Pierre Boulez / Master-classe de direction d'orchestre
Program
Le Rossignol d’après le conte d’Andersen Le Rossignol et l’Empereur de Chine est le premier opéra composé par Stravinski. En 1908, il termine le premier acte de cette œuvre destinée au théâtre libre de Moscou. Quand il reprend sa partition quatre ans plus tard, après Le Sacre du printemps, il craint qu’un contraste trop fort entre l’acte I et les autres ne ruine l’unité de la partition. Celui-ci lui apparaîtra finalement comme faisant partie intégrante de son sujet : « Je me suis dit qu’il ne serait pas illogique que la musique du prologue revêtit un caractère quelque peu différent de celui des autres tableaux. Et, en effet, la forêt avec son rossignol, l’âme candide d’une enfant qui s’éprend de son chant, toute cette douce poésie d’Andersen ne pouvait être rendue de la même façon que la somptuosité baroque de cette cour chinoise avec son étiquette bizarre, avec cette fête de palais, ses milliers de clochettes et de lanternes, ce monstre bourdonnant de rossignol japonais, bref toute cette fantaisie exotique, qui, naturellement, exigeait un autre discours musical. » L’opéra est achevé en 1914. Trois ans plus tard, Stravinski revient encore sur sa partition pour en faire une suite symphonique destinée aux Ballets russes de Diaghilev qui avaient déjà monté l’opéra. La suite reprend l’essentiel des actes II et III et s’articule en trois grands moments. La Fête au palais de l’Empereur de Chine comprend un air du Rossignol aux deux flûtes ainsi qu’une Marche chinoise nettement pentatonique. Les Deux Rossignols vont s’opposer en musique : l’oiseau de la nature étant incarné par la flûte et le violon tandis que l’oiseau mécanique est confié au hautbois. Maladie et guérison de l’Empereur de Chine campe une atmosphère funèbre rendue par un choral des bassons et trombones auquel s’ajoute un thème plaintif. La musique de la nature triomphera de la mort et rendra vie à l’Empereur. Admiratif de Stravinski, Ravel, à la différence du public, reconnaîtra dans Le Rossignol un nouveau chef-d’œuvre dans lequel il note : « Cette liberté contrapuntique absolue, cette indépendance audacieuse des thèmes, des rythmes, des harmonies, dont la combinaison, grâce à l’une des plus rares sensibilités musicales, nous offre un ensemble si séduisant ; cette nouvelle conception de Stravinski se rattache surtout à la sa dernière manière de Schönberg. Mais celle-ci est plus âpre et plus austère. »
Lucie Maudot-Kayas