Ovide, racontant les origines de la musique dans les Métamorphoses, la lie indissolublement à l’éros et au désir : Pan, n’ayant saisi qu’un roseau plutôt que la nymphe qu’il poursuit, découvre le son que produit le souffle du vent dans celui-ci ; il lui vient alors l’idée de construire un instrument avec lequel il exprime sa plainte et son désir inassouvi. Sous une forme ou une autre, ce lien est resté vivant pour nous jusqu’à aujourd’hui – même s’il a coexisté avec d’autres élans comme celui vers la spiritualité. L’extase est d’ailleurs un état qui renvoie à la fois au charnel et au mystique, comme en témoigne à l’époque baroque la sainte Thérèse d’Avila du Bernin. La musique de Scriabine illustre aussi ce lien : initialement intitulé Poème orgiaque, le Poème de l’extase est selon le compositeur un « monologue avec les quatre couleurs les plus divines : délice, langueur, ivresse, volupté ». Il est interprété par l’Orchestre de Paris en ouverture de ce week-end érotique, aux côtés d’une autre musique d’extase, celle du Prélude et de la Mort d’Isolde chez Wagner, et du Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev (avec Yuja Wang), qui touche à une autre corporéité, plus musclée.
Les trois autres propositions artistiques de ce temps fort appartiennent à la création d’aujourd’hui. La chanteuse de pop expérimentale Bonnie Banane et le compositeur et pianiste Joseph Schiano di Lombo interprètent leur nouveau projet L’Orguasme, enregistré à la Philharmonie, notamment sur l’orgue de la salle Boulez : un set qui chante les plaisirs terrestres et réalise l’union du corps et de l’esprit en passant par tous les styles, du branle médiéval jusqu’au RnB.
Le DJ et créateur sonore Prieur de la Marne, qui se présente comme « un animal de nuit au sang chaud, né sous le signe du désespoir un soir d’hiver », propose un cinémix à sa manière : photos érotiques, extraits de films en super 8, textes divers lus par ses invités, le tout saupoudré d’un peu d’IA, se mêlent à des musiques « pour sieste crapuleuse ».
Pour finir, Thomas de Pourquery, collaborateur de Metronomy comme de Jeanne Added ou Oxmo Puccino, revisite avec le collectif Heat la bande originale de Belladonna of Sadness. Inspiré par La Sorcière de Michelet, ce film d’animation japonais est une aventure graphique inédite ancrée dans la culture underground des années 1970 qui mêle l’érotisme à la violence.