La série Les Clés du classique vous fait découvrir les grandes œuvres du répertoire musical.
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Les extraits du Concerto pour piano n° 1 de Liszt sont interprétés par le Brussels Philhamonic dirigé par Michel Tabachnik avec Jean-Frédéric Neuburger au piano. Concert enregistré à la Cité de la musique le 11 mars 2011 à Paris.
Réécoutez l’intégralité du concert sur Philharmonie à la demande.
17 février 1855, à Weimar… Le public assiste à la création du Premier Concerto pour piano en mi bémol majeur de Franz Liszt. Le compositeur est au clavier, Hector Berlioz à la baguette. Ce Concerto, entrepris à Rome en 1839, en même temps que le Concerto pour piano n° 2, sera sans cesse retravaillé par son compositeur pendant une vingtaine d’années.
Il faut dire qu’à la fin des années 1830, Liszt n’a plus beaucoup de temps pour composer, privilégiant sa carrière de pianiste. De 1839 à 1847, il voyage beaucoup en Europe et enchaîne les concerts. De Glasgow à Saint-Pétersbourg, il rencontre le succès et partout, on l’adule. C’est ce que les musicologues appellent la Glanz-period, l’âge d’or ou la période d’éclat. Lors de ses tournées, Liszt inaugure le récital pour instrument soliste, une forme de concert déroutante pour le public. À l’époque, il est encore rare de n’avoir qu’un artiste programmé à l’affiche d’un concert. Ce sont différents musiciens qui se succèdent.
En 1839, Liszt écrit à la princesse Belgiojoso : « J’ai osé donner une série de concerts à moi tout seul, tranchant du Louis XIV, et disant cavalièrement au public : “Le concert, c’est moi !” ». Doté d’une virtuosité technique, Liszt est impressionnant à voir, et devient une véritable idole – on ne compte plus ses admiratrices ! Séducteur, il marque l’imaginaire de son temps avec sa longue chevelure blonde lui tombant sur les épaules.
La musicologue Cécile Reynaud rapporte une description de Liszt par Eva Hanska, la maîtresse de Balzac, lors d’un concert donné en 1843 à Saint-Pétersbourg : « Il a le teint bilieux des grands talents et des grands caractères. […] Ses yeux […] s’allument au feu de son esprit et alors ils étincellent, comme les angles d’un diamant taillé. »
À la fin de la Glanz-period, Liszt s’installe à Weimar, comme maître de Chapelle. Devenu chef d’orchestre, il dirige la musique de Wagner, et de Berlioz, qu’il apprécie beaucoup. C’est à cette période qu’il se remet à la composition ; il écrit beaucoup de musique symphonique, dont ses deux concertos pour piano.
S’il compose de nombreuses pièces solo pour son instrument, les pages pour piano et orchestre de Liszt se font moins nombreuses… On peut citer Malédiction, la Fantaisie sur les thèmes des Ruines d’Athènes de Beethoven, l’orchestration de la Wanderer-Fantaisie de Schubert, mais aussi la Fantaisie hongroise et la Totentanz (la Danse macabre)… et bien sûr, les deux concertos pour piano.
Le Concerto en mi bémol se compose de quatre mouvements, qui ont la particularité d’être enchaînés, ce qui le rapproche du poème symphonique. Cette forme, de caractère rhapsodique et s’éloignant des usages du concerto traditionnel, a surpris le public de l’époque. L’œuvre s’ouvre par un Allegro maestoso, suivi d’un Quasi adagio, d’un scherzo scintillant, marqué par l’emploi étonnant du triangle, qui dialogue avec le soliste et l’orchestre, et d’un finale de caractère héroïque.
La réapparition de thèmes d’un mouvement à l’autre, comme celui du premier mouvement à la fin du scherzo et du finale, donne à l'œuvre sa dimension cyclique et lui confère une unité. Ce procédé, appelé la « transformation thématique », est de nouveau utilisé dans le Concerto n° 2, où s’enchaînent six mouvements. Le Concerto n° 2 sera créé deux ans plus tard, le 7 janvier 1857, cette fois sous la direction du compositeur, avec l’un de ses élèves au clavier, Hans Bronsart von Schellendorff.