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La collection musicale de Geneviève Thibault de Chambure

Publié le 25 avril 2023 — par Jean-Philippe Échard et Christine Laloue

— Clavecin Ruckers/Taskin (inv. E.979.2.1) - © Albert Giordan

Musicienne, musicologue, collectionneuse, bibliophile, la comtesse de Chambure était bien plus qu’une mécène mélomane. Elle joua un rôle essentiel dans la redécouverte et la préservation du patrimoine français, en apportant son soutien à de jeunes musiciens, tels William Christie et Jordi Savall.

Geneviève Thibault, née en 1902, reçoit une solide formation musicale dans sa jeunesse, auprès notamment de Nadia Boulanger. Elle effectue des études de lettres à la Sorbonne, où, après un mémoire dédié à John Dowland, elle entame une thèse de doctorat sur La chanson française et la musique instrumentale de 1450 à 15501 .

Sa rencontre avec le collectionneur d’instruments de musique Georges Le Cerf en 1924 est décisive. Avec lui et quelques autres personnalités, elle crée deux ans plus tard la Société de Musique d’Autrefois (SMA) qui va jouer un rôle majeur dans le renouveau de la musique ancienne. C’est également auprès de lui qu’elle acquiert, vers 1929, les 284 instruments et archets qui viennent rejoindre sa propre collection de manuscrits et d’imprimés rares qu’elle avait commencé à constituer quelques années plus tôt. Ces instruments sont essentiellement au service des concerts organisés par la SMA jusqu’en 1932.

En 1931, elle épouse Hubert Pelletier de Chambure et interrompt ses activités liées à la musique durant une vingtaine d’années. Les concerts de la SMA reprennent en 1952. Geneviève Thibault de Chambure continue alors à enrichir sa collection – citons l’achat en 1962 de l’exceptionnel clavecin Ruckers/Taskin –, à restaurer et à prêter certains instruments à des musiciens, que ce soit pour des concerts ou des enregistrements, alors qu’elle est depuis 1961 directrice du Musée instrumental du Conservatoire national supérieur de Paris.

— Clavecin Ruckers/Taskin (inv. E.979.2.1) - © Jean-Marc Anglès

À sa mort, en 1975, sa collection est l’une des plus importantes au monde. Une grande partie de celle-ci est acquise par l’État, en plusieurs étapes. Après la dation, en 1979, de 630 manuscrits et imprimés rares affectés au département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France, et de 71 instruments affectés au Musée instrumental du Conservatoire, l’achat en 1980 de 730 instruments et archets pour le même Musée instrumental permet un enrichissement sans précédent des collections publiques.

De la flûte à bec alto Hotteterre (Paris, fin XVIIe siècle, E.979.2.8) à la harpe diatonique (Allemagne, 1740, E.980.2.354), de la vihuela de mano (Espagne, fin XVIe siècle, inv. E.0748) au clavecin de Gilbert Desruisseaux (Lyon, 1678-9, E.979.2.3), toutes les familles d’instruments sont représentées. Ces objets sont des pièces historiques majeures pour l’histoire de la facture instrumentale et contribuent encore aujourd’hui au rayonnement international du Musée de la musique.

— Harpe diatonique (Allemagne, 1740, E.980.2.354) - © Jean-Marc Anglès - Cité de la musique - Philharmonie de Paris

Dans la lignée de la dynamique impulsée il y a près d’un siècle par Geneviève Thibault de Chambure, le Musée de la musique donne à jouer et à entendre des instruments de sa collection, lors de concerts et d’enregistrements. Ce Salon Geneviève de Chambure est une occasion rarissime d’entendre en concert, ensemble sur une même scène, trois des plus prestigieux instruments de sa collection. Une occasion unique, même, en raison des musiciens qui nous font l’honneur de les jouer. Ayant côtoyé Geneviève Thibault de Chambure, William Christie, Jordi Savall et Christophe Coin sont aujourd’hui les interprètes non seulement de la musique ancienne retrouvée, mais également de l’esprit qui animait la comtesse.

  • 1Florence Gétreau, Les archives de la Société de Musique d’Autrefois (SMA), 1929-1975, conservées au Musée de la musique à Paris, L’interprétation musicale dans les fonds des bibliothèques, colloque de Genève, 7 janvier 2006.