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Félix Rozen au Musée de la musique - Journées européennes du patrimoine (18 et 19 Septembre 2021)

Publié le 28 June 2021 — par Christine Laloue

— Félix Rozen, « Opus Incertain », 1981. - © Claude Germain

« Peindre, c’est mettre en musique ses sentiments »  Félix Rozen

Le Musée de la musique a reçu récemment le don de deux œuvres de Félix
Rozen : Opus Incertain (1981), partition graphique, et le Pirocello, instrument créé par l’artiste qui renouvelle ainsi la facture du violoncelle. À l’occasion des Journées européennes du patrimoine (18-19 septembre 2021), ces œuvres seront présentées dans le Musée. Quarante ans après sa création, Opus Incertain sera interprété par le Léo Guédy Jazz Quartet, le rappeur Zoxea, et les solistes de l’Ensemble intercontemporain.

 

Félix Rozen, chef d’orchestre des arts

À la fois plasticien et musicien, Félix Rozen (1938-2013) est un artiste éclectique qui embrasse le monde. Né à Moscou le 12 janvier 1938, il suit ses études à Varsovie puis voyage à Potsdam, Prague, Moscou et Helsinki. Exilé à Paris en 1966, il est naturalisé français en 1974. S’il explore tous les domaines artistiques, ses recherches portent essentiellement sur les rapports entre la musique et la peinture, plus largement entre le son et l’image. Il multiplie les collaborations et travaille à l’IRCAM à Paris, au Center for Music Experiment de San Diego, ainsi qu’au Japon puis à l’université de New York.

 

Opus Incertain, une œuvre musicale et graphique

— Félix Rozen, « Opus Incertain », 1981, Musée de la musique. La première planche de l’album est la représentation des neuf séquences musicales superposées. - © Claude Germain

— Félix Rozen, « Opus Incertain », 1981, Musée de la musique. Première séquence musicale d'une minute. - © Claude Germain

Composé par Rozen en 1981, Opus Incertain est une œuvre musicale commandée par Jean-Yves Bosseur pour l’ensemble Intervalles. Créée pour six instruments, elle est constituée de neuf séquences d’une minute chacune, retranscrites dans une expression graphique sur neuf planches. Deux versions ont été données au Musée : le portfolio comprenant les planches éditées en sérigraphie ainsi que les travaux préparatoires sur des rouleaux de papier calque. Crayonnés, brûlés, percés, ces derniers sont des pièces uniques qui témoignent du geste créateur de l’artiste. Ils livrent sa technique novatrice, son traitement de la matière. Surtout, ils donnent directement la transcription — voire la transposition — de sa musique dans les arts plastiques. Le rapport entre les arts est en effet essentiel pour Rozen car « peindre, c’est mettre en musique ses sentiments ». Inscrite dans la matière, sa musique n’est cependant pas figée car elle ne s’arrête pas au niveau de sa création individuelle. Livrant une représentation graphique de sa musique, il invite tout musicien à donner sa propre interprétation de son œuvre qui devient alors multiple. Indéfiniment renouvelée par chacun, la musique garde de cette façon son caractère éphémère et immatériel dont la création plastique ou graphique offre une vision mais non une notation. Rozen n’aurait-il pas ainsi trouvé l’art de rester éternel ?

— Outils et travaux préparatoires sur calque des œuvres - dont « Opus Incertain » - de Félix Rozen. - © Claude Germain

 

Le Pirocello    : quand la musique prend corps

Explorant tous les champs de la musique, Rozen se confronte à la facture instrumentale dans les années 1980. Il crée un instrument qu’il nomme Pirocello, violoncelle aux lignes épurées, rouge flamboyant. L’œuvre renvoie à de multiples références plastiques, des formes dites primitives aux lignes épurées de Brancusi. Alors que son nom suggère la pirogue, l’instrument a été conçu pendant le séjour de l’artiste à Tokyo, comme le révèle le tampon japonais apposé sur le fond de la caisse. Le son évoquerait les voix du théâtre Nô. Rozen brasse ainsi les cultures, les inspirations et invite au voyage. Cependant, le Pirocello n’est pas un objet-image ; Rozen le veut fonctionnel et s’évertue à résoudre les difficultés techniques qui se dévoilent peu à peu. Réalisation unique, le Pirocello est une œuvre d’art totale qui prend corps.

— Félix Rozen, le « Pirocello », vers 1986, Musée de la musique, E.2020.6.1 - © Claude Germain

Opus Incertain et le Pirocello révèlent tous deux une liberté de conception qui s’affranchit des normes. Rozen associe matérialité de l’œuvre d’art et immatérialité de la musique ; il abolit la frontière entre plasticien, luthier, musicien et compositeur. Avec Opus Incertain il remet même en question les frontières entre le créateur, l’interprète et l’auditeur en invitant chacun à s’approprier l’œuvre qui est, par ce fait, en perpétuelle évolution. C’est donc tout le public qui est invité à regarder, écouter ces œuvres afin d’être inspiré à son tour.

Les Journées européennes du patrimoine (18 et 19 septembre 2021) donneront l’occasion d’entendre trois nouvelles interprétations d’Opus Incertain. Les œuvres resteront ensuite exposées au Musée pendant tout l’automne. Signalons également que l’univers de Rozen sera à l’honneur au Centre Pompidou par la valorisation du Fonds Félix Rozen à la Bibliothèque Kandinsky en octobre 2021.