Née aux États-Unis au début des années 1970, la musique disco devient rapidement un phénomène planétaire. À rebours des clichés, cette exposition rend justice à la fulgurance de cette musique fortement ancrée dans l’histoire et la culture noires des États-Unis, héritière de la soul, du gospel et du funk.
Un ensemble d’archives audiovisuelles, de photographies, d’instruments, de costumes, d’objets de design et d’œuvres d’art souligne la dimension politique et festive de cette musique qui a porté sur la piste de danse différentes minorités et classes sociales, toutes réunies dans un même élan hédoniste. Accompagnée d’une bande-son mixée par Dimitri from Paris, l’exposition insiste sur l’esthétique que le disco a suscité auprès des artistes et des designers.
Expo Disco, l’m coming out © Joachim Bertrand
LET’S GROOVE
Racines et expressions musicales
Au début des années 1970, sous l’influence de mouvements activistes tels que la Black Pride et le Black Is Beautiful, la culture africaine-américaine, en se réappropriant ses racines et en affirmant sa fierté, connait un rayonnement populaire croissant au sein de la société américaine, qui s’exprime dans les arts et notamment dans la musique. De nombreux titres publiés par des labels comme Philadelphia International Records ou Motown insufflent une énergie et une sophistication nouvelles à la soul music. Aux côtés de ces productions, des chansons nourries de funk, de gospel, de percussions latines ou africaines bénéficient, grâce au flair de jeunes DJ, d’un succès inattendu dans les discothèques, en particulier celles fréquentées par la communauté gay. On baptise bientôt cette vague du nom de « disco », une musique à laquelle contribuent de nombreux musiciens africains-américains, entre 1974 et 1982, en particulier des chanteuses, les « disco divas ».
I am what I am
De la lutte à la fête
Souvent réduite à ses paillettes, la musique disco reflète pourtant dans l’esthétique de ses fêtes et dans les paroles de ses chansons le contexte politique et militant des luttes associées aux droits civiques, aux droits des homosexuels et au mouvement féministe, qui s’amplifient à la charnière des années 1960 et 1970. Les discothèques constituent, pour les femmes, les minorités ethniques et homosexuelles, un espace de liberté ¬̶̶– parfois relatif mais bien réel – à l’abri des discriminations.
Aux États-Unis, la période de la musique disco, qui s’étend des émeutes de Stonewall en 1969 à l’apparition de l’épidémie de SIDA au début des années 1980, est ainsi indissociable de l’histoire du mouvement LGBTQ+. La plupart des musiciens et interprètes issus de ces communautés revendiquent dans leurs chansons, leurs combats et leur apparence, une dimension progressiste et transgressive qui préfigure la culture queer actuelle et les questionnements qui l’animent.
Expo Disco, l’m coming out © Joachim Bertrand
Night Fever
Sur la piste de danse
Dans la seconde moitié des années 1970, la culture disco se popularise auprès d’un vaste public, aux États-Unis comme en Europe. Fin 1977, La Fièvre du samedi soir, film-symbole de cette expansion, impose la soirée en discothèque comme le loisir emblématique de l’époque, qui touche l’ensemble de la société, de la jet-set aux classes populaires. Nouvelles usines à rêves, mais aussi machine à cash, les discothèques rivalisent d’innovations en matière de scénographie, d’architecture et de technologies de diffusion sonore et d’éclairage.
Immergeant la foule dans une utopie libertaire et fantasmatique, boostée par le cocktail musique, drogues et sexualité, la piste de danse devient un lieu d’émancipation et de réinvention de soi, et le danseur sa figure centrale. Témoignant d’une nouvelle liberté de comportement et de mouvement, notamment pour les femmes et pour les homosexuels, la danse individuelle supplante définitivement les danses de couple, jusqu’à demeurer la norme actuelle.
Celebration
La mondialisation du phénomène disco
Au tournant des années 1970 et 1980, la musique disco est portée par les stars de la pop music, du rock ou de la variété, comme Abba, Kiss ou Rod Stewart, qui s’en approprient les codes. Le phénomène se diffuse au cinéma, dans les séries télévisées, les comic books, les dessins animés, le marketing ou la publicité.
Par la suite, malgré son rapide déclin aux États-Unis dans les années 1980, le disco perdure au sein de la communauté LGBTQ+, continue à se développer en Europe, en Afrique ou en Asie, tout en inspirant de nouveaux artistes dont le succès atteste, jusqu’à nos jours, de la permanence de son imaginaire. Au cours des dernières décennies, la musique disco n’a cessé de faire son retour et d’inspirer de nouveaux artistes, des stars mondiales de la pop (Madonna, Dua Lipa) à la génération électro (Daft Punk, Breakbot) sans oublier la chanson française (Juliette Armanet, Clara Luciani). Forte de son histoire, dépassant et assumant les clichés, résonant de multiples chansons devenues de véritables hymnes, elle réunit à nouveau toutes les classes sociales dans un vaste élan de communion et de nostalgie, dans les stades, les festivals, sur les ondes, dans les fêtes de mariage comme sur les pistes des clubs les plus hype.
Dimitri from Paris dans l’Expo Disco, l’m coming out © Joachim Bertrand
Commissariat
Jean-Yves Leloup, commissaire
Marion Challier, commissaire-associée
Patrick Thévenin, conseiller
Direction artistique
GGSV (Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard)
Scénographie
Studio Bloomer (Laure Dezeuze)
Écouter et regarder
Jean-Yves Leloup présente l’exposition Disco, I’m coming out, dont il est le commissaire :
« La musique disco a une image superficielle – paillettes et boules à facettes – et c’est une partie de sa réalité. Mais au-delà de ces paillettes, elle possède de nombreuses autres dimensions qu’on a voulu mettre en valeur dans cette exposition.
Dans la première partie qui s’appelle « Let’s Groove », on voulait rappeler que c’est d’abord une musique africaine américaine. La disco est une sorte d’émanation de la soul music qui puise aussi certains de ses motifs dans les chants du gospel, dans des motifs du jazz et du funk. C’est vraiment une synthèse, mais plus joyeuse, plus hédoniste, de la musique noire américaine.
Et puis aussi, c’est une musique qui fait écho aux droits civiques, à la lutte pour la visibilité et l’acceptation des minorités africaines américaines aux États-Unis car cette musique a vraiment beaucoup aidé cette culture africaine américaine à pénétrer auprès du grand public, comme le jazz auparavant et comme le rap par la suite.
On voulait aussi mettre en valeur dans cette exposition le rôle des femmes, les « disco divas », des chanteuses africaines américaines. Beaucoup de chansons disco recèlent dans leurs refrains, dans leurs vers, des paroles d’émancipation, de résilience, qui font écho par exemple aux luttes féminines et féministes de l’époque.
On voulait aussi évoquer le contexte très difficile des années 1970, notamment à New York qui est vraiment le creuset de cette musique disco. C’est une ville qui traverse de nombreuses crises – urbaines, sociétales, liées à la ghettoïsation, à la désindustrialisation, à la délinquance, à la violence urbaine. Et au fond, cette musique hédoniste agit comme une sorte d’évasion par rapport à la difficulté de l’époque.
Le parti pris de la scénographie de l’exposition, qui a été conçue par GGSV et le Studio Bloomer, c’était de créer d’abord une déambulation assez libre. On voulait permettre au public de pouvoir picorer à droite et à gauche, et lui permettre une vraie liberté de mouvement comme il aurait pu en avoir dans une soirée, dans une fête.
Au sol, les GGSV ont conçu toute une série de tapis imprimés qui créent des sortes d’illusion de relief et de trois dimensions. Les GGSV et le Studio Bloomer se sont beaucoup inspirés aussi parfois de certaines architectures des discothèques italiennes, puisque les Italiens ont été très novateurs dans l’art de la discothèque dès la fin des années 1960 et jusque dans les années 1980.
Et puis la visite de l’exposition est ponctuée de nombreuses lumières, de nombreux néons, des néons d’artistes ou des néons qui sont des reproductions de néons d’époque. Le néon est un support, un médium très populaire dans les années 1970, qui fait référence bien sûr au monde de la nuit.
La visite de l’exposition Disco s’accompagne d’une bande-son mixée par Dimitri from Paris, qui est un DJ français. Il a créé un mix d’une heure et demie qui reprend une trentaine de titres connus ou méconnus de la disco. Cette bande-son immerge l’ensemble des visiteurs dans l’exposition, qui partagent une même sensation, un même sentiment, une même écoute. C’était important de créer cette communauté d’écoute, comme celle d’un concert, d’une fête ou d’une discothèque. Le son est beaucoup plus fort que dans d’autres expositions traditionnelles – on n’est pas non plus dans une boîte de nuit –, mais il est clair, il y a vraiment un accent qui est mis sur la qualité de diffusion et de rendu de ce mix musical. Dans d’autres pièces et d’autres salles, vous pouvez avoir d’autres ambiances.
Dans une première petite salle, on recrée une bande-son qui est assez proche des mix des tous premiers DJ, avant même que la disco ne soit appelée disco. Au fil de la visite, on a encore des écoutes sur casque où on peut écouter des mix vintage de 1979 à 1987. Dans la dernière salle, on a un dispositif qui projette un montage de vidéos et de clips qui témoignent de l’éternel retour du disco à travers la culture populaire, de 1979 aux années 2020. Ce dernier montage de vidéos, que l’on écoute aussi assis dans des fauteuils de la marque Gufram – qui étaient des fauteuils qui ont meublé des discothèques italiennes –, présente cette dernière vie – ou cette deuxième vie – de la musique disco.

Espace d'exposition - Philharmonie
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