Program
Distribution
In an acoustic trio, the flamboyant Sandra Nkaké crafts a concert paying tribute to the women composers and artists who have inspired her.
Media
[Jérôme Sandlarz à Leïla :
— 1, 2, 1, 2, 1, 2, 1, 2, 1, 2. On va voir ce que ça donne. Est-ce que tu m'entends ?
— Comment ?
— Est-ce que tu m'entends ?
— Ouais.]
[Tous :
Rires.]
[Sandra Nkaké :
Je suis un millefeuille, Sandra Nkaké. Chanteuse, autrice, peureuse, téméraire, animal grégaire, traversée par l'envie de faire du lien en musique. Super comme entre en matière.]
[Leïla :
Alors, moi, c'est Leïla, je suis aussi un petit peu chanteuse.]
[Jérôme Sandlarz :
Et moi, je suis Jérôme.]
[Leïla à Sandra :
— Est-ce que vous avez un souvenir de votre premier contact avec votre voix chantée ?
— Je devais avoir 5 ou 6 ans, quelque chose comme ça. On avait une platine vinyle. Et je me souviens que j'avais mis la chanson... Comment ça fait ? « Boules de billard, c'est le nom pas gentil que la fille du canard m'a donné dans la vie. Je m'appelle Elmer, et quand je vois (puni), moi, je deviens tout vert, et je prends mon fusil ». Et je m'en souviens encore. J'avais l'impression vraiment de rentrer dans le dessin animé par la musique. Je me souviens de la joie, de l'insouciance, de la légèreté que ça me procurait. C'est une époque qui pour moi était très dure à traverser, tout simplement, parce que quand on est victime de violences sexuelles, ça détruit, et particulièrement quand on est si petite. D'autant plus que c'est commis par quelqu'un qui est proche de vous, et pour qui vous avez beaucoup de respect. Donc la puissance de l'imaginaire, je pense, m'a permis de ne pas devenir complètement zinzin. Et le fait que le chant imprime de manière très concrète de la joie dans notre corps, c'est une énergie qui répare.]
[Jérôme à Sandra :
— Cette voix de petite fille, comment elle sonnait ?
— Je me souviens surtout de moi essayant de ne pas sonner comme une petite fille. De ne pas sonner comme une fille, tout court. Parce que pour moi, ça voulait dire être représentée comme une proie potentielle. Et donc très tôt, j'ai essayé d'imiter les voix des garçons. J'avais une voix détimbrée. Je parlais vraiment comme ça. Tout le temps. Et je pense, à partir de l'âge de 10 ans, je me suis mise à parler comme ça. Et d'ailleurs, souvent, on m'appelait monsieur ou jeune homme. Et en fait, j'ai la corpulence que j'ai depuis que j'ai mes 10 ans et demi. Donc voilà, je fais 1 mètre 75, j'ai des épaules très larges, j'ai chausse du 42. Et j'ai cette voix que je commence seulement à laisser tranquille et à comprendre et à accepter.
— À apprivoiser ?
— Je dirais à accueillir.
— Il y a une certaine Lisa qui vous a fait remarquer que vous montiez assez haut quand vous riez.
— Oui, Lisa. Son nom de scène, c'est Lisa Deluxe. Elle a chanté très longtemps avec un groupe qui s'appelle Magma. Et elle me dit, « mais pourquoi tu viens me voir ? » Je lui dis, « je viens te voir parce que je commence à chanter avec un groupe et apparemment, ma voix n'est pas hyper bien placée. Des fois, je ne suis pas très juste. J'ai un vibrato qui est très serré. Il y a des notes que je n'arrive pas à atteindre ». Tout ça. Et en fait, elle voyait que le blocage n'était pas organique, mais était vraiment dans ma tête. Qu'à partir du moment où je me sentais incapable de chanter ces notes-là, il n'y avait aucune raison pour que j'y arrive. Elle me dit, « mais tu ne te rends pas compte de la hauteur de la note que tu fais quand tu ris. Par exemple. Donc là, c'est beaucoup plus haut que ce que tu voulais chanter. Donc en fait, tu peux le faire ». Et je pense que c'était un des plus beaux moments de ma vie de début d'adulte. Je savais que j'avais ça en ligne de mire. Et que, quand une certaine forme de détente parviendrait, je parviendrais à ces notes-là. Et par exemple, maintenant, il y a des suraigus que je ne fais plus. Par contre, le lien entre la voix mixte et la voix de tête, il est beaucoup plus fluide qu'avant. Et ça, avant, j'étais incapable de le faire. Mais incapable. Donc ouais, merci Lisa.]
[Leïla à Sandra :
— Et justement, par rapport à ça, est-ce que vous avez un échauffement particulier ? Comment vous apprivoisez votre voix avant de chanter ?
— Alors, comment je me connecte ? J'ai plein de petits trucs donnés par un ami chanteur d'échauffement, de (babis) que je fais très, très doucement, que je peux faire par exemple en marchant dans la rue, dans un magasin. Enfin, je veux dire, je les fais quand je veux. J'essaye de trouver aussi un endroit avec une petite reverb. Il y a toujours ou un couloir, ou un hall, ou des toilettes, ou il y a toujours un endroit avec une reverb magique qui fait qu'on entend bien toutes les harmoniques de chaque note. Par exemple, « je suis seule avec mes ombres, mais tu marches avec moi chaque seconde même dans le vent, je sais que c'est toi... » J'entends bien où ça vibre. Et ensuite, quand je suis avec basse, batterie, guitare, flûte traversière, si je m'entends bien parce qu'on est dans une salle qui le permet, c'est cool. Mais si on est dans une salle où le son n'est pas confortable, je peux reconvoquer cette mémoire-là pour chanter au même niveau : « Je suis seule », et pas « Je suis seule ».]
[Jérôme à Sandra :
— Sandra Nkaké, il y a une voix qui vous a marqué. Celle de Nina Simone qui a peut-être contribué à celle que vous êtes aujourd'hui.
— Nina Simone, on mettait les disques à la maison, beaucoup. Et je me souviens avoir eu cette impression que quand elle chantait, je comprenais ce qu'elle vivait et qu'elle me parlait et j'étais fan de Nina Simone. J'avais un petit carnet avec plein de photos de Nina Simone collées partout, c'était n'imp. Et je pense que le fait de la voir aussi en concert, de voir cette personne traversée par de la douleur, une douleur intense et en même temps une connexion incroyable avec son piano, sa voix... Je pense qu'elle a vraiment nourri mon feu parce que dans son travail, dans son geste, j'entends à la fois l'engagement, mais j'entends aussi la tendresse. J'entends aussi ce cri qui dit « Mais respectez-moi ! » Je pense que je me suis identifiée à elle parce que j'avais l'impression que nos voix étaient dans un même endroit, d'avoir envie de faire du bien aux autres et c'est pour ça que j'ai écrit « Nos voix ». Et la partie a cappella, elle dit : « Et les larmes sur ma joue parlent de moi, parlent de nous et brisent le silence et les mots dits caressent ma peine. Tu es seule dans la pénombre, mais je danse avec toi » donc là, je lui parle... « chaque seconde, même dans le sang tu sais que c'est moi. Depuis les ténèbres, je chante pour toi. »]
[Leïla à Sandra :
— Mis à part justement tout ce que vous avez pu avoir comme expérience douloureuse dans votre vie, comment est-ce que votre voix vous raconte dans votre douceur, dans qui vous êtes ?
— Maintenant, j'essaye de laisser plus de place à la douceur justement, plus de place à la faille, à la tendresse. Je suis dans un endroit qui est plus tranquille et donc ma voix est pleine aussi des rencontres que j'ai pu faire, de l'amitié, de l'amour qui m'a été donné, des mini conquêtes que je me suis autorisée. En tout cas, j'aimerais trouver cet équilibre entre une certaine forme de colère à certains endroits, mais aussi de la joie, de la douceur, de la tendresse et de la fragilité, et de la lenteur. Je sais que si j'ai besoin d'être offensive, je vais me débrouiller pour que ce soit à un endroit où ma voix soit presque au maximum de ma voix de poitrine [chant]. Ça va me permettre d'être bien timbrée, d'avoir de l'impact sans avoir à forcément envoyer beaucoup de volume plutôt que [chant]. C'est la même mélodie, mais j'ai pas le même son. Donc le son est aussi fonction de ce qu'on a envie de ressentir et de ce qu'on a envie de donner aux autres. Donc ça peut être aussi [chant], c'est pas la même chose !]
[Jérôme à Sandra :
— Si on en revient Nina Simone, il y a un morceau auquel je pense qui s'intitule « Four Women » que vous avez d'ailleurs interprété sur la scène de la Philharmonie de Paris. Et si vous nous l'interprétiez toutes les deux, cette chanson, à deux voix ? Sandra à ma gauche. Leila à ma droite.]
[Reprise de Four Women]
[Jérôme Sandlarz :
— Sandra, Leïla, merci.]
[Leïla :
— Merci à vous, Sandra.]
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Porte de Pantin station
Paris Underground (Métro) Line 5
Tram 3B