En 1971, Luigi Nono avait entrepris de composer une œuvre pour piano et orchestre destinée à Claudio Abbado et Maurizio Pollini. C’est alors, raconte-t-il, que lui parvint la nouvelle de la mort accidentelle de Luciano Cruz, l’un des jeunes dirigeants du Mouvement de la gauche révolutionnaire au Chili. Le compositeur décide aussitôt d’ajouter à sa pièce une partie vocale, ainsi qu’une bande magnétique faisant dialoguer le piano et la voix avec des doubles métamorphosés d’eux-mêmes. Le tout a tantôt le ton de ce que Nono décrit comme une « lamentation pour Luciano », tantôt celui de la « tension extrême », voire de l’« explosion collective ».

Nono fut l’ami de Karl Amadeus Hartmann et de Bruno Maderna. De l’engagement et de la générosité qu’il admirait chez l’un comme chez l’autre, la Sixième Symphonie de Hartmann (1953, inspirée de L’Œuvre de Zola) et Ausstrahlung de Maderna (1971, sur des poèmes persans et des extraits de l’épopée du Mahabharata) témoignent à chaque page.