Arvo Pärt
Program
Pendant plus de vingt-huit ans, Berlin-Ouest fut séparée de Berlin-Est, ainsi que du territoire de la République démocratique allemande, par un mur. Ce « mur de la honte » (Schandmauer) tomba le 9 novembre 1989. Arvo Pärt, qui avait lui-même grandi et vécu sous le régime soviétique et, après avoir émigré au début des années 1980, habitait à Berlin-Ouest, vécut cet événement avec intensité. Quand, en 1990, la Fondation Guardini lui commanda une messe pour le 90e Congrès catholique allemand (deutsche Katholikentag), le compositeur décida de dédier l’œuvre à Berlin réunifiée. Comme l’accent principal du congrès de 1990 était précisément mis sur la réunion des catholiques allemands de l’Est et de l’Ouest, sa création eut lieu, symboliquement, à Berlin-Est.
Même si, aujourd’hui, les grandes messes de l’histoire de la musique appartiennent avant tout au répertoire de concert, répertoire dans lequel la Berliner Messe a d’ailleurs trouvé toute sa place, la forme de cette œuvre et l’effectif pour lequel elle est écrite font qu’elle se prête tout à fait à une utilisation liturgique. On peut le voir en observant qu’aux diverses parties de l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei) s’ajoutent, intercalés entre Gloria et Credo, deux Alleluia pour les fêtes de Noël et quatre Alleluia pour la Pentecôte, ainsi que la séquence de la Pentecôte, Veni Sancte Spiritus. Dans le concert de ce soir, au Credo de la Berliner Messe se substitue une œuvre de 1977, Summa, qui lui est musicalement apparentée et s’appuie sur le même texte liturgique.
La musique de la Berliner Messe est composée selon la technique tintinnabuli, le style créatif auquel Arvo Pärt avait abouti en 1976. La structure musicale obéit, généralement de façon stricte mais parfois avec plus de liberté, par exemple dans le Gloria, à cette technique, qui aboutit dans cette œuvre à une texture complexe et variée. Les notes de la composition sont structurées de manière rigoureuse en fonction du nombre de syllabes des paroles, de leur accentuation, ainsi que d’autres paramètres du texte. Selon les mots même du compositeur, « chaque pas est déduit du texte, de sorte qu’il ne s’agit pas d’“inspiration”, mais plutôt de quelque chose d’objectif ». Au lendemain de la création, le critique musical Martin Wilkening parlait, à propos de cette œuvre, de musique désindividualisée (entindividualisierten Musik). L’effort d’objectivité, la primauté accordée au mot, la mise en retrait de la personnalité du compositeur et l’attribution à ce dernier du simple rôle de passeur de l’œuvre – tous ces principes d’Arvo Pärt prennent racine dans sa vision chrétienne du monde.
À la version de chambre initiale – quatre solistes (soprano, alto, ténor, basse) et orgue –, le compositeur a ajouté par la suite une version pour chœur mixte ou solistes (également soprano, alto, ténor et basse) et orchestre à cordes.
Kai Kutman
Summa est l’une des premières pièces écrites en suivant la technique tintinnabuli, au terme d’une crise créatrice de huit années : elle suit immédiatement la naissance de ce style qui, abattant un barrage, fit jaillir des dizaines de nouvelles œuvres. Les premiers fruits de cette nouvelle technique de composition suivaient rigoureusement les règles fraîchement découvertes, et l’on peut parler, à leur propos, de style tintinnabuli strict. Par la suite, la perspective s’est élargie, le compositeur a diversifié ses règles et a commencé à les manier avec davantage de liberté.
Sous la simplicité apparente de cette œuvre se dissimule une suprême complexité. Cela se voit d’abord sur les lignes vocales, dont la structure circulaire revêt une signification symbolique, mais toute l’œuvre repose sur des constructions, systèmes et relations numériques. « J’ai développé un système de composition très formalisé, dans lequel j’écris ma musique depuis déjà vingt ans. C’est dans Summa que la structure est la plus rigoureuse et la plus codée », déclarait Pärt en 1994.
Summa est la première œuvre tintinnabuli composée sur un texte (une œuvre antérieure, In spe, s’apparente plutôt à une vocalise), Pärt ayant choisi de partir de la version latine de la profession de foi. En raison de la politique culturelle antireligieuse de l’époque soviétique, le titre de l’œuvre est codé. C’est le premier exemple de l’utilisation par le compositeur du style syllabique (une note correspond à une syllabe), qui va occuper une place essentielle dans sa création ultérieure. La logique de la conduite des voix obéit aux règles de polyphonie du style strict du compositeur, qui imposent, pour équilibrer certains mouvements, l’utilisation de notes auxiliaires dont on remarque la présence enrichissant le déroulement syllabique. On ne trouve cependant pas encore dans Summa la totalité des règles qui, dans l’évolution ultérieure du style tintinnabuli, viendront régir la relation texte-musique.
Summa fait partie des œuvres tintinnabuli dont Arvo Pärt a donné de multiples versions. La composition vocale a cappella de 1977 existe aujourd’hui dans des transcriptions pour diverses formations vocales ou instrumentales.
Pendant plus de vingt-huit ans, Berlin-Ouest fut séparée de Berlin-Est, ainsi que du territoire de la République démocratique allemande, par un mur. Ce « mur de la honte » (Schandmauer) tomba le 9 novembre 1989. Arvo Pärt, qui avait lui-même grandi et vécu sous le régime soviétique et, après avoir émigré au début des années 1980, habitait à Berlin-Ouest, vécut cet événement avec intensité. Quand, en 1990, la Fondation Guardini lui commanda une messe pour le 90e Congrès catholique allemand (deutsche Katholikentag), le compositeur décida de dédier l’œuvre à Berlin réunifiée. Comme l’accent principal du congrès de 1990 était précisément mis sur la réunion des catholiques allemands de l’Est et de l’Ouest, sa création eut lieu, symboliquement, à Berlin-Est.
Même si, aujourd’hui, les grandes messes de l’histoire de la musique appartiennent avant tout au répertoire de concert, répertoire dans lequel la Berliner Messe a d’ailleurs trouvé toute sa place, la forme de cette œuvre et l’effectif pour lequel elle est écrite font qu’elle se prête tout à fait à une utilisation liturgique. On peut le voir en observant qu’aux diverses parties de l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei) s’ajoutent, intercalés entre Gloria et Credo, deux Alleluia pour les fêtes de Noël et quatre Alleluia pour la Pentecôte, ainsi que la séquence de la Pentecôte, Veni Sancte Spiritus. Dans le concert de ce soir, au Credo de la Berliner Messe se substitue une œuvre de 1977, Summa, qui lui est musicalement apparentée et s’appuie sur le même texte liturgique.
La musique de la Berliner Messe est composée selon la technique tintinnabuli, le style créatif auquel Arvo Pärt avait abouti en 1976. La structure musicale obéit, généralement de façon stricte mais parfois avec plus de liberté, par exemple dans le Gloria, à cette technique, qui aboutit dans cette œuvre à une texture complexe et variée. Les notes de la composition sont structurées de manière rigoureuse en fonction du nombre de syllabes des paroles, de leur accentuation, ainsi que d’autres paramètres du texte. Selon les mots même du compositeur, « chaque pas est déduit du texte, de sorte qu’il ne s’agit pas d’“inspiration”, mais plutôt de quelque chose d’objectif ». Au lendemain de la création, le critique musical Martin Wilkening parlait, à propos de cette œuvre, de musique désindividualisée (entindividualisierten Musik). L’effort d’objectivité, la primauté accordée au mot, la mise en retrait de la personnalité du compositeur et l’attribution à ce dernier du simple rôle de passeur de l’œuvre – tous ces principes d’Arvo Pärt prennent racine dans sa vision chrétienne du monde.
À la version de chambre initiale – quatre solistes (soprano, alto, ténor, basse) et orgue –, le compositeur a ajouté par la suite une version pour chœur mixte ou solistes (également soprano, alto, ténor et basse) et orchestre à cordes.
Kai Kutman
Dans la liturgie anglicane, le cantique Nunc dimittis, tiré de l’évangile de saint Luc, constitue le cœur de l’office des complies. Il s’agit de l’action de grâce du vieillard Siméon, à qui il fut donné, avant sa mort, de voir l’enfant Jésus et de reconnaître en lui le Messie, ainsi que le Saint-Esprit le lui avait annoncé. Comme beaucoup d’œuvres de Pärt datant de la fin des années 1990 ou du début des années 2000, Nunc dimittis fait appel à une forme plus libre de la technique tintinnabuli. Les passages de facture musicale variée se succèdent en suivant les articulations du texte. L’œuvre, d’une tonalité générale mineure, culmine sur le mot lumen (lumière) en majeur.
Une version pour neuf saxophones a été écrite en 2016.
Pendant plus de vingt-huit ans, Berlin-Ouest fut séparée de Berlin-Est, ainsi que du territoire de la République démocratique allemande, par un mur. Ce « mur de la honte » (Schandmauer) tomba le 9 novembre 1989. Arvo Pärt, qui avait lui-même grandi et vécu sous le régime soviétique et, après avoir émigré au début des années 1980, habitait à Berlin-Ouest, vécut cet événement avec intensité. Quand, en 1990, la Fondation Guardini lui commanda une messe pour le 90e Congrès catholique allemand (deutsche Katholikentag), le compositeur décida de dédier l’œuvre à Berlin réunifiée. Comme l’accent principal du congrès de 1990 était précisément mis sur la réunion des catholiques allemands de l’Est et de l’Ouest, sa création eut lieu, symboliquement, à Berlin-Est.
Même si, aujourd’hui, les grandes messes de l’histoire de la musique appartiennent avant tout au répertoire de concert, répertoire dans lequel la Berliner Messe a d’ailleurs trouvé toute sa place, la forme de cette œuvre et l’effectif pour lequel elle est écrite font qu’elle se prête tout à fait à une utilisation liturgique. On peut le voir en observant qu’aux diverses parties de l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei) s’ajoutent, intercalés entre Gloria et Credo, deux Alleluia pour les fêtes de Noël et quatre Alleluia pour la Pentecôte, ainsi que la séquence de la Pentecôte, Veni Sancte Spiritus. Dans le concert de ce soir, au Credo de la Berliner Messe se substitue une œuvre de 1977, Summa, qui lui est musicalement apparentée et s’appuie sur le même texte liturgique.
La musique de la Berliner Messe est composée selon la technique tintinnabuli, le style créatif auquel Arvo Pärt avait abouti en 1976. La structure musicale obéit, généralement de façon stricte mais parfois avec plus de liberté, par exemple dans le Gloria, à cette technique, qui aboutit dans cette œuvre à une texture complexe et variée. Les notes de la composition sont structurées de manière rigoureuse en fonction du nombre de syllabes des paroles, de leur accentuation, ainsi que d’autres paramètres du texte. Selon les mots même du compositeur, « chaque pas est déduit du texte, de sorte qu’il ne s’agit pas d’“inspiration”, mais plutôt de quelque chose d’objectif ». Au lendemain de la création, le critique musical Martin Wilkening parlait, à propos de cette œuvre, de musique désindividualisée (entindividualisierten Musik). L’effort d’objectivité, la primauté accordée au mot, la mise en retrait de la personnalité du compositeur et l’attribution à ce dernier du simple rôle de passeur de l’œuvre – tous ces principes d’Arvo Pärt prennent racine dans sa vision chrétienne du monde.
À la version de chambre initiale – quatre solistes (soprano, alto, ténor, basse) et orgue –, le compositeur a ajouté par la suite une version pour chœur mixte ou solistes (également soprano, alto, ténor et basse) et orchestre à cordes.
Kai Kutman
La piccola cantata (petite cantate) Dopo la vittoria a été commandée, au nom de la ville de Milan, par Sandro Boccardi, à l’occasion des 1600 ans de la mort de saint Ambroise, archevêque et saint patron de la ville, en 1997. Le texte décrit la naissance de l’hymne poétique Te Deum, au moment du baptême de saint Augustin par saint Ambroise, quand tous deux chantèrent cette louange à Dieu. Tiré de l’Histoire des chanteurs et des chants de l’Église [Исторический обзор песнопевцев и песнопения греческой церкви] de l’archevêque Philarète, parue à Saint-Pétersbourg en 1902, il a été traduit du russe vers l’italien à l’intention du commanditaire de l’œuvre.
Dans une note accompagnant la partition, le compositeur écrit : « Cette description m’avait fasciné, et j’avais aussitôt décidé d’écrire ma musique précisément sur ce texte, en respectant la forme qu’il avait dans cette encyclopédie. J’ai donc utilisé le texte sans rien y changer. Le vocabulaire et les tournures de 1902 sonnaient à mes oreilles comme un poème en prose. » Il se souvient encore : « J’étais captivé par cette scène réunissant deux géants de la culture et de la chrétienté occidentales, débordant de joie et d’inspiration spontanée, qui m’a fait une impression profonde. » La cantate possède naturellement un caractère narratif. Par son dramatisme, ses contrastes, ses sautes de dynamique et de tempo, cette œuvre s’écarte du caractère généralement méditatif des autres créations de Pärt en style tintinnabuli.
Pendant plus de vingt-huit ans, Berlin-Ouest fut séparée de Berlin-Est, ainsi que du territoire de la République démocratique allemande, par un mur. Ce « mur de la honte » (Schandmauer) tomba le 9 novembre 1989. Arvo Pärt, qui avait lui-même grandi et vécu sous le régime soviétique et, après avoir émigré au début des années 1980, habitait à Berlin-Ouest, vécut cet événement avec intensité. Quand, en 1990, la Fondation Guardini lui commanda une messe pour le 90e Congrès catholique allemand (deutsche Katholikentag), le compositeur décida de dédier l’œuvre à Berlin réunifiée. Comme l’accent principal du congrès de 1990 était précisément mis sur la réunion des catholiques allemands de l’Est et de l’Ouest, sa création eut lieu, symboliquement, à Berlin-Est.
Même si, aujourd’hui, les grandes messes de l’histoire de la musique appartiennent avant tout au répertoire de concert, répertoire dans lequel la Berliner Messe a d’ailleurs trouvé toute sa place, la forme de cette œuvre et l’effectif pour lequel elle est écrite font qu’elle se prête tout à fait à une utilisation liturgique. On peut le voir en observant qu’aux diverses parties de l’ordinaire (Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus et Agnus Dei) s’ajoutent, intercalés entre Gloria et Credo, deux Alleluia pour les fêtes de Noël et quatre Alleluia pour la Pentecôte, ainsi que la séquence de la Pentecôte, Veni Sancte Spiritus. Dans le concert de ce soir, au Credo de la Berliner Messe se substitue une œuvre de 1977, Summa, qui lui est musicalement apparentée et s’appuie sur le même texte liturgique.
La musique de la Berliner Messe est composée selon la technique tintinnabuli, le style créatif auquel Arvo Pärt avait abouti en 1976. La structure musicale obéit, généralement de façon stricte mais parfois avec plus de liberté, par exemple dans le Gloria, à cette technique, qui aboutit dans cette œuvre à une texture complexe et variée. Les notes de la composition sont structurées de manière rigoureuse en fonction du nombre de syllabes des paroles, de leur accentuation, ainsi que d’autres paramètres du texte. Selon les mots même du compositeur, « chaque pas est déduit du texte, de sorte qu’il ne s’agit pas d’“inspiration”, mais plutôt de quelque chose d’objectif ». Au lendemain de la création, le critique musical Martin Wilkening parlait, à propos de cette œuvre, de musique désindividualisée (entindividualisierten Musik). L’effort d’objectivité, la primauté accordée au mot, la mise en retrait de la personnalité du compositeur et l’attribution à ce dernier du simple rôle de passeur de l’œuvre – tous ces principes d’Arvo Pärt prennent racine dans sa vision chrétienne du monde.
À la version de chambre initiale – quatre solistes (soprano, alto, ténor, basse) et orgue –, le compositeur a ajouté par la suite une version pour chœur mixte ou solistes (également soprano, alto, ténor et basse) et orchestre à cordes.
Kai Kutman
Kanon pokajanen, composé en 1997 sur le texte du Canon de repentance, est l’œuvre la plus vaste écrite par Arvo Pärt pour chœur a cappella. Le compositeur avait déjà trouvé une source d’inspiration dans cette prière en slavon liturgique, avec en 1989 Nõnje k vam pour chœur a cappella et, cinq ans plus tard, Memento, qu’il incorpora par la suite à la musique du canon intégral (respectivement ode 9 et ode 7 de Kanon pokajanen). Un canon est un recueil de chants de la tradition liturgique orthodoxe rassemblés de façon particulière, en l’honneur de Jésus-Christ, de la Mère de Dieu ou des saints. Le texte sur lequel est composé Kanon pokajanen, le Canon de repentance à Notre Seigneur Jésus-Christ [Канон покаянный ко Господу нашему Иисусу Христу], ne figure pas dans l’héritage orthodoxe grec : il s’agit d’une tradition apparue en terre slave, dont la sphère d’influence s’étend jusqu’aux orthodoxes d’Estonie. L’identité de son auteur est débattue, mais le texte porte clairement l’influence du Grand Canon de repentance de saint André de Crète, lu à l’église pendant la première semaine du Grand Carême.
Le canon en usage dans l’Église d’Orient se compose de neuf odes subdivisées en courtes strophes. La tradition fait suivre la troisième et la sixième ode de prières plus brèves, à caractère poétique : le sedalen, le kondakion et l’ikos, tandis que la neuvième se conclut par une prière plus longue. La manière dont Kanon pokajanen est structuré permet au chef de chœur de choisir quelles parties il souhaite présenter aux auditeurs.
L’écriture de Kanon pokajanen a occupé le compositeur pendant plus de deux ans ; là encore, comme dans ses autres œuvres vocales, il s’est inspiré directement du texte. « Je voulais donner au mot la possibilité de choisir sa propre tonalité, de dessiner sa propre ligne mélodique. C’est ainsi qu’est née – et je n’en ai pas été le moins surpris – une musique totalement habitée de l’esprit propre au slavon, langue slave à usage strictement ecclésial. Le travail sur le Kanon m’a montré clairement combien le choix d’une langue peut prédéterminer le caractère de l’œuvre, au point, même, que toute la structure de la composition se soumette au texte et à ses lois propres, et qu’on laisse ainsi à la langue la possibilité de “créer la musique”1. »
Le Magnificat pour chœur a cappella est écrit sur le texte du cantique de Marie, tiré de l’évangile de saint Luc. Il s’agit de l’un des textes bibliques les plus fréquemment mis en musique. C’est un chant d’action de grâces dans lequel Marie loue joyeusement le Seigneur et proclame sa miséricorde, en présence d’Élisabeth. Suivant les traditions liturgiques, ce cantique est chanté aux vêpres ou à l’office du matin.
La sonorité radieuse de l’œuvre exprime bien la joie délicate et reconnaissante de Marie. La structure musicale est transparente : harmonie et mélodie tournent autour d’un axe unique – la note do –, la mélodie étant dessinée par les paramètres du texte conformément aux règles du style tintinnabuli.
Le Veni Creator met en musique deux strophes de l’une des plus importantes prières de l’Église catholique romaine, l’hymne de Pentecôte Veni, Creator Spiritus (Viens, Esprit créateur). Il s’agit d’une composition tintinnabuli succincte, aérée et lumineuse, conclue par un Amen festif. Les voix entrant en imitation sur des accords de trois sons, puis, après la section introductive, les voix d’hommes et de femmes à l’unisson alternant avec l’orgue en mouvements contraires, créent une ambiance ondoyante évoquant l’omniprésence du Saint-Esprit. En 2009 a été créée une version pour chœur mixte et orchestre à cordes.
The Deer’s Cry a été composé en 2007 en réponse à une commande de la Louth Contemporary Music Society. Arvo Pärt a pris comme point de départ un extrait d’un texte du ve siècle attribué à saint Patrick. Patron de l’Irlande, ce dernier en a été l’évangélisateur et est reconnu comme saint par toutes les confessions chrétiennes. Historiens et théologiens l’ont surnommé « l’apôtre d’Irlande », en référence à son œuvre missionnaire particulièrement longue et intense.
À propos de la lorica (ou « prière de la cuirasse de saint Patrick ») The Deer’s Cry circule la légende suivante : Patrick, sachant que lui et ses compagnons moines étaient épiés par des ennemis qui voulaient leur mort, conduisit ses hommes dans la forêt tout en récitant cette prière. Dans les bois, leurs ennemis les prirent pour une biche et des faons, et Patrick et ses hommes furent sauvés.
Ici, comme dans plusieurs autres œuvres chorales composées sur des textes en anglais pendant la première décennie des années 2000, le compositeur s’éloigne de la technique tintinnabuli stricte. En revanche, la présence de la tonalité, fondamentale dans le système de composition de Pärt, est réaffirmée. L’œuvre est dédiée à Eric Marinitsch, d’Universal Edition (Vienne), avec qui Arvo Pärt a collaboré étroitement dès le début des années 1990.
En 2012, je me suis rendu à Fátima, au Portugal. Naturellement, ce lieu avait pour moi, depuis longtemps, une signification spéciale. Cette histoire émouvante des trois jeunes bergers auxquels la Vierge Marie était apparue en 1917 dans un pré de leur village m’est restée présente à l’esprit après mon retour chez moi, et deux ans plus tard est née cette petite pièce chorale. Le texte utilisé est tiré du troisième verset du psaume 8 : « Par la bouche des enfants et des nourrissons, tu as institué une armée de louange. » La pièce est radieuse et doit transmettre cette joie que les trois jeunes bergers ont dû, à mon avis, éprouver. À la même époque a germé l’idée d’organiser un concert de mes œuvres dans le cadre d’une grande exposition Gerhard Richter à la Fondation Beyeler. J’avais fait sa connaissance quelques mois auparavant, et nous avions souhaité avoir un jour l’occasion de rapprocher nos créations. L’exposition de Bâle nous en offrait la possibilité. Ainsi, à peine l’écriture de la pièce achevée, j’ai su à qui la dédier et où elle devrait être entendue pour la première fois.
Arvo Pärt
La version originale, pour chœur et orgue, du Littlemore Tractus fut composée en 2000 à la demande de Bernhard Schünemann, curé de Littlemore, pour célébrer le 200e anniversaire de la naissance de John Henry Newman (1801-1890), prêtre anglican devenu aujourd’hui un saint catholique. Newman fut l’un des théologiens les plus influents de l’Église anglicane, et il est également reconnu comme poète. Il se convertit au catholicisme en 1845 et poursuivit son service comme prêtre avant d’être désigné cardinal. Il a été canonisé par le pape François en 2019.
Le texte sur lequel est composé le Littlemore Tractus est tiré des dernières lignes d’un des plus célèbres sermons de Newman, « Wisdom and Innocence » [« Sagesse et innocence »], qu’il prononça le 19 février 1843 à Littlemore, alors qu’il était encore prêtre de l’Église anglicane. Cette prière d’attente de la paix ultime est traduite dans la musique de Pärt au moyen des sonorités de l’hymne et du choral. La création eut lieu dans l’église Sainte-Marie-et-Saint-Nicolas de Littlemore, qui avait été fondée en 1835 par John Henry Newman lui-même, quoique, à l’époque, sous une autre dénomination.
La musique du Tractus a été réemployée dans une œuvre pour orchestre, Swansong, composée en 2013 ; en 2023, Tõnu Kaljuste en a donné une version pour chœur mixte (soprano, alto, ténor et basse), orchestre à cordes, harpe et percussions.
Kanon pokajanen, composé en 1997 sur le texte du Canon de repentance, est l’œuvre la plus vaste écrite par Arvo Pärt pour chœur a cappella. Le compositeur avait déjà trouvé une source d’inspiration dans cette prière en slavon liturgique, avec en 1989 Nõnje k vam pour chœur a cappella et, cinq ans plus tard, Memento, qu’il incorpora par la suite à la musique du canon intégral (respectivement ode 9 et ode 7 de Kanon pokajanen). Un canon est un recueil de chants de la tradition liturgique orthodoxe rassemblés de façon particulière, en l’honneur de Jésus-Christ, de la Mère de Dieu ou des saints. Le texte sur lequel est composé Kanon pokajanen, le Canon de repentance à Notre Seigneur Jésus-Christ [Канон покаянный ко Господу нашему Иисусу Христу], ne figure pas dans l’héritage orthodoxe grec : il s’agit d’une tradition apparue en terre slave, dont la sphère d’influence s’étend jusqu’aux orthodoxes d’Estonie. L’identité de son auteur est débattue, mais le texte porte clairement l’influence du Grand Canon de repentance de saint André de Crète, lu à l’église pendant la première semaine du Grand Carême.
Le canon en usage dans l’Église d’Orient se compose de neuf odes subdivisées en courtes strophes. La tradition fait suivre la troisième et la sixième ode de prières plus brèves, à caractère poétique : le sedalen, le kondakion et l’ikos, tandis que la neuvième se conclut par une prière plus longue. La manière dont Kanon pokajanen est structuré permet au chef de chœur de choisir quelles parties il souhaite présenter aux auditeurs.
L’écriture de Kanon pokajanen a occupé le compositeur pendant plus de deux ans ; là encore, comme dans ses autres œuvres vocales, il s’est inspiré directement du texte. « Je voulais donner au mot la possibilité de choisir sa propre tonalité, de dessiner sa propre ligne mélodique. C’est ainsi qu’est née – et je n’en ai pas été le moins surpris – une musique totalement habitée de l’esprit propre au slavon, langue slave à usage strictement ecclésial. Le travail sur le Kanon m’a montré clairement combien le choix d’une langue peut prédéterminer le caractère de l’œuvre, au point, même, que toute la structure de la composition se soumette au texte et à ses lois propres, et qu’on laisse ainsi à la langue la possibilité de “créer la musique”1. »
Vater unser, écrit sur le texte allemand du Notre Père, a été écrit en 2005 pour la voix d’un garçon soprano ou d’un contreténor avec accompagnement de piano ; l’œuvre a été donnée pour la première fois cette année-là en Autriche. Dédiée au Saint-Père le pape Benoît XVI, elle fut chantée par le jeune soprano estonien Heldur Harry Põlda, accompagné par Arvo Pärt, au Vatican en juillet 2011, en présence du pape, pour célébrer le 60e anniversaire de son ordination sacerdotale.
Cette pièce se distingue de l’esthétique commune des œuvres du compositeur, tant par sa sonorité que par sa structure. Elle jaillit comme un chant sincère et spontané, hors de tout système préconçu.
En 2013, Arvo Pärt a adapté cette œuvre pour la voix d’un jeune garçon ou d’un contreténor et un orchestre à cordes ou un quintette à cordes ; il en existe également des versions pour chœur mixte, piano et orchestre à cordes (2019), quatuor de saxophones (2019) et chœur mixte et piano (2024).
For over forty years, the Estonian Philharmonic Chamber Choir, founded by Tönu Kaljuste, has been the preferred interpreter of Northern European choral music, especially that of its compatriot Arvo Pärt, which it has helped to spread around the globe.