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Rock’n’roll Circus

Publié le 08 mars 2015 — par David Sanson

© DR

Le rock n’a pas attendu David Bowie pour être théâtral. Mais le génie de celui-ci aura été de porter cette théâtralité à un degré inégalé, suivant une démarche radicale qui tenait autant de la posture conceptuelle et dadaïste que de l'instinct de survie.

David Bowie — dont le frère Terry fut interné pour schizophrénie — avait senti que créer un personnage était le meilleur moyen de se protéger, de tenir à distance cette bipolarité inhérente à la célébrité et à la vie publique qui a tué plus d’une rock-star. Il a brouillé la distance entre rock et théâtre, préférant incarner différents personnages plutôt que de prétendre jouer sa vie sur scène. Il le résumait ainsi en 1987 : « Il est très difficile de convaincre les gens qu’on peut être différent sur scène de ce qu’on est en réalité. Le rocker est censé exprimer ses émotions réelles — c’est vrai pour beaucoup d’artistes. Mais pas pour moi. Jamais. J’ai toujours considéré la scène comme une expérimentation théâtrale. »

Son sens inné du théâtre frappe dès les tout premiers enregistrements du chanteur. Imitateur-né, véritable caméléon vocal, passionné de comédies musicales — dès 1965, il interprète sur scène des chansons de Judy Garland ou du film Mary Poppins —, Bowie va pouvoir cultiver son intérêt pour les arts de la scène grâce à Ken Pitt, son premier manager, et surtout suite à sa rencontre, à l’été 1967, avec le mime et metteur en scène Lindsay Kemp, figure de l’avant-garde théâtrale britannique. Comme Kate Bush, il étudiera le mime auprès ce dernier, et se produit sur scène avec lui dans Pierrot in Turquoise. Kemp apparaîtra dans la vidéo de John, I’m Only Dancing, et surtout lors des concerts que Ziggy Stardust et les Spiders from Mars donnent au Rainbow Theatre de Londres à l’été 1972 : des shows considérés comme l’acte de naissance du glam rock, lors desquels les musiciens apparaissent tous costumés...

— David Bowie - The Mask

Deux ans plus tard, Bowie ne parviendra pas à concrétiser son adaptation du roman 1984 de George Orwell sous forme de comédie musicale — projet dont l’album Diamond Dogs offre un aperçu. Pas davantage ne se réalisera le projet de Bob Fosse — créateur du fameux musical Cabaret — de porter à la scène le roman Lestat le Vampire d’Anne Rice avec Bowie et Mick Jagger... Il faudra attendre le tout début des années 1980 pour voir Bowie faire son unique véritable incursion sur les planches — si l’on excepte Pierrot in Turquoise et, en 1981, sa prestation dans l’adaptation du Baal de Bertolt Brecht pour la BBC (qui donnera lieu à un mini-album enregistré à Berlin) : à Broadway, il interprète pendant plusieurs mois le rôle-titre d’Elephant Man, jusqu’à ce qu’il décide d’interrompre la série de représentations après l’assassinat de John Lennon à New York.

— David Bowie - Scenes from The Elephant Man, 1980-1981