Entre les pages les plus mystérieusement sensuelles de Wagner et Scriabine, Yuja Wang s’empare du clavier pour interpréter, avec son brio habituel, le redoutable Deuxième Concerto de Prokofiev. 

C’est avec la sorcellerie évocatoire du Prélude et mort d’Isolde, dont les irrésistibles et déchirantes ondes chromatiques constituent une troublante expérience musicale, que débute ce programme placé sous le signe de l’extase. 

L’Éros nécro-romantique de Wagner se dissipe aux accents du Deuxième Concerto de Prokofiev, qui causa un scandale lors de sa création et valut à son auteur d’être qualifié, en 1913, de « jeune barbare ». Si extase il y a, elle vient de l’ébouriffante cadence de soliste de l’Andantino-Allegretto, sommet absolu de virtuosité pianistique, du « motorisme » implacable du Scherzo, de la verve sarcastique de l’Intermezzo ou de l’embrasement général du Finale, qui intègre toutefois une mélodie de berceuse. 

Avec son célèbre Poème de l’extase, prodigieuse montée sonore vers un sommet paroxystique, Scriabine semble enfin faire la synthèse des mondes corporel et spirituel : la double influence de Wagner et de l’impressionnisme français s’envole alors jusqu’à l’union mystique.