Pour le premier concert de l’Ensemble intercontemporain en 1976, eu égard aux objectifs de cette nouvelle formation, Pierre Boulez tient à ce que la jeune création soit représentée. Raison pour laquelle figure au programme la pièce Numéro 5 de Philippe Manoury. À l’époque, pourtant, les deux hommes ne se connaissent pas. Pierre Boulez est un acteur majeur du monde musical, tandis que Philippe Manoury est frais émoulu compositeur. Numéro 5 se situe en outre plutôt dans l’héritage de Xenakis, aux antipodes de l’univers boulézien. C’est du reste peut-être pour cela, dans un souci d’ouverture, que Michel Tabachnik, premier directeur musical de l’EIC et passionné du compositeur grec, l’a suggérée.
De cette rencontre entre Boulez et Manoury naît l’une des plus belles relations filiales compositionnelles du XXe siècle. Une relation rendue plus belle encore par la distance à laquelle les deux hommes tiennent leurs écritures, le plus jeune veillant soigneusement à ne pas imiter son aîné, tout en prenant chez lui ce qui l’intéresse — et, surtout, en prolongeant certaines de ses marottes technologiques : Philippe Manoury sera ainsi l’un des grands acteurs du développement du temps réel à l’Ircam.
Une amitié qui ne fera que se raffermir au fil des ans, et que seule la mort du maître interrompra.