Orchestre symphonique Simón Bolívar / Gustavo Dudamel
Program
Sol que das vida a los trigos est un hymne à la vie et à la nature. S’appuyant sur un poème de Manuel Felipe Rugeles (Venezuela, 1903-1959), cette œuvre nous transporte dans la campagne vénézuélienne, où les champs de blé sont baignés de soleil et la vie s’épanouit dans toute sa splendeur.
Grâce à une riche palette sonore, Abreu nous invite à un voyage qui nous relie à la beauté et à l’harmonie de la nature. La richesse mélodique et harmonique de la pièce, combinée à la poésie de Rugeles, crée une atmosphère de profonde sérénité et d’optimisme.
L’œuvre, composée dans le style du madrigal, emploie les techniques de contrepoint apprises à l’école de composition de Vicente Emilio Sojo. Abreu a obtenu son diplôme sous sa tutelle l’année où a été composé le madrigal, qui reflète son influence ainsi que le travail quotidien accompli par les élèves, de l’interprétation de la poésie à la composition. Elle a été rééditée par la Fondation Vicente Emilio Sojo dans la collection « Choral Music of Latin American Authors », volume 4, 2005.
Cette composition a été découverte en 2018 (l’année du décès de José Antonio Abreu) par son collègue et ami cher Igor Lanz. Lanz a confié le manuscrit original au Chœur national Simón Bolívar, et l’œuvre a été transcrite et interprétée pour le compositeur une vingtaine de jours avant sa mort.
Bien qu’il s’agisse d’un madrigal, l’usage bien plus développé de l’harmonie et d’éléments rhétoriques permet d’illustrer de façon magistrale le texte du poète espagnol Juan Ramón Jiménez (1881-1958).
L’année de composition est inconnue, et la pièce n’a pas encore fait l’objet d’une publication.
Cette œuvre aux dimensions hors normes – la plus longue du compositeur – doit être conçue comme une ode panthéiste à la nature. Ses six mouvements (il y en avait originellement un septième), dont deux font intervenir la voix, sont autant de méditations contrastées sur la place de l’homme dans le cosmos. Les accents dramatiques et « l’intranquillité » propres à Mahler y ont bien sûr leur place, mais elle adopte dans l’ensemble un ton moins tragique ou funèbre que les œuvres de la même période, au profit d’un climat plus lyrique et « philosophique ».
Initialement intitulé « L’Éveil de Pan », l’immense premier mouvement constitue un monde à lui tout seul : univers originel, minéral et tellurique, rendu par l’usage des cuivres et des registres graves, des salves de percussions. Malgré la présence d’épisodes plus mélodiques, Mahler s’efforce d’évoquer ici le monde au temps de sa création, un ample motif de marche, repris à la fin, symbolisant l’essor de la vie.
Faisant office de premier scherzo, le deuxième mouvement est dédié à la végétation : c’est une page d’esprit champêtre, subtile et aérienne, comme on en trouve rarement chez Mahler, évoquant la fragilité et la grâce naïves d’un monde pastoral.
Tel l’autre panneau d’un diptyque, le troisième mouvement évoque pour sa part le règne animal : tout un bestiaire implicite défile dans ce deuxième scherzo animé, parfois humoristique, qui semble composé de petits tableaux successifs, vols d’oiseaux ou scènes de chasse. Seule la coda, annoncée par un coup de gong, adopte le ton d’une soudaine magnificence cosmique.
Le quatrième mouvement, sans doute le plus célèbre, ouvre un pan nouveau de l’œuvre en introduisant la voix. C’est une contralto soliste qui évoque à présent l’apparition de la vie humaine, sur un texte tiré de la fin du Zarathoustra de Nietzsche, « O Mensch! Gib Acht! » [« Ô homme, prends garde ! »]. La couleur sombre de l’orchestre et les ponctuations dramatiques des cuivres installent un climat onirique et immatériel, sur lequel la voix assemble progressivement les éléments d’un lied, comme s’il s’agissait, par le chant, de sonder la condition humaine et les profondeurs de l’inconscient.
Éminemment mahlérien et proche, par exemple, des Rückert-Lieder, ce moment suspendu s’interrompt pour laisser place au cinquième mouvement, qui convoque pour sa part – en faisant intervenir deux chœurs – un poème du Wunderhorn, dans un climat de naïveté légendaire.
L’ultime mouvement de cette symphonie en tous points monumentale est un ample adagio purement instrumental, dont le début aux cordes seules, citant de loin un quatuor de Beethoven, est là encore typique du génie mahlérien. Une mélodie d’une douceur ineffable, bientôt complexifiée par l’écriture contrapuntique et ponctuée de passages plus vigoureux, évoque les tréfonds du sentiment : c’est sur les grisantes mais cruelles « leçons de l’amour », selon l’expression du compositeur lui-même, que s’achève cette extraordinaire partition.
Frédéric Sounac
Gustavo Dudamel returns to the podium of the Simón Bolívar Symphony Orchestra with which he made his conducting debut in his adolescence, for two consecutive evenings—the first with the women’s and children’s choirs of the Orchestre de Paris.