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Les Clés du classique #55 — Le Triple Concerto de Beethoven

Publié le 16 September 2025 — par Charlotte Landru-Chandès

Contemporain de la Symphonie n° 3 « Héroïque », le Triple Concerto de Beethoven rassemble un effectif inédit : violon, violoncelle et piano dialoguent avec l’orchestre dans une conversation tour à tour intimiste, poétique et brillante.

La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.

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Les extraits du Triple Concerto sont interprétés par le Chamber Orchestra of Europe, Renaud Capuçon, Gautier Capuçon et Frank Braley, sous la direction de Bernard Haitink. Concert enregistré à la Salle Pleyel le 2 mars 2012.

Retrouvez le concert sur Philharmonie à la demande.

Les extraits de la Symphonie n° 3 sont interprétés par le le Rundfunk Sinfonieorchester Berlin, sous la direction de Marek Janowski. Concert enregistré à la Salle Pleyel le 13 mars 2011.

Retrouvez le concert sur Philharmonie à la demande.


Au XIXe siècle, le genre du concerto est à la mode. 

On aime bien mettre en avant un instrument soliste pour lui permettre de briller face à l’orchestre dont il est tour à tour l’adversaire ou le complice. 

Certains compositeurs vont pousser l’expérience plus loin. Brahms, par exemple, va proposer un Double Concerto pour violon et violoncelle en 1887. Mais bien avant lui, presque un siècle plus tôt, Beethoven a été encore plus audacieux en écrivant un concerto non pas pour un ni deux solistes… mais pour trois !

À l’époque où Beethoven commence à écrire son Triple Concerto, en 1803, il est un fervent admirateur de Bonaparte. 

Partisan des valeurs républicaines, Beethoven voit en Bonaparte un héros, un libérateur de l’Europe. Il s’identifie même un peu à lui : après tout, ils sont nés avec seulement un an d’écart (1769 pour Bonaparte et 1770 pour Beethoven). Mais surtout, le compositeur voit en Bonaparte un homme qui, comme lui, s’est hissé au sommet grâce à son seul talent. Et, à ses yeux, il ne fait aucun doute que celui-ci va utiliser son talent au service de la liberté du peuple. 

C’est comme si leurs destinées étaient liées. 

Preuve de son admiration pour Bonaparte, à cette époque, Beethoven compose aussi sa Troisième Symphonie, future Symphonie « Héroïque », qu’il compte bien dédier à cet homme providentiel. 

Mais en 1804, tout s’effondre : Napoléon est couronné empereur. Beethoven est déçu, il se sent trahi… son héros bafoue les principes de la République ! 

Hors de lui, Beethoven annule la dédicace de sa Troisième Symphonie à Bonaparte et choisit de l’accorder à son mécène, le prince Lobkowitz. Il change aussi le titre de la partition et la nomme « Symphonie héroïque, composée pour célébrer le souvenir d’un grand homme ». 

Le prince Lobkowitz est aussi le dédicataire du Triple Concerto, composé à la même époque, une partition assez déconcertante par son effectif : un orchestre et trois solistes. Pourtant, ce n’est pas si original à l’époque. Le genre de la symphonie concertante pour orchestre et un petit groupe de solistes est très à la mode. En témoignent les œuvres de Mozart. 

Chez Mozart, comme chez Beethoven, les instruments solistes conversent, se répondent, se questionnent. C’est une sorte d’élargissement du trio violon, violoncelle et piano, effectif chambriste très à la mode dans la Vienne du tournant des XVIIIe et XIXe siècles. 

Avec son Triple Concerto, Beethoven semble aussi faire un clin d’œil au genre du concerto grosso, dans lequel un groupe d’instruments dialogue avec l’orchestre. C’est une forme très prisée par les compositeurs baroques. 

Quoi qu’il en soit, Beethoven se livre ici à une expérimentation. Il essaie de maintenir une forme d'équilibre entre les trois solistes qui se partagent le parcours thématique. 

L’œuvre se découpe en trois mouvements : Allegro, Largo et Rondo alla Polacca – littéralement « à la Polonaise ». 

Dès le premier mouvement, on retrouve un peu du caractère intime de la musique de chambre, avec la conversation au sein du trio soliste. Néanmoins, pour certains musicologues, ce n’est pas le mouvement le plus inspiré de l’œuvre, et par rapport à d’autres concertos de Beethoven, il peut même sembler un peu fade. C’est aussi le mouvement le plus long du Triple Concerto

Suit un largo d’une grande poésie, en la bémol majeur. C’est ici le violoncelle qui est mis en avant, avec un chant chargé de lyrisme. Malgré les apparences, c’est lui qui tient le passage le plus difficile. Le violon et le piano sont relégués au second plan. 

C’est encore le violoncelle qui introduit le finale, un rondo énergique sur un rythme de polonaise. C’est ici un mouvement rythmé, brillant, que nous propose le compositeur pour terminer son concerto en apothéose. Il est généralement le plus apprécié du Triple Concerto, séduisant par son caractère affirmé. 

L’œuvre passe un peu inaperçue, coincée entre la Troisième Symphonie, qui la précède, et la Sonate pour piano n° 23, dite Appassionata, qui lui succède. Pourtant, Beethoven réalise ici un véritable tour de force. 

Pour parvenir à donner une place à chaque instrument sans que l'œuvre soit démesurément longue, il réajuste son langage. Il choisit ici des thèmes plus simples, plus ramassés, pour laisser la parole à chacun. 

L'œuvre est publiée en 1807. En page de titre, on peut lire l’appellation un peu pompeuse : « Grand Concerto concertant pour pianoforte, violon et violoncelle ».

Le Triple Concerto de Beethoven est créé, dans un premier temps, en privé, en 1804 au palais Lobkowitz. Le compositeur est au piano, Anton Wranitzky au violon et Antonín Kraft au violoncelle. Puis, il est donné officiellement à Leipzig en février 1808.

Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.

  • Un podcast de Charlotte Landru-Chandès
  • Réalisé par Taïssia Froidure
  • © Cité de la musique – Philharmonie de Paris