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Alain Galliari présente le catalogue de l’œuvre de Pierre Boulez

Publié le 22 April 2025 — par Olivier Mantei et Sabrina Valy

— Catalogue de l'œuvre de Pierre Boulez - Éditions de la Philharmonie

Le catalogue illustré de l’œuvre de Pierre Boulez détaille 112 compositions, depuis les pièces de jeunesse jusqu’aux derniers manuscrits laissés inachevés, en passant par des œuvres phares comme Le Marteau sans maître, Pli selon pli ou Répons.
— Entretien | Alain Galliari présente le catalogue de l'œuvre de Pierre Boulez

Ce catalogue est publié à l’occasion du centenaire de la naissance de Pierre Boulez (1925-2016), qui coïncide avec les trente ans de la Cité de la musique et les dix ans de la Philharmonie de Paris. Nous savons ce que ces lieux lui doivent, notamment leur vocation pluridisciplinaire, le voisinage entre la pratique et la réflexion, la nécessité de démocratiser l’accès à la musique et de penser ensemble création et diffusion.

Au compositeur nous devons une œuvre, à laquelle cet ouvrage est consacré. À l’image du Livre de Mallarmé et du Book of Music de John Cage, qui ont inspiré à Pierre Boulez l’idée de chapitres ou de parties détachables et autonomes, ce volume abrite plusieurs livres.

C’est d’abord un catalogue raisonné de l’ensemble des œuvres, comme ceux que la tradition nous a laissés. Sa réalisation a été confiée au musicologue Alain Galliari, avec la confiance des ayants-droit. Il présente de manière chronologique 112 entrées, depuis les pièces de jeunesse jusqu’aux derniers manuscrits inachevés. Sans créer de hiérarchie entre les compositions, faisant coexister les différentes versions d’une même pièce, Alain Galliari donne à voir l’écriture en mouvement, à la recherche de ce qu’elle a d’essentiel et de fertile ; s’y déplie une œuvre dans tous ses états, ouverte et labyrinthique. Un tel travail d’enquête et de collecte ne pouvant être réalisé seul, les spécialistes de l’œuvre boulézienne y ont été associés, tout particulièrement Robert Piencikowski et Susanne Gärtner. On connaît l’intérêt de Pierre Boulez pour l’exploration des musiques extra-occidentales, pour leur résonance plus que pour l’étude musicologique des textes eux-mêmes. C’est avec cette qualité d’écoute que nous souhaiterions ouvrir l’œuvre à la recherche.

Certains parcourront un livre d’archives. L’étude des sources s’est faite principalement à partir de l’inventaire des manuscrits, « assez étrangement conservés par le compositeur à travers les décennies et les déménagements », nous dit Alain Galliari, légués à la Fondation Paul Sacher et à la Bibliothèque nationale de France, tous deux partenaires du catalogue. Le montage des documents montre autant d’esquisses ou de fragments d’esquisse, autant de brouillons plus ou moins lacunaires, que de mises au net et de manuscrits autographes. Lorsque qu’aucune exécution n’est connue ou qu’il n’existe aucun enregistrement, on pourra déceler entre les lignes des intentions du compositeur : une invitation à faire parler les sources, dans un monde où bien des archives partent en fumée.

D’autres lecteurs rencontreront Pierre Boulez à travers le portrait kaléidoscopique que dressent ses œuvres. Les mots qui traversent la couverture de ce catalogue ne sont pas sans évoquer les éclats colorés des mobiles de Calder, que le musicien avait en tête pendant l’écriture — mobile — des pièces de la fin des années 1950. Derrière eux, la figure du compositeur, bien sûr, dessinée avec brio par Alain Galliari dans les introductions qui ouvrent chaque chapitre. En marge, dans les « Repères » qui suivent ces ouvertures, l’ombre plurielle du chef d’orchestre, du pédagogue (qui enseigne en même temps qu’il dirige), de l’intellectuel ou de l’homme d’action. Ces contours biographiques éclairent la genèse des œuvres en même temps que le rapport de Boulez à la création. Ils disent les influences, les rencontres et les découvertes — des poètes, des compositeurs, des peintres du passé et du présent. C’est pourquoi ce catalogue illumine aussi nombre d’épisodes de l’histoire musicale et culturelle du XXe siècle.

D’autres encore liront un bref recueil de Pierre Boulez écrivain. La plupart des notices sont enrichies d’extraits de ses écrits ou entretiens, ainsi que de quelques passages de correspondances inédites : avec Cage, Stockhausen ou Souvtchinsky1. Ces témoignages expriment-ils autre chose qu’un souci permanent de la perception, c’est-à-dire du sens partagé de l’œuvre ?

Enfin, quelques-uns, peut-être par hasard, découvriront un livre illustré, un livre d’images : photographies, partitions inédites, coupures de presse, archives familiales s’agencent pour raconter Pierre Boulez dans son temps. La conception graphique a été réalisée par Rik Bas Backer et Paul Dagorne, à qui nous avions confié celle du Catalogue de l’œuvre de Pierre Henry paru en 2021. Pour rendre l’idée d’évolution de l’œuvre, de progression formelle à force de reprise et d’extension, ils ont choisi la couleur qui imprègne jusqu’au pli des pages — « des graphismes plus précis s’inscrivant sur des fonds, sur des plages aux contours estompés », écrit Boulez à propos du Livre pour cordes. Certaines compositions sont reliées entre elles par des flèches : elles indiquent les lignes généalogiques plus ou moins directes des pièces qui font famille.

L’édition, comme artisanat, nous a menés à accomplir collectivement durant deux ans le travail archivistique, musicologique, éditorial et critique nécessaire à l’établissement du présent catalogue. Dans le cadre de l’année Boulez 2025, sa préparation a nourri la création d’un site internet dédié à Pierre Boulez. Il offre aux visiteurs une sélection d’informations, de documents, d’archives qui sont les fondements d’un site de référence pérenne. L’œuvre continue de résonner et de se mouvoir, avec la création d’inédits de jeunesse et des exécutions posthumes (Polyphonie X et Poésie pour pouvoir, mais aussi Notations VIII qui était en voie d’achèvement à la mort du compositeur).

On le voit et on le lit, le compositeur s’est débattu tout au long du développement de son œuvre — en même temps qu’il s’est voué à la transmettre. Dans sa présentation du Visage nuptial dont il a dirigé la version initiale au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris en janvier 2025, Nicolas Jortie rappelait l’importance de « rendre l’œuvre habitable ». C’est peut- être ce que nous avons essayé de faire dans ce livre et à travers l’hommage multiforme qui est rendu à Pierre Boulez.
Que soient ici remerciés toutes celles et ceux qui nous ont accompagnés dans la confection de cet ouvrage, dont le nom est déposé dans les premières et dernières pages.
 


Catalogue de l’œuvre de Pierre Boulez, sous la direction d’Alain Galliari, Paris, Éditions de la Philharmonie, 2025.

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    Nous publions en parallèle près de quarante années d’échange de lettres entre Pierre Boulez et Pierre Souvtchinsky, Cher Pierre… : correspondance, 1947-1985, édition établie par Gabriela Elgarrista et Philippe Albèra, Paris et Genève, Éditions de la Philharmonie / Contrechamps, 2025.

Olivier Mantei

Directeur général de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris

Sabrina Valy

Directrice éditoriale