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Des musiques et des mondes - Le nouveau parcours du Musée de la musique

Publié le 19 May 2025

— Musée de la musique, nouvelle scénographie de l'espace XVIIe - © Charles d'Herouville

S’inspirant de la poétique du « Tout-monde » de l’écrivain et philosophe martiniquais Édouard Glissant (1928-2011), le redéploiement des collections du Musée de la musique décloisonne les patrimoines européens et non-européens, au profit d’une exploration des dialogues qu’ils ont historiquement entretenus. Marie-Pauline Martin et Alexandre Girard-Muscagorry nous présentent ce nouveau parcours baptisé « Des musiques et des mondes ».
— Des musiques et des mondes - Nouveau parcours du Musée de la musique

L’histoire toute première du Musée c’est la Révolution française, comme les grands musées français, comme le Louvre par exemple. C’est à partir de la réquisition des biens du clergé, du royaume et des immigrés par les révolutionnaires que l’on décide de créer un cabinet d’instruments au sein du tout nouveau conservatoire de musique.

Dans sa configuration actuelle, le Musée de la musique date de 1997, à l’heure où, suivant le projet de Pierre Boulez, est créée une Cité de la musique qui serait dédiée pas seulement aux concerts mais aussi à cet aspect très patrimonial de la musique : la collection du conservatoire.

Il y a eu plusieurs éléments déclencheurs qui ont fait qu’en 2020 on s’est projeté pour cinq ans plus tard dans cette réorganisation du musée.

Il y a aussi la volonté dans le Musée de rejoindre une dynamique en cours qui est de repenser l’histoire de manière globale, mais repenser aussi les muséographies.

Le réaménagement a pour cœur l’ancien espace musiques du monde du Musée, qu’on a intégralement revu et transformé d’un point de vue scénographique avec l’agence d’architecture Projectiles. Et ce nouvel espace, désormais baptisé « Des musiques et des mondes », s’ouvre aux cinq continents. Il est totalement reconfiguré à l’aune des circulations, des croisements, des enchevêtrements des cultures dans le temps long et s’ouvre également au contemporain.

Le travail sur ces collections nous a amenés aussi à revoir tout au long du parcours du Musée, dès l’introduction, un grand nombre de vitrines dans le but d’articuler les collections dites européennes et extra-européennes au regard de problématiques qui ont du sens par rapport aux périodes historiques évoquées dans le parcours du musée.

Ce qui a guidé l’écriture du nouveau parcours muséographique ça a été de sortir de la prétention à l’exhaustivité, en tout cas de l’envie de tout raconter, de tout dire sur les musiques à travers le monde.

On a fait le choix d’assumer des micro-histoires, des micro-récits qui ouvrent des petites fenêtres sur des moments musicaux ou des moments historiques très particuliers mais que l’on peut raconter de façon plus juste, plus subtile que ce que l’on peut faire lorsqu’on est confronté à des vitrines qui doivent parler des musiques d’un continent par exemple.

Le parcours s’est énormément enrichi depuis cinq ans en l’ouvrant à la facture contemporaine. C’était un enjeu primordial pour nous de ne pas être uniquement un musée qui conserve un patrimoine historique majeur, aussi bien pour l’histoire de la musique en Europe que dans d’autres mondes, mais aussi d’embrasser la vitalité de la création contemporaine et la façon dont les instruments de musique dits historiques ou traditionnels se transforment, se réinventent au gré des rencontres, de l’absorption de nouvelles techniques, de nouveaux matériaux et de nouvelles esthétiques.

On a vraiment renforcé le dialogue entre les arts. Il y a un patrimoine instrumental qui est majoritaire mais il y a de plus en plus de peintures, de sculptures, d’objets d’art car on se rend compte que pour sensibiliser un certain public, il s’agit peut-être moins d’évoquer la spécificité très technicienne de l’organologie qu’introduire la facture instrumentale, donc l’instrument, dans une histoire de l’art élargie à laquelle participent la peinture, la sculpture… On a beaucoup renforcé ce dialogue par des acquisitions, mais aussi beaucoup de prêts pour davantage accentuer cette idée d’une histoire de la musique à laquelle participent les autres arts.

On a aussi mené beaucoup d’acquisitions et de projets d’art contemporain en travaillant avec des artistes qui développent leur pratique depuis l’instrument de musique, en prenant l’instrument de musique comme le cœur même de leur œuvre.

Parallèlement on a aussi développé d’autres outils de médiation dans les salles, en particulier des tables tactiles permettant aux visiteurs d’expérimenter par la pratique certaines problématiques et certains enjeux musicaux comme la question des échelles, des gammes ou celle du timbre, en permettant aux visiteurs d’entrer à l’intérieur de la matière sonore, la matière même des instruments pour comprendre comment le son est fabriqué.

Le Musée conserve un patrimoine matériel, les instruments, mais doit aussi garantir l’accès au patrimoine immatériel qu’est le son des instruments. Donc on a créé un nouvel espace pour le jeu des instruments qui double notre capacité d’accueil de la communauté des musiciens pour que le musée soit résolument un lieu de vie sonore. 

 

Longtemps cloisonnées dans le parcours permanent du musée, les collections européennes et non-européennes renouent le dialogue dans une perspective globale et connectée du phénomène musical. Le nouveau parcours met ainsi au jour les circulations d’instruments, de matériaux, de répertoires, de musiciens et de valeurs entre les sociétés. Cette nouvelle approche se traduit par trois transformations majeures du parcours permanent :

  • Totalement rénové, l’espace d’introduction du Musée dévoile, telle une polyphonie entrelaçant de multiples voix, la diversité éclatante de la collection. Rassemblant près d’une soixantaine d’objets de provenance très variées, cet espace rappelle que l’instrument, bien plus qu’un simple outil au service des musiciens, est un vecteur de relations sociales et politiques, un symbole puissant d’appartenance collective et un témoin vivant des rencontres entre les sociétés.
  • La création de « carrefours » entre objets, images et instruments des cinq continents dans le parcours chronologique du musée ; ces points de rencontre mettent en évidence les connexions entre espaces culturels à travers les siècles, mais aussi la façon dont les cultures d’Afrique, d’Asie, d’Océanie ou des Amériques ont façonné la musique européenne par la circulation de nouveaux matériaux, de nouvelles formes instrumentales et de nouveaux imaginaires.
  • Point d’orgue du réaménagement du Musée, le nouvel espace « Des musiques et des mondes » renouvelle l’exposition et le discours sur le patrimoine instrumental d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques ; à travers une série de récits, ces nouvelles salles soulignent les dynamiques de connexion et de circulation qui façonnent la musique sur le temps long, mettant en lumière la porosité entre les imaginaires et les mondes sonores.