L’année 2025 marque le 50e anniversaire de la disparition de Chostakovitch. À sa mort, le compositeur laissait derrière lui un important corpus dans lequel tous les genres sont représentés : trois opéras, quinze symphonies, six concertos, quinze quatuors à cordes, de nombreuses autres œuvres de musique de chambre ainsi que des ballets et des musiques de film. Son œuvre très personnelle, qui opère la synthèse entre des tendances d’avant-garde et la tradition classique, représente un apport fondamental à la musique moderne. Contrastée, conjuguant le désespoir avec la joie, souvent ironique et parfois grinçante, sa musique témoigne aussi des tribulations de son auteur sous le joug de Staline puis de Khrouchtchev et de Brejnev. Il faudrait nombre de concerts pour donner un aperçu représentatif de la richesse de la production chostakovienne ; le temps fort que lui consacre la Philharmonie fait le choix, plutôt que de prétendre à une quelconque exhaustivité, de proposer quelques coups de projecteur sur des aspects de son œuvre.
Le chef polymorphe Clément Mao-Takacs dirige le Secession Orchestra qu’il a fondé dans un programme transversal qui multiplie les raretés : face au Concerto pour piano no 1, brillant et plein d’esprit, interprété par David Kadouch, il donne les arrangements par Rudolf Barchaï des Quatuors no 4 et 8 sous forme de « symphonies de chambre », ainsi que la suite extraite de la comédie musicale Moscou, Tcheriomouchki et les tardives Mélodies sur des poèmes de Marina Tsvetaïeva, avec Marie-Laure Garnier.
Les deux représentations du week-end explorent le lien entre la musique de Chostakovitch et l’image. Comme un certain nombre de compositeurs soviétiques, Chostakovitch a écrit de nombreuses musiques de film. Ce ne sont cependant pas celles-ci que l’on entend, mais un nouvel arrangement symphonique dû à Frank Strobel, spécialiste de ce répertoire, pour accompagner Le Cuirassé Potemkine d’Eisenstein. Décrivant la mutinerie des marins du Potemkine à Odessa en 1905, le film a marqué l’histoire du cinéma par son inventivité technique et son souffle épique. La veille, c’est une réalisation du cinéaste sud-africain William Kentridge qui est projetée. Il élabore, à partir de la Dixième Symphonie, un film qui propose un regard sur le lien entre les artistes et l’Union soviétique. La bande originale en est assurée par le Luzerner Sinfonieorchester mené par son chef principal, Michael Sanderling, spécialiste de la musique symphonique de Chostakovitch.