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21 octobre 2011 : Mariss Jansons dirige Amériques de Varèse

Publié le 18 avril 2018 — par Bertrand Boissard

© Peter Meisel

Foisonnante et raffinée, l’interprétation offerte par Mariss Jansons au public amstellodamois de la première version d’Amériques est entrée dans l’Histoire.

— VARÈSE: Amériques - MARISS JANSONS/ Royal Concertgebouw Orchestra

Le 21 octobre 2011, à Amsterdam, Mariss Jansons dirigeait l’Orchestre royal du Concertgebouw dans Amériques d’Edgar Varèse, une des pages les plus fortes et singulières du XXe siècle, composée entre 1918 et 1921 et créée le 9 avril 1926 par Leopold Stokowski et le Philadelphia Orchestra – une version révisée sera présentée à Paris trois ans plus tard. Le programme comprenait également Festin pendant la peste de Sofia Goubaidulina et Capriccio de Stravinski avec Emanuel Ax en soliste.

Cette première version fait appel à un très large orchestre et nécessite pas moins de quinze percussionnistes. Face aux classiques cymbales, castagnettes, célesta et autres gong, notons l’emploi plus inhabituel d’un tambour à corde – dont la sonorité évoque le rugissement d’un lion –, d’un sifflet, d’un fouet, d’une machine à vent ou éoliphone (employée aussi par Ravel dans Daphnis et Chloé) et, élément le plus marquant, d’une sirène, « grave et très puissante, à main avec bouton d’arrêt afin de couper net le son », précise le compositeur dans la partition.

Le chef letton confère toute sa souplesse au solo ondoyant de flûte alto qui ouvre la pièce, et qui ne peut que faire penser à l’introduction au basson du Sacre du printemps – rarement la parenté avec l’ouvrage de Stravinski n’aura paru aussi évidente que dans cette interprétation. L’ostinato des deux harpes et la légère incise du basson créent une atmosphère hypnotique, très vite déchirée par l’appel impérieux des huit cors et des six trompettes.

L’alliage presque surnaturel des violons et du célesta (à 1’53’’) rend bien, sous la baguette de Jansons, le côté « plaintif » voulu par le compositeur. De même, la sécheresse et le mordant des timbales se mêlent idéalement aux pizzicatos des cordes (3’09’’), cordes dont on admire tout au long de cette exécution l’intensité expressive. Et il y a bien un côté « jubilatoire » dans le rayonnement des six trompettes (13’17’’), le chef ne négligeant par ailleurs pas l’humour de la partition (le rire du trombone à 13’48’’, noté par Varèse d’un « Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! Ha ! » explicite).

Interprétation extraordinairement détaillée et foisonnante, d’un grand raffinement, excellant dans les passages énigmatiques et oniriques, tels ceux créés par la « fanfare intérieure » (trompettes et trombones jouant depuis les coulisses), mais ne négligeant pas la violence et l’impact physique de l’œuvre, jusqu’à la péroraison finale et ses immenses coup de boutoir – cors, trompettes et trombones finissant pavillons en l’air sffff.

Bertrand Boissard

Bertrand Boissard écrit depuis 2010 pour le magazine Diapason. Il est un intervenant régulier de la Tribune des critiques de disques (France Musique).