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Panenka, un hymne à la beauté du geste

Publié le 17 May 2024 — par Angèle Leroy

—  Quatuor Leonis, Andreas Cetkovic, Alexane Meunier - © Little Shao

Un enfant se rêve au milieu d'un match de football fantastique. C’est le point de départ d’un spectacle virtuose et poétique dans lequel danseurs, freestylers et musiciens interrogent geste et prise de risque.

Donné en création à la Philharmonie de Paris à l’occasion de l’Olympiade Culturelle, un mini-cycle en prélude aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Panenka dessine un espace expérimental qui mêle le sport, la musique et la danse. «Le territoire commun est avant tout une surface matérielle : une salle de concert, un stade ; un terrain de foot, une scène. C’est-à-dire une zone délimitée dans l’espace […] : elle est le théâtre où tout se joue, se crée, s’efface. Ne pourrait-il pas exister des zones émotionnelles communes reliant intimement la dramaturgie d’un quatuor de Beethoven au scénario héroïque d’un France-Brésil 98 ? Il est de grands soirs de football comparables à l’exécution d’une symphonie», explique Guillaume Antonini, violoniste du quatuor Leonis.

Un enfant se rêve au milieu d’un match de football fantastique. Magie de la rencontre avec le ballon, équipes qui entrent au son des hymnes, tactiques de jeu, affrontements, buts, mi-temps ou encouragements, chaque temps du match est aussi un événement intérieur, une émotion au sens premier, où se mettent en mouvement ceux qui sont sur scène.

Panenka
© Little Shao

Le spectacle virtuose et poétique qui naît de cette aventure est un hymne à la beauté du geste. La beauté du geste, c’est un musicien qui polit le déplacement et la pression de son bras, la position de son corps, jusqu’à ce que le son sorte de l’instrument comme il le veut. C’est aussi un footballeur qui choisit, plutôt que la force et la rapidité souvent associées aux tirs au but, de piquer son ballon avec délicatesse pour exécuter une panenka (du nom du footballeur tchèque Antonín Panenka, qui en donna le premier exemple en 1976), comme Zidane en finale de la Coupe du monde 2006. Ce sont également tous les rebonds et mouvements fascinants d’un ballon de foot freestyle, ou les déplacements et figures des danseurs de breakdance, de house, de hip-hop, de poppin’ ou de danse africaine. 

Panenka tisse des passerelles entre les univers et les disciplines, et prolonge ce geste fédérateur en mêlant pratique professionnelle et amateure. Le spectacle intègre deux quatuors de la classe de quatuors à cordes du réseau des conservatoires d’Est Ensemble, des jeunes danseurs du groupe Funky People, originaire des Yvelines, et des joueuses de foot de l’Association sportive de Bondy. Tous ont été préparés à participer au spectacle lors d’ateliers et de répétitions encadrés par les artistes professionnels ayant porté la création.

— Actions culturelles – Le Quatuor Leonis sur le terrain

Du côté des musiciens, il s’agit notamment des membres du Quatuor Leonis. Formé au milieu des années 2000 par quatre anciens étudiants des plus grandes écoles européennes, collaborateur durant cinq ans d’Olivier Py au Théâtre de l’Odéon, le quatuor a très tôt manifesté l’envie de dépasser le cadre du concert pour créer des spectacles ou des formules nouvelles qui intègrent lecture, danse, vidéo, théâtre ou sport. Rodés à une présence scénique renouvelée, où ils deviennent eux-mêmes danseurs ou comédiens, les quatre musiciens travaillent pour cette création en collaboration avec le DJ et producteur Junkaz Lou, également présent sur scène, ainsi qu’avec l’arrangeur Manuel Doutrelant. Les artistes opèrent une fusion entre des mondes musicaux dont les occasions de rencontre sont rares : le répertoire traditionnel du quatuor à cordes (Beethoven en particulier) se trouve accompagné, voire fécondé, de musiques provenant de la culture populaire (de Chaplin à Björk en passant par Trenet, Fela ou James Brown) ou de l’univers du hip-hop, avec «L’Enfant seul» d’Oxmo Puccino en guise de fil rouge. 

Aux côtés de Junkaz Lou et des Leonis, outre les jeunes amateurs, deux footballeurs freestylers Andreas Cetkovich et Alexane Meunier – tous deux unanimement reconnus et récompensés dans leur discipline – et quatre danseurs de la Cie Antoinette Gomis, aux styles et aux spécialités différentes mais dont la base est la danse hip-hop. La chorégraphie, qui s’appuie sur la panoplie de gestes des footballeurs pour constituer le point de départ de l’exploration dansée, est pensée par Antoinette Gomis, l’une des références de la scène street dance française. Elle est accompagnée à la mise en scène par Cyril Machenaud, également issu de la Cie Antoinette Gomis. En 2015, leur spectacle Images questionnait la représentation de la femme noire à travers l’œuvre de Nina Simone, tandis que leur récente création Le Silence est un hommage au père de la chorégraphe, à travers la figure d’un travailleur immigré dans la France des Trente Glorieuses. À la lumière, nous retrouvons Lorenzo Marcolini et Océane Farnoux, avec lesquels ils collaborent également pour les spectacles de leur compagnie.

Un spectacle unificateur et une prise de risque à l’image de celle de la panenka : décalée et audacieuse. 
 

Angèle Leroy

Musicologue, formée à l’université Paris-Sorbonne et au Conservatoire de Paris, Angèle Leroy écrit notes de programmes, articles et analyses musicales pour diverses institutions françaises et étrangères.