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102 min
Available in full until September 28, 2025

Anniversaire Boulez | 100

Ensemble intercontemporain - Les Métaboles - Pierre Bleuse - Léo Warynski - Boulez, Jarrell
Recorded the March 28, 2025 (Salle des concerts - Cité de la musique)

Program

1.
Installation des musiciens
00:45
2.
Michael Jarrell
Assonance IVb, pour cor
13:51

La série des Assonances, entreprise par Michael Jarrell à partir de 1983, se présente
comme un cycle en cours, toujours susceptible de s’accroître de nouveaux éléments, comme en témoigne Verästelungen (Assonance Ic) pour ensemble en 2016.

Qu’il s’agisse de courtes pièces pour tuba, pour alto et électronique, ou encore pour
sept musiciens et vidéo, entre autres formations, ces différents opus dérivent de la notion d’assonance en poésie. Ainsi que le précise le compositeur, « les vers des plus anciens poèmes français n’ont pas de rimes, mais seulement des assonances. On dit que deux vers assonent entre eux quand leur dernière voyelle accentuée est la même voyelle. Il n’est pas nécessaire que les phonèmes ou sons qui suivent ou précèdent immédiatement cette voyelle se ressemblent ou soient absolument différents dans les deux vers. Peu importe l’orthographe, mais il est indispensable que ces voyelles se prononcent pareillement, qu’elles aient le même timbre ». Tel un cahier d’esquisses de timbres, ces « assonances » diverses consacrées à des instruments ou à des groupes instrumentaux variés se présentent sous une forme proche des Chemins ou des Sequenze du compositeur Luciano Berio. Mais là où Berio cherchait à explorer toute la palette des possibilités expressives d’un instrument, Michael Jarrell en fait miroiter les couleurs dans une forme qui révèle leurs qualités spécifiques.

La partition d’Assonance IVb requiert de l’interprète une exceptionnelle maîtrise de
l’instrument, en particulier dans le jeu staccato et la technique du bisbigliando propre
aux instruments à vent et à certaines cordes pincées telle la harpe : en alternant très rapidement certains doigtés sur une même note, l’interprète réalise une variation rapide de timbres, créant un véritable « trille de sonorités ». Le recours à la sourdine wah-wah, la subtile superposition de sons instrumentaux et chantés et l’emploi d’un registre très étendu contribuent à exalter, bien au-delà de tout procédé, la richesse d’expression et de coloris du cor.

Véronique Brindeau

3.
Pierre Boulez
cummings ist der dichter...
18:07

C’est en 1952, alors que Pierre Boulez effectuait un séjour à New York, que son attention fut attirée par John Cage sur l’œuvre du poète américain E. E. Cummings. La plastique de la mise en page, le rôle du signe typographique et de la ponctuation, la découpe verbale, tout ce qui participe de la respiration du poème, devaient exercer une impression durable sur l’imagination du compositeur. Il travaillait alors à une pièce pour chœur a capella, Oubli, signal lapidé, sur des poèmes d’Armand Gatti. C’est pour cette œuvre aujourd’hui retirée du catalogue qu’il eut l’idée d’une technique de composition dont l’importance n’a fait que croître depuis : en prenant pour point de départ la transposition de séries de blocs harmoniques, il pouvait obtenir des complexes sonores dont les sons seraient fonction même de l’œuvre. À mi-chemin entre l’artisanat du piano préparé de Cage, et la technologie embryonnaire des sons électroniques de Stockhausen, ces blocs se prêtent à un maniement assez souple pour figurer, soit sous forme d’accords, soit en arpèges composés déliés mélodiquement.

Près de vingt ans plus tard, pour la composition de cummings ist der dichter (1970), c’est cette même matière que Boulez va réutiliser pour mettre en musique un poème évocateur du lien animiste qui se noue entre le chant des oiseaux et la plénitude de l’espace. Dès les premières mesures, nous sentons bien que les mélismes harmoniques du chœur, enveloppés par les timbres instrumentaux, forment le déploiement d’une sonorité unique. En outre, pour transposer musicalement l’aspect visuel du poème, Boulez use de l’éventail des techniques vocales allant du chant à la déclamation pure, mettant l’accent, ici sur les voyelles, là sur les consonnes – en d’autres termes, en jouant sur l’opposition et la transition du son au bruit.

La révision de l’ouvrage (1986) ne s’explique pas uniquement par des impératifs pratiques : si certains remaniements dénotent une expérience accrue de la direction d’orchestre (rééquilibre des distributions vocales, coordination rythmique soumise à un contrôle unique), l’essentiel vise à l’amplification des sonorités d’origine (ce terme devant être pris au sens large, incluant les retours du texte sur lui-même). À la netteté abrupte des contours de la version initiale, s’est substitué un art subtil de la fluidité sonore, nimbant les sonorités premières dans un halo de figures dérivées.

Robert Piencikowski

4.
Michael Jarrell
...il semble que ce soit le ciel qui ait toujours le dernier mot...
25:47

Ce fragment est tiré du recueil Les Dentelles de Montmirail de René Char, un auteur que j’ai découvert grâce à Pierre Boulez. D’un côté, c’est une allusion à ce dernier ; de l’autre, une réflexion sur toutes ces figures disparues qui ont marqué ma vie.

En 1986, j’ai appris que Peter Eötvös avait choisi ma pièce Trace-Écart pour un concert
au Théâtre du Rond-Point à Paris. Ce fut ma première collaboration avec l’Ensemble
intercontemporain, un moment particulièrement marquant pour moi.

D’abord, il y a eu la rencontre avec les musiciens de l’Ensemble ; ensuite, celle avec
Pierre Boulez, qui était pour moi une référence, un modèle ; puis, celle avec Peter Eötvös et Jonathan Harvey, qui sont par la suite devenus des amis. Peter dirigeait l’ensemble, et Bhakti de Jonathan (dans sa version courte) figurait en deuxième partie du programme. En abordant l’écriture de cette pièce, je me suis souvenu qu’à la fin de chaque mouvement de Bhakti, un fragment du Rig-Veda était cité. Ce texte sanskrit, vieux de plus de 4 000 ans, est une collection d’hymnes sacrés. J’ai choisi d’en reprendre certains fragments, non pas en anglais, comme dans la partition de Bhakti, mais dans leur langue originelle, le sanskrit.

Michael Jarrell

5.
Pierre Boulez
sur Incises
43:58

Comme son titre l’indique avec une précision lapidaire, sur Incises trouve son origine
dans Incises pour piano, créé en 1994. Seconde floraison d’un matériau exploité sous
une première forme, l’œuvre articule deux parties enchaînées sans interruption. Introduite par un prélude lent, la première partie constitue un enrichissement de la partition pour piano originale, dont elle reprend à la fois le déroulement et les caractéristiques les plus extérieures (dont l’entrelacs perpétuel de traits et de notes répétées). S’il sert de fondement à cette première partie de la nouvelle pièce, le matériau d’Incises est ici transfiguré par une effusion perpétuelle et ne donne lieu à aucune citation textuelle, même fragmentaire.

Reliée à Incises de façon à la fois beaucoup plus lâche et plus abstraite, la seconde partie de sur Incises ne s’attache à certains éléments de la pièce de piano que pour en tirer des perspectives radicalement neuves. Plus volontiers contemplative, elle alterne des séquences de jeu virtuose et de longues pages ouvragées par de multiples jeux de résonance. 

Triple trio d’instruments résonants, sur Incises use d’une palette sonore d’une grande singularité (écrites le plus souvent pour deux vibraphones et un marimba, les trois parties de percussions utilisent ponctuellement quelques instruments supplémentaires : cloches-tubes, glockenspiel, steel drums, timbales). Dans les diverses combinaisons qu’il permet comme dans la fusion générale des couleurs, ce dispositif instrumental singulier révèle une gamme de tons d’un camaïeu délicat, tour à tour sombre ou éclatant, qui donne à la partition une couleur générale fortement caractéristique. Véritable étude de sonorités, sur Incises déploie un geste instrumental le plus souvent virtuose, dans une profusion ornementale et un flux sonore qui témoignent d’un souci constant de la continuité, récurrent dans la dernière manière de Pierre Boulez.

Alain Galliari

In honour of the centenary of Boulez’s birth, Ensemble Intercontemporain and Les Métaboles revisit cummings ist der dichter and sur Incises, two masterpieces emblematic of his sources of inspiration and compositional process.

« 2025 Année Boulez » est porté par le ministère de la Culture en collaboration avec la Philharmonie de Paris.

In partnership with

Distribution

Ensemble intercontemporain
Jeanne Maugrenier, horn
Les Métaboles
Pierre Bleuse, conducting
Léo Warynski, choirmaster

Composers - Authors

Pierre Boulez
Michael Jarrell