Jean-Yves Leloup présente l’exposition Disco, I’m coming out, dont il est le commissaire :
« La musique disco a une image superficielle – paillettes et boules à facettes – et c’est une partie de sa réalité. Mais au-delà de ces paillettes, elle possède de nombreuses autres dimensions qu’on a voulu mettre en valeur dans cette exposition.
Dans la première partie qui s’appelle « Let’s Groove », on voulait rappeler que c’est d’abord une musique africaine américaine. La disco est une sorte d’émanation de la soul music qui puise aussi certains de ses motifs dans les chants du gospel, dans des motifs du jazz et du funk. C’est vraiment une synthèse, mais plus joyeuse, plus hédoniste, de la musique noire américaine.
Et puis aussi, c’est une musique qui fait écho aux droits civiques, à la lutte pour la visibilité et l’acceptation des minorités africaines américaines aux États-Unis car cette musique a vraiment beaucoup aidé cette culture africaine américaine à pénétrer auprès du grand public, comme le jazz auparavant et comme le rap par la suite.
On voulait aussi mettre en valeur dans cette exposition le rôle des femmes, les « disco divas », des chanteuses africaines américaines. Beaucoup de chansons disco recèlent dans leurs refrains, dans leurs vers, des paroles d’émancipation, de résilience, qui font écho par exemple aux luttes féminines et féministes de l’époque.
On voulait aussi évoquer le contexte très difficile des années 1970, notamment à New York qui est vraiment le creuset de cette musique disco. C’est une ville qui traverse de nombreuses crises – urbaines, sociétales, liées à la ghettoïsation, à la désindustrialisation, à la délinquance, à la violence urbaine. Et au fond, cette musique hédoniste agit comme une sorte d’évasion par rapport à la difficulté de l’époque.
Le parti pris de la scénographie de l’exposition, qui a été conçue par GGSV et le Studio Bloomer, c’était de créer d’abord une déambulation assez libre. On voulait permettre au public de pouvoir picorer à droite et à gauche, et lui permettre une vraie liberté de mouvement comme il aurait pu en avoir dans une soirée, dans une fête.
Au sol, les GGSV ont conçu toute une série de tapis imprimés qui créent des sortes d’illusion de relief et de trois dimensions. Les GGSV et le Studio Bloomer se sont beaucoup inspirés aussi parfois de certaines architectures des discothèques italiennes, puisque les Italiens ont été très novateurs dans l’art de la discothèque dès la fin des années 1960 et jusque dans les années 1980.
Et puis la visite de l’exposition est ponctuée de nombreuses lumières, de nombreux néons, des néons d’artistes ou des néons qui sont des reproductions de néons d’époque. Le néon est un support, un médium très populaire dans les années 1970, qui fait référence bien sûr au monde de la nuit.
La visite de l’exposition Disco s’accompagne d’une bande-son mixée par Dimitri from Paris, qui est un DJ français. Il a créé un mix d’une heure et demie qui reprend une trentaine de titres connus ou méconnus de la disco. Cette bande-son immerge l’ensemble des visiteurs dans l’exposition, qui partagent une même sensation, un même sentiment, une même écoute. C’était important de créer cette communauté d’écoute, comme celle d’un concert, d’une fête ou d’une discothèque. Le son est beaucoup plus fort que dans d’autres expositions traditionnelles – on n’est pas non plus dans une boîte de nuit –, mais il est clair, il y a vraiment un accent qui est mis sur la qualité de diffusion et de rendu de ce mix musical. Dans d’autres pièces et d’autres salles, vous pouvez avoir d’autres ambiances.
Dans une première petite salle, on recrée une bande-son qui est assez proche des mix des tous premiers DJ, avant même que la disco ne soit appelée disco. Au fil de la visite, on a encore des écoutes sur casque où on peut écouter des mix vintage de 1979 à 1987. Dans la dernière salle, on a un dispositif qui projette un montage de vidéos et de clips qui témoignent de l’éternel retour du disco à travers la culture populaire, de 1979 aux années 2020. Ce dernier montage de vidéos, que l’on écoute aussi assis dans des fauteuils de la marque Gufram – qui étaient des fauteuils qui ont meublé des discothèques italiennes –, présente cette dernière vie – ou cette deuxième vie – de la musique disco.
Exposition d’histoire et manifeste, Disco, I’m coming out met en lumière le parallèle encore méconnu entre l’émergence de la musique disco et les luttes politiques et sociales dans l’Amérique des années 1970. Elle rend hommage aux communautés et aux minorités qui ont fait cette musique : africaine-américaines, latinos et LGBTQ+.
La scénographie originale, conçue par le studio GGSV (Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard), s’inspire de l’univers des discothèques des années 1970- 1980, notamment à travers un espace central, bordé de néons et de projections, décoré d’un immense tapis imprimé, destiné à réunir les visiteurs.
La bande-son immersive et inédite, mixée par le DJ français Dimitri From Paris avec des playlists et des enregistrements vintage, permet de faire revivre les soirées du Paradise Garage et The Saint.
Catalogue de l’exposition :
Disco, I’m coming out, sous la direction de Patrick Thévenin, Paris, Éditions de la Philharmonie/Éditions de La Martinière, 2025.
