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Escaich en pleine lumière

Publié le 27 October 2024 — par Laurent Vilarem

— Thierry Escaich - © Marie Rolland

Il est l’un des compositeurs français vivants les plus joués au monde, et son inspiration jaillit dans tous les styles. À l’aube de ses soixante ans, la Philharmonie de Paris et l’Orchestre de Paris, en particulier, lui devaient bien ce coup de chapeau.

Dans les mois à venir, l’Orchestre de Paris nous donne de nombreux rendez-vous avec Thierry Escaich. «Il s’agit d’un tour assez complet, s’enthousiasme-t-il, puisqu’outre deux concertos, Klaus Mäkelä créera une nouvelle pièce. Il y aura également un ciné-concert et je jouerai en tant qu’organiste et improvisateur.» Cette programmation, qui «s’est faite très progressivement par le désir de faire entendre des œuvres qui n’avaient jamais été jouées en France» témoignera de l’évolution de son parcours de créateur.

Longtemps, ses pièces frappaient plutôt par leur noirceur et leur frénésie. Concerto créé l’an dernier au Gewandhaus de Leipzig et donné pour la première fois en France les 16 et 17 octobre prochains, Les Chants de l’aube impressionne au contraire par son rayonnement lumineux. Le mérite en revient bien sûr au violoncelliste Gautier Capuçon, mais également à la volonté d’Escaich d’ouvrir de nouveaux horizons à son langage: «Depuis quelques années, je sors peu à peu d’un expressionnisme romantique noir qui caractérisait ma musique depuis mes débuts, et ma palette s’éclaircit grâce à de nouvelles couleurs. Je privilégie désormais une clarté rythmique et harmonique qui me permet par contraste d’aller plus loin dans la violence, lorsque la dramaturgie de l’œuvre le nécessite.» Derrière son titre schumannien, ce deuxième concerto pour violoncelle décrit un lever du jour, comme le combat mélodieux entre l’ombre et la lumière. Une partition picturale? «Ma couleur préférée est le jaune, et je suis ébloui par les tableaux de William Turner. Il opère une telle fusion des couleurs : le jaune devient blanc, vire au gris, tout en passant en même temps par des zones sombres, presque noires. Dans le deuxième mouvement, on trouve un moment immobile dans lequel la frontière entre lumière et obscurité devient impalpable.»

Les 6 et 7 novembre, le Chœur et l’Orchestre de Paris dirigés par Klaus Mäkelä créeront une nouvelle œuvre dont le titre témoigne encore de cette sensibilité coloriste nouvelle: Towards the light. Thierry Escaich a imaginé cette pièce comme un postlude au célèbre Requiem de Fauré: «J’ai voulu faire un parcours des ténèbres vers la lumière, que j’associe à la vie après la mort. Pour ce faire, j’utilise des textes de provenances très diverses, tels que la Bible, des psaumes, des textes d’Edgar Morin ou François Cheng. J’aurais pu écrire un Requiem très sombre, mais je préfère explorer de nouveaux territoires. Quand mes élèves me voient improviser à l’orgue ils me trouvent toujours sauvage et tourmenté, mais je suis un compositeur qui aspire à l’apaisement et qui lutte contre ses propres démons!»

En fin de saison, Thierry Escaich nous promet un concert étonnant. Nous verrons en effet le musicien dans toute l’étendue de son talent nous offrant son Concerto pour violon et hautbois (avec Lisa Batiashvili et François Leleux dont il apprécie «la volupté et la puissance») inspiré par celui de Bach, suivi d’improvisations à l’orgue. Après l’entracte, l’Orchestre accueillera l’organiste pour tenir la partie des fastueux Pins de Rome de Respighi. Tel est l’artiste Thierry Escaich: animée d’un feu inextinguible, son œuvre se joue des clairs-obscurs et des lieux communs. Sa musique n’a pas fini de nous éblouir.

Laurent Vilarem