Dans la période troublée de la fin des années 1920, l’engagement de Brecht et de Weill devait se heurter à la censure. Ainsi, à la demande de la Radio de Francfort, leur commanditaire, ils durent supprimer de leur Berliner Requiem le troisième morceau, un hommage explicite à Rosa Luxemburg, révolutionnaire et pacifiste, cofondatrice du Parti communiste allemand, qui fut assassinée par des extrémistes de droite. Mais cette œuvre à l’orchestration singulière (c’est par exemple l’harmonium qui soutient le baryton solo dans le second Rapport sur le soldat inconnu sous l’Arc de Triomphe) ne renonce jamais à son ironie et à sa puissante amertume, elle qui s’ouvre sur cette mordante injonction au début du Grand choral d’action de grâces : « Louez la nuit et l’obscurité qui vous encerclent ! »