Un « orchestre de voix » : c’est ainsi qu’on pourrait qualifier Accentus, ensemble de trente-deux chanteurs professionnels fondé en 1991 par Laurence Equilbey. Combinant la précision, la pureté technique propre aux chœurs professionnels et la richesse de timbres caractérisant les groupes de solistes, Accentus s’est particulièrement signalé dans le répertoire contemporain, les pages a cappella et les œuvres du baroque protestant (Schütz, Bach). C’est logiquement que son évolution le conduit à aborder, après la version oratorio des Sept dernières paroles du Christ, cette Création où chœur et orchestre semblent parfois échanger leurs attributs. Dernière page du XVIIIe ou première du XIXe? Difficile de trancher. Die Schöpfung, dès sa… création, en 1799, a conquis une place emblématique, synthétisant diverses traditions pour fonder une nouvelle esthétique sacrée, de conception résolument « symphonique » et germanique. Le livret, inspiré du Paradis perdu de Milton, fut d’abord esquissé pour Haendel, le père de l’oratorio anglais, avant d’être rédigé en allemand par le baron Gottfried van Swieten (aussi auteur du texte des Sept dernières paroles et traducteur des oratorios de Haendel) : l’ombre du compositeur saxon plane ainsi sur les chœurs, les fugues, l’évocation de la lumière. Mais celle du Jour du Jugement de Telemann a inspiré les rôles des anges Raphaël, Uriel et Gabriel (basse, ténor, soprano), décrivant avec force détails picturaux l’apparition des astres, tempêtes, baleine, lion, aigle et rossignol, tandis que le Chaos initial semble se souvenir des Eléments du musicien français Jean-Féry Rebel. Hymne panthéiste dans ses premières parties, chrétien et amoureux dans la dernière (introduisant Adam et Eve), ce poème musical annonce les vastes architectures d’un Mendelssohn, d’un Beethoven, d’un Berlioz.