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Air - Dire la musique, paroles d’artistes

Publié le 23 January 2025 — par Le Magazine

Le duo AIR revient à son classique Moon Safari, joué cette année pour la première fois sur scène en intégralité.

On avait bricolé Moon Safari avec un home-studio et quand on a signé dans une maison de disques, tout d’un coup, on a eu du budget mais l’album était déjà terminé. Alors on a mis le budget dans les cordes et on est allés à Abbey Road enregistrer avec David Whitaker. L’Angleterre est le pays qui nous a fait passer dans le grand public. Cela a fait une énorme différence pour nous.

En France, Moon Safari a été joué dans des endroits hors des circuits, plus liés à une scène. En Angleterre, c’est devenu un peu plus grand public et cet album – pas Air, mais cet album-là en particulier – fait partie de la vie des gens là-bas. C’est un album vraiment important pour les Anglais.

La rencontre avec Beth Hirsch

Toute la French Touch habitait dans le 18ᵉ et on s’est tous retrouvés là. C’était le début des disques où il y avait des invités vocalistes, comme chez Massive Attack, Chemical Brothers... C’était un peu dans l’air d’inviter des interprètes sur certains morceaux. Et comme c’était dans l’air du temps, on avait des morceaux qui n’aboutissaient pas. On avait deux morceaux qui étaient juste des petites tourneries comme ça et on a essayé de les faire en chanson. 

Beth Hirsch a cette voix qui est incroyable, qui rappelle Karen Carpenter. Et nous, on était fan des Carpenters, de Karen Carpenter en particulier. C’était vraiment l’alignement des planètes. C’était improbable de se rencontrer complètement par hasard. Il n’y a eu aucun calcul de maison de disques, de management, c’était vraiment le fruit du hasard. Alors qu’après, en Angleterre, c’était beaucoup plus professionnels, on va dire. Je crois qu’à ce moment-là, tout nous souriait.

Je pense que l’album Moon Safari est rentré dans la vie des gens et qu’il y a une espèce de turnover et de choses transgénérationnelles qui se passent. Il y a des jeunes qui découvrent cet album, qui aiment cet album et qui l’écoutent de façon frénétique parce que, lorsqu’ils étaient petits, leurs parents écoutaient cet album aussi. Il y a un rapport différent, un rapport un peu légendaire, un rapport mélancolique, nostalgique ou doux. Et ce côté frénétique d’acheter vite – peut-être aussi parce qu’on vieillit, et qu’un jour on ne jouera plus –, c’est qu’ils veulent en profiter.

C’est dur de donner des indications à Françoise Hardy. Mais c’est aussi dur de faire recommencer. C’est dur de dire : « je n’aime pas ce passage, j’aimerais que tu fasses autre chose ». C’est compliqué.

C’est intimidant. Elle avait l’âge qu’on a aujourd’hui, quand on l’a rencontrée. Et justement, c’était un peu logique qu’on travaille ensemble parce qu’elle était vraiment reconnue en Angleterre. C’était une icône là-bas. Les gens l’admirent, admirent ses disques. C’est toujours embêtant quand tu rencontres des gens qui ont fait de la musique, qui ont compté pour toi, parce que tu es toujours un peu intimidé avec eux.

Cette rencontre n’était pas un problème de célébrité. On peut rencontrer des gens célèbres, si la musique qu’ils font ne nous plaît pas, on s’en moque complètement. Mais quand on est jeune, on a tellement écouté de disques de Françoise Hardy ou de Robert Smith, de David Bowie, de gens comme ça…, que quand tu les rencontres en vrai, tu redeviens un peu un petit enfant.

La musique classique est rentrée dans l’ADN de notre musique. Elle a créé un phrasé, une connaissance des harmonies, une connaissance de la musique profonde. Elle a été complètement absorbée, c’est-à-dire qu’on ne ressort pas des mélodies de musique classique. Cela a été un apprentissage dans l’enfance qui a développé la composition et l’improvisation chez nous.

On regardait aussi beaucoup la télé et certains compositeurs de films avaient étudié la musique classique. Je pense à Michel Legrand qui connaissait par cœur tous les grands compositeurs, qui a étudié avec Nadia Boulanger. Donc quand on écoute, par exemple, L’Affaire Thomas Crown, on perçoit des bribes de musique classique à travers lui. Et cela donne un goût pour des choses un peu plus évoluées que la pop music classique. Quand on regarde Star Wars, on a parfois un peu de Wagner. À huit ou neuf ans, tu ne vas pas forcément aller à un concert de Wagner mais quand tu écoutes la musique de John Williams, tu peux avoir des petites bribes de musique classique.

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