Philharmonie de Paris - Home Page Philharmonie de Paris - Home Page

Marie-Pauline Martin et Angela Lampe présentent l'exposition Kandinsky, la musique des couleurs.

Publié le 29 October 2025

— Kandinsky, la musique des couleurs | Présentation de l’exposition par Marie-Pauline Martin et Angela Lampe.

La Philharmonie a vraiment une tradition d’organisation d’expositions sur les liens historiques entre la musique et les beaux-arts. Il y a eu Picasso, Chagall, Basquiat récemment. Je savais qu’il fallait absolument qu’un jour ou l’autre, on dédie un grand moment de notre programmation à Kandinsky, mais pour ça, il fallait bien sûr s’appuyer sur une collection extrêmement forte et aussi solliciter le concours d’expertise particulière. C’est pour ça que nous nous sommes tournés vers le centre Pompidou. Angela Lampe, conservatrice au Musée national d’art moderne, a répondu favorablement tout de suite. 

On a été tout de suite enthousiaste parce qu’il n’y a jamais eu une grande exposition exhaustive sur ces liens entre Kandinsky et le monde musical. Donc c’était vraiment une très belle collaboration. C’était surtout une très belle opportunité à saisir pour créer vraiment un projet spectaculaire et extraordinaire. 

Le fond Kandinsky au centre Pompidou est très riche, notamment grâce aux legs de sa veuve Nina Kandinsky qui, à sa mort, a légué tout ce qui restait dans l’atelier à Neuilly, à paris, à l’état français. Dans ce fonds il y a donc les archives, la correspondance de Kandinsky, sa bibliothèque, ses objets, son matériel de peinture, ses pinceaux, ses palettes, mais aussi sa discographie, la collection de disques qu’il avait chez lui. Marie-Pauline et moi-même avons vraiment fait une sélection pour présenter Kandinsky comme un artiste mélomane, mais surtout aussi pour présenter comment la musique, finalement, irrigue tout son quotidien.

Il fallait absolument qu’on opère nous-mêmes en tant que muséographe la synthèse de tous ses intérêts, de toutes ces approches de la musique, parce que Kandinsky avait une vision organique de l’art dominée par la musique. Il y a des salles avec une dominante de peinture, mais il y a des salles où on parle de ses projets scéniques – il a toujours rêvé d’un nouveau théâtre musical abstrait. Il y a des salles qui orientent le regard sur sa création poétique qui est résolument sonore. Il y a des salles qui parlent de sa culture matérielle très tournée vers la musique pour faire de la synthèse des arts un résultat à l’échelle de l’exposition. 

Un des points forts de l’exposition, c’est vraiment mettre l’accent sur l’importance que Kandinsky a accordée à la création scénique. On a eu la chance de retrouver à Udine, un théâtre à une heure de Venise, les décors grandeur nature, de plusieurs mètres de long et de hauteur, d’une tentative de recréation des Tableaux d’une exposition de Kandinsky d’après une musique de Moussorgski et qui trouvent leur implantation au milieu de la salle d’exposition à côté des croquis originaux de Kandinsky. Et ça permet vraiment aux visiteurs de s’imaginer ce qu’était l’ambition théâtrale de Kandinsky, c’est-à-dire un théâtre radicalement abstrait fait de de formes, de lumière et de couleurs en mouvement. 

Un parti pris de l’exposition était aussi de contextualiser la démarche de Kandinsky, la pratique de Kandinsky, donc présenter d’autres artistes qui s’intéressaient au thème de la musique, à ce rapport entre la musique et la peinture. Du côté musical c’est Arnold Schönberg, qui était un compositeur pour Kandinsky mais qui, comme lui, a déjà fait aussi des compositions scéniques, par exemple La Main heureuse, bien avant Kandinsky. Et on a un ensemble très précieux, très rare, dans cette section qu’on appelle « fugue » : le thème de la fugue, ce travail sur le contrepoint, sur la polyphonie qui a tant intéressé les artistes au XXe siècle. 

Pour mettre en valeur la musique qu’aimait Kandinsky, qui le touchait et qui façonnait son imaginaire, on a utilisé un dispositif assez original pour une exposition dite d’art savant. Lorsque le public rentre dans l’exposition, il reçoit un casque. Il n’a rien à faire : en fonction de sa déambulation, des sons se déclenchent. Dans ces sons, vous avez des sons concrets – ce qu’on appelle du sound design –, des musiques qui concernent historiquement la vie ou l’imaginaire de Kandinsky et quelques prises de parole de Kandinsky qu’on a traduites et fait enregistrer par un acteur. Par exemple, lorsque vous êtes devant les paysages russes, vous découvrez les chants orthodoxes russes que Kandinsky écoutait, en tout cas qui sont présents dans sa collection de disques. On tenait vraiment de manière un peu synésthésique à faire compléter l’émotion visuelle éprouvée devant les tableaux de Kandinsky et l’émotion musicale qui le concerne historiquement. 
Et il y a un film, aussi dans nos archives, un film qui date de 1927 et c’est le seul enregistrement où on voit Kandinsky vivant en train de peindre. 
Il y a aussi un parcours audiovisuel qui est très créatif. Par exemple, le salon de musique que Kandinsky crée en 1931, suivant des proportions, des motifs très précis. On a choisi de le reconstituer, pas de manière statique comme il était à l’origine, mais de commander un studio très créatif qu’on aime beaucoup, qui s’appelle le Studio H5. On leur a demandé de faire une création numérique à partir du salon de musique et qui fait apparaître le temps d’une musique d’Hanns Eisler tous les motifs exacts du tableau de Kandinsky.

En présentant près de 200 œuvres et objets de l'atelier de Kandinsky, le Musée de la musique-Philharmonie de Paris et le Centre Pompidou s'associent pour dévoiler la place fondamentale de la musique dans le quotidien du peintre.

Les temps forts de l'exposition

Cette exposition consacrée à Kandinsky se distingue d’un accrochage traditionnel par la création d’installations originales qui offrent au public une découverte sensible et musicale de l’univers du peintre.

Installation immersive autour de Lohengrin de Wagner

La première salle de l’exposition reconstitue le choc esthétique éprouvé par Kandinsky lors de la représentation de Lohengrin de Wagner en 1896, qui l’a conduit à abandonner les études de droit pour se consacrer à la peinture. Le public est immergé dans l’œuvre musicale et déambule à travers la projection d’images évanescentes des costumes et décors de l’opéra de Wagner.

Reconstitution des Tableaux d’une exposition

En 1928, Kandinsky créa au Bauhaus une mise en scène des Tableaux d’une exposition de Modest Moussorgski. Le parcours présente une reconstitution théâtrale réalisée en 1984 par l’Universität der Künste de Berlin. Mis en mouvement, ce décor intitulé « Gnomus », conservé au théâtre d'Udine, en Italie, révèle le travail scénographique du peintre et sa capacité à faire dialoguer tous les arts.

Création numérique du Salon de musique

En collaboration avec le collectif d’artistes H5, l’exposition se clôt par une création visuelle et musicale inédite. Sur trois cimaises, le décor du Salon de musique, créé par Kandinsky en 1931, s’anime au rythme de la partition musicale de Hanns Eisler. Les motifs dessinés par le peintre apparaissent progressivement comme les notes d’une partition spectaculaire de formes et de couleurs.

Parcours sonore

L’exposition propose une immersion sonore, essentiellement musicale, permettant le dialogue entre peinture et musique. Cette création originale mêlant voix, bruits, sons, s’écoute au casque et se déclenche par géolocalisation.

Un parcours famille et un parcours audio-descriptif complètent la proposition.

Chaque salle est l’occasion de découvrir un répertoire intimement lié à la vie de Kandinsky :

• Richard Wagner, Prélude de l’opéra Lohengrin, 1850

We praise Thee (chant russe orthodoxe)

• Arnold Schönberg, Trois pièces pour piano opus 11. Mässige (modéré), 1909

• Arnold Schönberg, Quatuor à cordes en fa dièse mineur opus 10. Mässig (modéré), 1907-1908

• Alexandre Scriabine, Poème de l’extase opus 54, 1907

• Modeste Moussorgski, Tableaux d’une exposition, 1874

• Johann Sebastian Bach/Anton Webern, Ricercata (Fugue à six voix), extrait de L’Offrande musicale BWV 1079, 1935

• Hanns Eisler, 8 Klavierstücke opus 8, n° 7 andante, 1925

• Alan Berg, Concerto « À la mémoire d’un ange », 1935  


Catalogue Kandinsky, la musique des couleurs, sous la direction d'Angela Lampe et de Marie-Pauline Martin, Paris, Éditions Centre Pompidou /  Éditions de la Philharmonie, coll. « Catalogue d'exposition », 2025.

Couverture de l'ouvrage Kandinsky, la musique des couleurs

 Commander l’ouvrage