qu'il est juste là, en train de de vérifier que tout se passe bien. J'ai presque l'impression que c'est pas lui qui le fait quoi. Et il y a cette façon de dire « je sais pas si ça va être beau ou pas beau ou peu importe, ce que je sais c'est que ça va être vrai ou juste » je ne sais pas quel est le bon terme.

Mais cette façon qu’a le contrepoint rigoureux de cette époque là et surtout par lui, de se développer de manière presque autonome, et je trouve ça proprement fascinant. Plus que quelqu'un qui chercherait à faire plaisir à mes oreilles.

« Un peu d'harmonie, maintenant. Écoutez, ma foi. Il y a des accords qui sont beaux comme ceci. Voilà, ça c'est beau et bon il y a des accords qui sont moches. Celui là est moche, ça c’est moche. »

Dans le livre de Cantagrel toujours, on a affaire au trivial. C'est à dire que là c'est reporté. C'est rapporté par écrit, mais il était dans des situations comme on l'est tous, c'est à dire qu'il a une position d'expert et du coup il a en face de lui des gens qui voudraient qu'il ait raison et qui voudraient qu'il ait tort.

Et du coup, il se retrouve dans ce genre de truc là et il se trouve toujours pas assez payé pour ce qu'il fait. Et du coup, ça donne des situations qui sont pour moi hyper quotidiennes.

« Vous m'excuserez, mais le corps médical m'invite à prendre mes repas à heure fixe. Voilà donc avec votre permission et même sans votre permission d'ailleurs, je vais prendre mon petit encas. Évidemment, s'il s'en trouve parmi vous qui ont apporté de la nourriture. Et j'imagine que vu l'odeur de graillon dans laquelle on baigne depuis ce matin, vous avez tous apporté de la nourriture. C'est le moment de vous en servir. En revanche, pas d'alcool. Je vous rappelle que nous sommes dans un bâtiment consacré.

Quand je dis pas d'alcool, je veux bien entendu dire pas d'alcool ici. Je me doute que la majorité d'entre vous aura pris la précaution de charger la mule avant de venir. Et que même au vu des pifs de certains, il y en a qui dispose d'une charge permanente. »

Dans toute grande mythologie, il y a forcément eu un quotidien. Dans Kaamelott que je continue de faire, c'est vraiment le principe quoi. Les grands mythes ont toujours un quotidien, il y a toujours. Même si on parle du Graal, il y a toujours un qui n'a pas vraiment compris ce que c'est un toujours un qui est un peu crevé et qui a autre chose à faire. Il y en a un, c'est pas le moment et il a trop envie. Il y en a un, il veut se faire bien voir. Je trouve qu’il n'y a pas une situation sur terre, si fantasmée soit -t-elle, qui échappe à ce système. Et Bach c'est pareil. Bach effectivement, il a eu faire des expertises d'orgue qui n'avaient rien de fantasmé, qui n'avaient rien de génial.

Ce n'est pas des moments où il a composé ses grandes œuvres, ce sont des moments où il a gagné sa vie.

« Quand je pense, quand je pense au boulot, que je me tape pour vous écrire des trucs et des machins tout aussi beaux les uns que les autres et que je vois la pile qu'on peut être honnête, je me dis que j'aurais mieux fait d'élever des volailles plutôt que d'être musicien. Méfiez vous ça, c'est pas encore trop tard pour que je m'y mette. »

Il était maître de musique, mais du coup, il devait enseigner le latin et enseigner des matières qui ne l'intéressaient pas du tout. Il devait faire les services funéraires, les mariages, les baptêmes. Il devait organiser les dimanches. Donc du coup, il devait trier ses élèves, ceux qui étaient capables de chanter, ceux qui n'étaient pas capables de chanter. Il devait faire de la discipline, il devait faire des tas de choses qui l'enquiquiner vraiment beaucoup.

Mais l'argent est une est une notion qui revient très souvent. Le statut de sa position. C'est pour ça qu'il change de ville. C'est pour ça qu'il accepte des postes plutôt que d'autres. Et entre le prestige musical de la ville à cette époque là et ce qu'on lui offre, on parle beaucoup de Leipzig. En tout cas, la pièce prend place au moment où il est à Leipzig, donc la dernière ville dans laquelle il a officié.

Et c'est celle où c'est celle où la musique était la plus rigide, j'ai l'impression. Ce n'était pas du tout un endroit souple où on le laissait créer comme il voulait, en le déchargeant de tout, de tout ce qui était des basses œuvres. Non, non. C'était probablement une des plus rigides de ses un, des plus rigides de ses emplois.

De ma part, le fait de le jouer ici comme ailleurs. C'est l'assurance qu'il n'y a pas plusieurs musiques et que, en France.

Pour avoir fait un cursus extrêmement classique d'apprentissage de la musique, puis un peu moins avec les écoles de jazz, les choses comme ça, il y a quand même une petite, pas une rétention d'information, mais quand même. Il y a deux catégories en France, il y a les musiciens et les non musiciens. Il n'y a pas de tradition musicale de Monsieur et madame tout le monde et je trouve qu'on a la musique intimidante.

Il y a beaucoup de gens qu'on peut rencontrer qui disent « Ouais, moi la musique, j'aurais bien aimé, mais ». Mais ils ont peur, ils ont peur de ces salles. D'ailleurs, moi quand j'étais gamin, c'est ça me faisait peur, ces pianos, me faisait peur, c'est trop grand, ça fait trop noir.

Ma présence ici, pourquoi pas, Ce serait de dire il n'y a pas de mauvaise façon de parler de la musique. Et je pense que le rire et la musique et le drame parce qu'il y en a un peu dans la pièce, c'est la même chose. Il y a rien à s'interdire.

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