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Soprano léger, lyrique, dramatique… Quelle est la différence ?

Publié le 14 novembre 2017 — par Charlotte Landru-Chandès

© Neda Navaee

À l’opéra, c’est souvent à elles que revient le rôle de l’héroïne. À l’aise dans l’aigu et solides dans le medium, nombreuses sont les chanteuses qui possèdent une voix de soprano. Mais le tout est encore de déterminer de quel type de soprano il s’agit…

Au XVIIIe siècle tout va bien. Le terme de soprano a moins d’un siècle et la classification des voix est encore sommaire ; on ne distingue pas encore le mezzo-soprano du soprano.

C’est au XIXe siècle que les ennuis commencent ! « De nouvelles dénominations sont apparues qui forment aujourd’hui une jungle dans laquelle un soprano dramatique aurait de la peine à retrouver ses petits », explique Alain Perroux dans L’Avant-Scène Opéra intitulé L’Opéra mode d’emploi.

Au début du XXe siècle, les Allemands prennent les choses en main en créant le « Fach system », qui établit une typologie des voix. Celle-ci prend en compte plusieurs critères, en particulier la tessiture (l’étendue des notes que peut couvrir une voix), le timbre (sa couleur), la puissance. Aussi compliqué qu’il paraisse, ce classement n’est pas dénué d’intérêt puisqu’il permet de déterminer si une voix est adaptée à tel ou tel répertoire.

Les passerelles d’un type de soprano à un autre sont parfois ténues et il arrive que les classifications des voix diffèrent entre elles. Nous vous en proposons ici un petit panorama, regroupant les plus fréquentes.

Soprano léger, la virtuose

Il s’agit de la voix de femme la plus souple. Souvent comparé à une flûte, le joli timbre de soprano léger résonne dans les aigus et parfois même dans les suraigus, atteignant des notes au-delà du redoutable contre-ut.

Vous avez peut-être déjà rencontré le terme de colorature, souvent associé à celui de soprano léger. On qualifie de colorature les voix capables d’une grande virtuosité dans l’ornementation, notamment dans les vocalises ou les trilles.

La plupart du temps, les sopranos légers endossent le rôle des soubrettes ou des jeunes filles naïves, comme Zerbinetta dans Ariane à Naxos de Richard Strauss ou Adèle dans La Chauve-souris de Johann Strauss fils, rôle dans lequel s’est illustrée Kathleen Battle.

Kathleen Battle – La Chauve-souris de Johann Strauss II

On les retrouve également dans la peau de personnages surnaturels comme la Reine de la Nuit de La Flûte enchantée de Mozart, parfait exemple de soprano léger colorature. Sabine Devieilhe est l’une de ses jeunes interprètes les plus en vue.

Sabine Devieilhe – La Flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart : « Der Hölle Rache »

Soprano lyrique, l’héroïne

Si vous êtes soprano lyrique, les rôles de jeunes premières et de douces amoureuses sont pour vous ! Certes, il s’agit de la voix la plus courante chez les femmes, mais ne soyez pas déçue s’il s’agit de la vôtre. À l’aise dans le médium, la lyrique est probablement la plus mélodieuse des sopranos. Le legato (c’est-à-dire le liant entre les notes) et le cantabile (l’expressivité) sont pour elle. Elle peut aussi bien interpréter la douce Mimi de La Bohème de Puccini que la Marguerite du Faust de Gounod, personnages familiers à Anna Netrebko.

Anna Netrebko – La Bohème de Giacomo Puccini : « Sì. Mi chiamano Mimì »

Cependant le soprano lyrique recouvre une telle diversité de voix qu’on distingue même des sous-types dans cette catégorie ! Parfois, les spécialistes emploient le terme de soprano lyrique léger. Comme son nom l’indique, cette voix est un peu plus aiguë et claire que celle d’un soprano lyrique. Elle correspond aux rôles de petites sœurs comme Sophie chez Massenet (Werther), ou de coquettes comme Musetta dans La Bohème. Diana Damrau pourrait être un exemple de soprano lyrique léger.

Diana Damrau - La Bohème de Giacomo Puccini : « Quando m’en vò »

Mais la voix qui fait la gloire des sopranos et a élevé des chanteuses comme Leontyne Price, Renata Tebaldi ou Maria Callas au rang de divas n’est autre que le soprano lirico-spinto, autrement dit la Grande lyrique pour les répertoires français et allemand (Alain Perroux). Cette dénomination apparaît au XIXe siècle, moment où les chanteuses se retrouvent confrontées à des orchestres de plus en plus puissants, en particulier chez Verdi et Wagner.

Maria Callas – Tosca de Giacomo Puccini : « Vissi d’arte »

Le lirico-spinto a une voix métallique, tout aussi solide dans les graves que vive dans les aigus. Norma (Bellini), Tosca (Puccini), Aïda (Verdi), Sieglinde (Wagner)… À elles les plus grands rôles ! Parmi les chanteuses actuelles, on peut notamment citer Anja Harteros, habituée des grands rôles verdiens.

Anja Harteros – La Force du destin de Giuseppe Verdi : « Pace, pace, mio dio! »

Soprano dramatique, la forte personnalité

À la limite du mezzo-soprano, le soprano dramatique est le plus grave des sopranos. À la fois chaude et autoritaire, sa voix convient aux personnages de femmes à fort caractère comme les mères, les reines, les femmes mûres.

Les sopranos dramatiques sont parfois des guerrières comme Brünnhilde dans la Tétralogie de Wagner, ou des jeunes filles violentes comme les héroïnes de Richard Strauss Elektra et Salomé.

Par sa puissance et son ampleur, cette voix permet aux chanteuses qui la possèdent de se fondre dans des rôles profondément dramatiques, proches de ceux confiés aux mezzo-sopranos, comme l’Isolde de Wagner. La suédoise Ninna Stemme en est aujourd’hui l’une des plus grandes interprètes.

Nina Stemme – Tristan und Isolde de Richard Wagner : « Mild und Leise »

À propos de sopranos dramatiques, vous entendrez peut-être parler des « Falcon ». Ce nom fait référence à Marie-Cornélie Falcon (1814-1897), une soprano dramatique célèbre pour ses interprétations spectaculaires de Rachel dans La Juive d’Halévy et de Valentine dans Les Huguenots de Meyerbeer. Son talent est éphémère puisqu’elle perd sa voix cinq ans après ses débuts, alors qu’elle n’a qu’une vingtaine d’années. Le nom de « Falcon » est resté, désignant les sopranos confrontés aux rôles dans lesquels elle excellait.

— Jacques Fromental Halévy - LA JUIVE - Romance: "Il va venir! Et d'effroi..."
Charlotte Landru-Chandès

Charlotte Landru-Chandès  collabore à France Musique, La Lettre du Musicien et Classica. Elle conçoit des podcasts pour l'Opéra national de Paris et la Philharmonie de Paris.