Le contexte de la collaboration entre la Philharmonie de Paris et Dassault Systèmes
Dès le début de la pandémie de Covid-19, les équipes de Dassault Systèmes ont été impliquées sur différentes activités de simulation d’écoulement d’air et de propagation de particules. Elles ont notamment été sollicitées dans le cadre de la construction de l’hôpital de campagne de Wuhan afin d’optimiser la position des systèmes de ventilation dans les chambres et de limiter la propagation de particules contaminées dans les couloirs. En parallèle, un travail de fond est en cours avec l’AP-HP.
Menés en étroite collaboration avec les médecins, ces travaux ont notamment pour but de les aider à identifier les risques de contamination par air et de proposer des solutions simples pour atténuer ces risques.
La Philharmonie de Paris a souhaité bénéficier de cette expertise afin de préparer dans les meilleures conditions sanitaires possibles le retour du public et des orchestres dans la Grande salle Pierre Boulez.
La modélisation 3D de la Grande salle Pierre Boulez et le processus de simulation
La Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie est dotée d’un système de ventilation particulier : chaque siège possède son propre système, ce qui permet à la fois une bonne répartition des flux d’air neuf dans toute la salle et un bruit de ventilation extrêmement faible.
Les équipes de Dassault Systèmes ont reconstitué un modèle 3D très fidèle de la salle, dans l’hypothèse d’une salle remplie au maximum de ses capacités. Grâce aux échanges avec les équipes techniques du bâtiment de la Philharmonie, elles ont bénéficié de données très précises.
Cette étude a pour but de comprendre comment l’air est amené à circuler dans la salle, afin d’évaluer grâce à la simulation l’efficacité des mesures sanitaires prises par la Philharmonie de Paris et d’en proposer de nouvelles le cas échéant.
Étude des mouvements d’air dans la salle
Grâce à la ventilation individuelle située sous chaque siège, les mouvements d’air dans la Grande salle Pierre Boulez sont uniques : l’air s’y écoule principalement du haut vers le bas (du deuxième balcon vers le parterre) en un flux unidirectionnel avec très peu de mouvements latéraux. L’air circule donc dans le dos des spectateurs. L’ensemble des flux se rejoignent juste devant la scène, avant de remonter naturellement vers les zones d’extraction situées au plafond.
Les dimensions de la salle, son architecture et ses mouvements d’air particuliers la rapprochent d’un environnement ouvert et non confiné. Il est par exemple peu probable que l’air d’un balcon puisse atteindre le balcon d’en face. De plus, les vitesses de soufflage sont très faibles (inférieures à 1 km/h), ce qui limite la propagation d’air et donc de particules.
Enfin l’orchestre est lui aussi situé dans une zone où l’air a une direction unique et maîtrisée (il arrive dans le dos des musiciens).
Évaluation de l’efficacité des mesures sanitaires
Deux grands axes d’atténuation des risques de propagation de particules peuvent être évalués à travers la simulation d’écoulement d’air :
- l’efficacité du port du masque ;
- l’effet de la réduction de la ventilation.
Efficacité du port du masque
Plusieurs scénarios ont été simulés afin de vérifier si le port du masque permet de protéger à la fois le public et l’orchestre. Les équipes de Dassault Systèmes ont considéré trois cas de figure :
- Une personne contaminée toussant sans masque ;
- Une personne contaminée toussant avec un masque chirurgical ;
- Une personne contaminée toussant avec un masque ajusté au visage (pas de fuite sur les côtés).
Les animations ci-dessus illustrent la concentration de particules émises lors d’une toux par une personne contaminée. Sans masque, les particules se propagent rapidement dans le dos du spectateur de devant. Cependant, les flux d’air étant très dirigés, les voisins latéraux de la personne contaminée ne semblent pas outre mesure en contact avec elles.
Avec un masque, les particules émises sont ralenties et la majeure partie d’entre elles sont captées par le masque. Les fuites sur les côtés du masque permettent néanmoins à une partie d’entre elles de s’échapper. Cependant, ces particules restent à proximité immédiate de la personne contaminée, puis leur concentration se réduit fortement et elles n’atteignent pas les voisins ni le siège de devant. Si le masque est ajusté avec des fuites limitées, la protection est encore meilleure.
Concernant l’orchestre, l’air arrivant dans le dos des musiciens, le risque de contamination par le public semble très peu probable. Le risque est encore réduit par le port du masque. Le chef d’orchestre ne semble pas non plus se trouver dans une zone à risque.
Évaluation de l’impact d’une ventilation réduite
Une protection supplémentaire est obtenue en limitant le parcours de l’air émis par une personne contaminée en jouant sur la ventilation : en réduisant de moitié les volumes d’air neuf injectés par les sièges, on parvient à réduire les vitesses d’air sans perdre l’effet bénéfique d’un air dirigé le long des sièges, propre à la Grande salle Pierre Boulez.
Le cas le plus défavorable d’une personne toussant sans masque met bien en lumière cet effet bénéfique.
Il apparaît très clairement que la propagation de particules est très fortement réduite avec une ventilation plus faible, qui limite par la même occasion un impact sur le voisin de devant. Cette mesure a été mise en place par la Philharmonie de Paris, qui a diminué de moitié la ventilation de la Grande salle Pierre Boulez. En combinant cet effet avec le port du masque, les risques sont réduits de façon significative.
Conclusions de l’étude
La Grande salle Pierre Boulez présente des avantages dans la prévention de la contamination grâce à sa ventilation particulière qui permet des flux d’air dirigés et à faible vitesse. En associant des mesures de protection individuelle comme le port d’un masque ajusté ainsi qu’une ventilation réduite, les risques de contamination du public et de l’orchestre par aérosols apparaissent fortement réduits.