La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits de la Symphonie no 1 sont interprétés par Le Cercle de l'Harmonie sous la direction de Jérémie Rhorer. Concert enregistré à la Philharmonie de Paris le 7 janvier 2022.
Retrouvez le concert sur Philharmonie à la demande.
Düsseldorf, année 1853. Sur les conseils du grand violoniste Joseph Joachim, un jeune compositeur de vingt ans se présente devant Clara et Robert Schumann. C’est Johannes Brahms, un musicien hambourgeois qui commence à faire parler de lui. Le jeune homme est de tempérament passionné, mais il est aussi très réservé, discret, modeste… Une dualité qu’on retrouve dans sa musique.
Robert Schumann est particulièrement impressionné par le travail de Johannes et décide de le prendre sous son aile. Il écrit dans son journal : « Brahms est venu me voir, un génie.
Ou encore dans un article pour la revue Neue Zeitschrift für Musik : « Voilà un élu ! Je pensais qu’il devait apparaître un jour quelqu’un qui rendrait de façon idéale la plus haute expression de notre époque ! Si un jour il plonge sa baguette magique dans le gouffre de l’orchestre, nous pouvons nous attendre à de plus merveilleux aperçus du monde des esprits ! »
Schumann dit voir dans les deux premières sonates du jeune homme des « symphonies voilées » ; il lui recommande de s’essayer au genre symphonique.
Johannes Brahms trace les premières notes de sa Symphonie en 1854 ou 55. Malheureusement, peu de temps après leur rencontre, Robert Schumann sombre dans la folie, au désespoir de Clara, dont Brahms s’est d’ailleurs épris.
Robert meurt en 1856, laissant son disciple et son épouse dans le plus grand désarroi.
La triste disparition de son mentor réfrène Brahms dans son ambition symphonique. Il préfère composer pour des genres plus modestes : musique de chambre, chœur, piano, lied. Il écrit aussi ses deux sérénades pour orchestre et son Premier Concerto pour piano, créé en 1859, à partir d’une ébauche qui devait servir à une symphonie en ré mineur.
À la fois séduit et effrayé par le genre, Brahms fait traîner son projet de symphonie. Pas simple de passer derrière de grands compositeurs – qui sont ses modèles – comme Beethoven, bien sûr, auteur de neuf symphonies remarquables, mais aussi Schumann.
Brahms se fait donc d’abord connaître comme pianiste et chef d’orchestre. Il tourne un peu partout, on l'encense même aux États-Unis ! Plus le temps passe et plus on s’étonne de ne pas le voir composer de symphonie. En 1870, Brahms déclare encore qu’il n’en composera jamais.
Quinze ans après la disparition de Schumann, Brahms s’installe à Vienne, qui est alors la capitale européenne de la musique. Là, tout le monde le soutient et l’encourage, ses amis, le public et les critiques. Le compositeur prend confiance et propose une nouvelle œuvre, plus ambitieuse, les Variations sur un thème de Haydn. C’est une réussite. Brahms est fin prêt pour l’aventure symphonique.
Brahms a passé la quarantaine quand sa Première Symphonie est créée le 4 novembre 1876, vingt ans après les premières ébauches. Cette Première Symphonie va être rapprochée de celles de Beethoven. Certains l’ont même surnommée la « Dixième Symphonie » !
Brahms a cette volonté d'ancrer sa musique dans des formes traditionnelles. Il se concentre sur une architecture aux contrepoints élaborés et au développement thématique. Ce qui ne l’empêche pas d'avoir sa voix propre ; on reconnaît assez bien une symphonie de Brahms à son ampleur et à la chaleur de ses mélodies.
Pour cette Première, Brahms choisit la tonalité d’ut mineur, qui fait penser à l’Ouverture de Coriolan de Beethoven ou à sa Cinquième Symphonie. C’est une tonalité avec des accents tragiques, qui évoque aussi un sentiment d’urgence…
Autre élément qui rappelle Beethoven dans cette Première Symphonie de Brahms, le thème du finale, qui fait penser à l’Ode à la joie de la Neuvième Symphonie. Pour le compositeur, « c’est si évident qu’un âne s’en apercevrait » !
Brahms écrira sa Deuxième Symphonie dans la foulée de la Première. Maintenant qu’il est lancé, plus de temps à perdre ! L’œuvre sera très différente de son aînée. Pastorale, fraîche, lumineuse, elle tranche avec l’austérité de la Première et séduit davantage le public viennois lors de sa création en décembre 1877.