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Jazz à la Villette
from August 28 to September 7, 2025
All programming

Jeff Mills "Tomorrow Comes The Harvest" feat Jean Phi Dary and Prabhu Edouard / Sun Ra Arkestra

Concert
Grande Halle de La Villette

Program

Distribution

Sun Ra Arkestra
Sun Ra Arkestra
Knoel Scott , singer, saxophone, congas
Chris Hemingway , alto saxophone
James Stewart , saxophone ténor
Alex Harding , baritone
Michael Ray , trumpet
Cecil Brooks , trumpet
Andrae Murchison , trombone
Tara Middleton , singer
Lafayette Gilchrist , piano
Tyler Mitchell , bass
George Gray , drum kit
Elson Nascimento , percussion, surdo
Jose da Silva , percussion
Intermission
Jeff Mills "Tomorrow Comes The Harvest" feat Jean Phi Dary and Prabhu Edouard
Jeff Mills "Tomorrow Comes The Harvest" feat Jean Phi Dary and Prabhu Edouard
Jeff Mills , électroniques
Jean-Philippe Dary , keyboard
Prabhu Edouard , percussion

Two American legends with a set dedicated to music free from borders and limits, with the cosmic jazz of Sun Ra Arkestra, as exuberant as ever with seven decades behind them, alongside the techno ragas of Tomorrow Comes The Harvest, a project led by DJ and producer Jeff Mills.

Philharmonie Live

Concert broadcasted live and available on demand until September 3, 2026 on Philharmonie Live.

Live in 2 days, 16 hours

Media

Tomorrow Comes The Harvest - Rising Water (Reprise)
SUN RA ARKESTRA - Lights On A Satellite

Jeff Mills :

« Créer du son sans entraves, de la musique en toute liberté, fait partie des trésors de notre société.

L’idée de Tomorrow Comes The Harvest est venue indirectement, en fait. Au départ, il s’agissait du titre d’un album du regretté Tony Allen et de moi-même. L’idée est née d’une collaboration que nous avions imaginée, essentiellement pour mélanger les genres. Tony avait invité des artistes à lui rendre visite dans le studio qu’il avait loué dans le nord de Paris, pour se rencontrer, le temps d’une jam session, et ça a été notre première rencontre. Les choses se sont tellement bien passées que nous avons décidé d’enregistrer de la musique ensemble, ce qui a donné lieu à des tournées et à un album. Cet album s’appelait Tomorrow Comes The Harvest. C’est une phrase tirée d’un roman de science-fiction d’Octavia Butler. Dans cette histoire, elle propose l’idée suivante : si nous faisons aujourd’hui les choses en conscience, si nous nous concentrons sur des projets qui pourraient avoir une influence plus tard, peut-être qu’avec le temps, nous commencerons à voir le fruit de ces actions. C’est le sens de cette formule.

Lorsque Tony est décédé, il y a quelques années, j’ai pris le temps de réfléchir à l’idée initiale de notre projet et j’ai décidé de le remonter en invitant d’autres musiciens, et de l’appeler Tomorrow Comes The Harvest, « Demain vient la moisson ». Après la mort de Tony Allen, j’ai pris le temps de réfléchir à ce que nous essayions de faire par rapport à ce qui se passait dans l’industrie musicale. Dans mon cas, il s’agissait principalement de musique électronique. On voyait que la technologie nous aidait, mais... elle prenait aussi le pas sur le processus de création. À mon avis, trop d’artistes comptent trop sur la technologie pour matérialiser les choses à leur place. À tel point que les musiques ont commencé à toutes se ressembler et que les mêmes éléments sonores ont été utilisés pour produire le même type de musique électronique, de dance. J’ai pensé que ce serait l’occasion d’utiliser les mêmes machines qu’on utilise régulièrement dans la musique électronique, pour les appréhender et s’en servir autrement, pour en jouer comme des instruments, pour essayer de se rapprocher de ce que ferait un musicien en live, d’utiliser leurs réactions et les caractéristiques du son quand on tape dessus, par exemple, plutôt que de chercher uniquement la façon lisse et monotone dont les machines réagissent. 
Je trouve que c’est plus que jamais le moment idéal pour démontrer qu’il existe d’autres façons d’aborder la création de musique électronique. C’était l’idée de départ. 
D’autres musiciens dans d’autres domaines se faisaient aussi la même réflexion : peut-être la technologie et la façon dont nous communiquons nous dictent trop notre façon de créer et certains ont tendance à utiliser le moyen le plus facile de produire quelque chose. L’idée de découvrir quelque chose de nouveau disparaît peu à peu, à cause de cela. Vous imaginez quelque chose et vous le trouvez tout prêt, mais vous ne cherchez plus, on vous le fournit tout de suite. 
Ce projet porte essentiellement sur l’idée de la recherche. Pendant toute la phase où vous cherchez quelque chose, où vous voulez atteindre un but, vous découvrez d’autres choses. C’est ça qui porte votre projet à gauche, à droite, en bas, en haut. En fait, c’est une approche exploratoire de la musique. Ce n’est pas une nouveauté. Dans le passé, il y a eu des artistes comme Frank Zappa et beaucoup d’autres artistes qui n’avaient pas de plan, pas de véritable destination. Ils essayaient simplement d’extraire ce qu’ils ressentaient dans l’instant. Ce projet s’inscrit cette lignée.

L’idée d’intégrer Prabhu Edouard, le maître du tabla, j’y pensais depuis notre première rencontre. Il y a de nombreuses années, j’ai été invité à créer une œuvre classique à Toulouse avec l’Orchestre philharmonique de Toulouse. Ils m’ont demandé de créer un projet de spectacle. Et j’ai eu l’idée de créer une partition et une performance basées sur l’idée d’être perdu dans l’espace. On a une destination, mais on se fait chambouler au point d’être perdu dans l’espace. Et quand on est perdu, on est ouvert et vulnérable à tout. Le spectacle était donc basé sur l’idée que vous ne savez plus où se trouve votre destination et vous cherchez quelque chose, une sorte d’indice. Et dans ce processus, vous découvrez des choses étonnantes dans l’univers. J’avais créé la partition, le synopsis de cette œuvre. À un moment donné, je me suis dit que cette histoire pouvait être un peu abstraite, qu’elle avait peut-être besoin d’être guidée par un conteur. Il ne nous dit pas où aller, mais il est là comme un guide pour donner un sens aux expériences étranges auxquelles vous êtes confronté : des planètes qui entrent en collision, des trous noirs, etc. J’ai pensé qu’un musicien qui était capable de parler avec son instrument serait le meilleur guide pour ce genre de spectacle. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de chercher un joueur de tabla. J’ai donc écumé Paris à la recherche du meilleur joueur de tabla, ce qui m’a conduit à M. Edouard. Nous l’avons contacté et lui avons demandé s’il était intéressé par ce projet. Il a dit oui. Et depuis, j’ai voulu retravailler avec lui. Je cherchais toujours des occasions de l’inviter. Il a été la première personne à laquelle j’ai pensé lorsque j’ai imaginé le format de Tomorrow Comes The Harvest. Je l’ai contacté et lui ai expliqué la situation. Et il a accepté d’essayer. C’est ainsi qu’il a rejoint le projet.

Nous ne sommes pas synchronisés lors du concert. Autrement dit, il n’y a rien d’électronique entre nous. Nous utilisons nos oreilles comme d’autres musiciens écouteraient un autre musicien pour connaître le tempo, la tonalité, etc. J’écoute Prabhu et il m’écoute et nous communiquons à travers nos instruments. Nous nous sommes en quelque sorte conditionnés pour comprendre que... nous partageons la gamme de fréquences et donc quand il joue quelque chose de très bas, cela me donne l’occasion de jouer quelque chose de très haut et vice versa. Nous mélangeons donc ces deux instruments pour n’en faire qu’un, un seul instrument. Cela pose un socle, une fondation sur laquelle d’autres musiciens peuvent jouer en solo. Plus nous jouons ensemble, plus nous comprenons... Plus nous parlons ensemble, plus nous comprenons la meilleure façon de créer ce type de trame, cette trame de percussions qui va servir de socle. 
Je suis convaincu que tant que je penserai qu’il est utile d’expérimenter et de chercher, je découvrirai des choses nouvelles ou différentes qui m’aideront, au bout du compte, dans mon processus de création, de programmation et d’interprétation. Par exemple, il y a quelques semaines, voire quelques mois, j’ai synchronisé par erreur deux machines et j’ai trouvé de nombreuses façons intéressantes de manipuler la balance entre deux machines pour créer un résultat tellement imprévisible qu’il est difficile d’en garder une trace. Ça me rappelle l’époque où je jouais avec Tony Allen et où j’étais à côté de lui, j’écoutais ce qu’il faisait, je regardais ce qu’il faisait et pourtant, je ne comprenais pas d’où venait le son qu’il produisait. C’était tellement complexe que j’ai abandonné et je me suis contenté de suivre ce qu’il faisait. Ça n’avait aucun sens, mais c’était incroyable. C’est ainsi que je suis tombé sur une façon... sur une façon plus simple de procéder, de remodeler constamment la structure d’une composition pour qu’elle ne se répète jamais. Elle avance et se déroule, mais elle ne vous installe jamais dans une structure répétitive. Et pourtant, elle se répète et vous n’avez absolument aucune idée de ce qui va se passer ensuite, parce que moi-même, j’ignore ce qui va se passer en manipulant ces balances. Voilà où j’en suis, en ce moment, voilà ce qui me passe par la tête. Dès que je serai de retour en studio, je suis sûr que cela va aboutir à quelque chose - ou pas ! Je découvrirai peut-être quelque chose d’autre.

Il s’agit d’essayer d’utiliser la musique ou le son d’une manière qui désoriente l’auditeur au point qu’il s’ouvre... D’abord il est perdu, puis il s’ouvre, comme s’il était perdu dans l’espace. Ensuite, vous lui donnez quelque chose qu’il n’oubliera jamais. Et c’est cette combinaison qui a beaucoup d’impact. L’auditeur ne s’attendait pas, mais la voilà. Il n’y a pas d’excuses, pas d’explications, elle arrive comme ça. Et je pense que cela fait vraiment partie de la magie de la relation profonde que nous pouvons avoir avec la musique.

À quoi est-ce qu’on s’attend ? On sera prêts à voyager, c’est sûr, mais on sait qu’il y aura... un public très pointu, parce que c’est un festival de jazz très important. Je ne saurais pas vous dire à quoi vous attendre. On n’a pas encore fixé la destination de... J’ai des choses en tête, des choses que je leur dirai peut-être avant de monter sur scène, ça pourra aider un peu, peut-être pas, mais on n’a vraiment aucune idée de ce que ça va donner. Je n’en ai aucune idée. En fait, je suis très enthousiaste de voir les possibilités que ça ouvre. Prabhu Edouard et Jean-Phi Dary sont d’excellents musiciens et ils connaissent très bien ce scénario. Je suis donc très à l’aise avec l’idée de... On devrait être en mesure d’emmener le public avec nous quelle que soit la direction qu’on prendra. J’ai vraiment hâte. Ce type d’approche peut s’appliquer à de nombreuses formes d’art, à beaucoup d’autres choses : on ne se prend pas la tête, on réagit selon l’instant. Ça montre vraiment ce que l’artiste ou le créateur ressent à ce moment-là, ce qu’on ressent quand on est de l’autre côté du micro, ou de l’autre côté du clavier et qu’on se met à la place du spectateur dans le public. À ce moment-là, la musique peut devenir encore plus intime et plus connectée. Pour moi, ça augure de plein de choses à venir.
Je pense que créer du son sans entraves, pouvoir créer de la musique en toute liberté, fait partie des trésors les plus précieux qu’une société avancée puisse avoir, ou même... Et je pense que... Nous sommes probablement aux prémices de quelque chose qui va se développer de plus en plus. Je pense qu’on verra plus de mélange des genres, d’ouverture et de liberté de la part des musiciens sur scène, devant un public. Leur message n’a pas besoin d’être aussi concret. Il peut être ambigu, libre et ouvert et laissé à l’interprétation de l’auditeur. Parce que c’est aussi très important que l’auditeur soit libre d’avoir son propre ressenti, et pas nécessairement ce que l’artiste essaie de lui faire ressentir. 
Donc voilà, on est dans cette phase. Je pense qu’il y a 100 ans, beaucoup de gens pensaient la même chose dans d’autres formes d’art. Je pense que la musique montre des signes de volonté de changement. Les artistes montrent des signes d’envie d’être plus connectés, et ce type d’improvisations, de spontanéité, est une voie à suivre.

Partager la scène avec le Sun Ra Arkestra, ça veut dire beaucoup de choses pour moi. J’ai étudié Sun Ra pendant de très nombreuses années, pas seulement sa musique, mais aussi la pensée qui sous-tend sa vision sur la raison de sa présence sur terre, le but de cette présence, le temps qu’il a passé sur cette planète et l’idée qu’il soit finalement retourné d’où il venait. Pour moi, partager la scène avec eux témoigne d’un changement d’époque. 
Quand on vient de la musique électronique, on est très préoccupés par les limites et les frontières de cette musique, et il est rare d’interagir et d’être inclus dans une programmation et un concert comme celui-ci. Je ne pense pas que les artistes de jazz aient beaucoup d’interactions avec la musique électronique. Alors pour moi, le fait d’être invité et de partager la scène avec le Sun Ra Arkestra est incroyable. Et comme je l’ai déjà dit, c’est peut-être le signe de changements à venir. Il y a des choses que j’ai envie de dire parce que je partage la scène avec le Sun Ra Arkestra, parce qu’il y a un public qui connaît très bien ce Sun Ra Arkestra et qu’on est invités pour la première fois. 
Donc il y a des choses que je veux dire et que je veux montrer au public. Et une de ces choses est que la distance entre le jazz et la musique électronique n’a jamais été très grande. Ils ont toujours été très proches. Et ce n’était qu’une question d’approche et de méthode qui donnait l’impression que nous étions des univers très éloignés. Mais en fait, l’objectif et la cible d’un grand nombre de créations sont fondamentalement les mêmes. J’ai fait de la musique à propos de la planète Saturne, et Sun Ra en a parlé presque aussi souvent dans ses interviews et dans sa vie. J’ai tellement étudié cette planète qu’elle fait partie intégrante de mon travail. Et il n’y a pas que Saturne : toutes les planètes du système solaire, d’autres galaxies et toutes sortes d’objets étranges du cosmos sont très présents dans une grande partie de mon travail. Je n’ai rencontré que quelques musiciens du Sun Ra Arkestra, mais je sais que nous avons beaucoup en commun. Alors j’attends avec impatience cette occasion d’entendre et de voir le groupe. C’est un moment dont je me souviendrai longtemps. »

Jeff Mills raconte le voyage Tomorrow Comes The Harvest | Jazz à la Villette

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