Le ténor est une véritable vedette à l’opéra. Pendant masculin de la soprano, c’est bien souvent à lui que reviennent les rôles de héros. Certes, il nous agace un peu avec ses airs de jeune premier… Mais avouons qu’on ne saurait rester insensible à ses longues notes tenues dans l’aigu. De quoi faire des jaloux.
Le terme de « ténor » n’est utilisé pour la première fois qu’en 1790 et n’apparaît en France qu’en 1830, comme le fait remarquer Jean-Pierre Blivet, auteur de La Voie du chant. Au fil des siècles, sa tessiture évolue. Il doit se confronter à des orchestres de plus en plus colossaux qui exigent des voix amples et puissantes.
Dans la musique baroque française, les rôles masculins étaient réservés à ce qu’on appelle la voix de haute-contre. Il s’agit de la voix masculine la plus aiguë, largement exploitée par des compositeurs comme Lully et Rameau. Pour atteindre les cimes de son spectre sonore, la haute-contre recourt à sa voix de fausset.
Le ténor léger, rossinien dans l’âme
Rossini, Donizetti et Bellini n’ont aucun secret pour lui ! Tour à tour, il peut interpréter Elviro dans La Somnambula et Lindoro dans L’Italienne à Alger. Si ses graves manquent de rondeur, sa voix est en revanche claire et agile dans l’aigu. L’Américain Rockwell Blake compte parmi ses plus grands représentants.
Côté allemand, on le retrouve chez Mozart. Écoutez par exemple Luigi Alva dans « Il mio tesoro intanto », l’air d’Ottavio dans Don Giovanni.
Si ce type de voix s’efface peu à peu du répertoire au XIXe siècle, quelques beaux rôles lui sont encore réservés. Chez les Français, on se laissera porter par la voix envoûtante de Nadir dans Les Pêcheurs de Perles de Bizet.
Le ténor lyrique, un grand romantique
Avec sa voix souple et solaire, c’est à lui que reviennent la plupart des grands rôles. Amoureuse, tendre, bienveillante, son âme se teinte des sentiments les plus doux. Le ténor lyrique est souvent un rêveur, un artiste. Il se fond aussi aisément dans la peau d’un Rodolfo, le jeune poète de La Bohème de Puccini, que dans celle du Roméo de Gounod ou du Werther de Massenet. Héros romantique par excellence, Werther est celui qui se suicide par amour. Son célèbre air « Pourquoi me réveiller » compte parmi ceux qui font la gloire des ténors.
À l’aise dans le médium, confortable dans l’aigu et le grave, le ténor lyrique donne de l’intensité aux personnages qu’il incarne. Parmi les plus célèbres, on trouve notamment Nicolai Gedda, Roberto Alagna, Luciano Pavarotti et, plus récemment, Piotr Beczała.
Le ténor lirico-spinto, entre éclat et puissance
Vaillant, puissant, héroïque… Le lirico-spinto ou dramatique (les deux sont parfois différenciés) est l’équivalent de la « grande lyrique » chez les sopranos. Sa voix ample et sa capacité à passer un orchestre massif lui assurent les rôles majeurs du répertoire. Il se développe surtout au XIXe siècle, en particulier chez les Italiens. Verdi en fait une véritable star à travers des rôles comme Manrico dans Le Trouvère et Radamès dans Aïda ! Deux rôles qui ont d’ailleurs largement contribué à la réputation d’un certain Plácido Domingo…
Puccini continue sur la lancée de son aîné avec les personnages de Cavaradossi (Tosca), rôle abordé à plusieurs reprises par Jonas Kaufmann, et Calaf (Turandot).
De leur côté, les Allemands ne sont pas en reste. Chez eux, on parle de ténor héroïque ou « Heldentenor ». Avec un timbre à la limite de celui du baryton, c’est lui qui incarne les grands rôles wagnériens. Tristan, Tannhäuser, Siegfried sont autant de personnages portés par la voix de Siegfried Jerusalem, René Kollo, Wolfgang Windgassen et Max Lorenz.