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Maurice Ravel à Montfort-l'Amaury

Publié le 14 novembre 2024

— Montfort-l'Amaury

C’est au Belvédère, dans cette maison devenue son refuge en marge de l’agitation parisienne, que Ravel conçoit le Boléro en 1928. Visite des lieux et petit rappel historique en compagnie de Pierre Korzilius et Lucie Kayas.
— Maurice Ravel à Montfort-l'Amaury | Exposition Ravel Boléro | Reportage

Ravel était plutôt un citadin, mais à un moment de sa vie, en 1921, sur les conseils de son amie Georgette Marnold, au mois de mai, cette charmante bicoque a été trouvée à la campagne pour trouver le repos, la concentration, et puis aussi le contact avec la nature, puisque nous sommes ici à Montfort-l'Amaury, au bord de la forêt de Rambouillet, où il aimait se promener. Ici, il a vraiment écrit ses grands chefs-d'œuvre. Évidemment, en premier lieu le "Boléro", mais aussi "L'Enfant et les sortilèges", la "Sonate pour violon et piano", les deux concertos, sa dernière œuvre, "Don Quichotte à Dulcinée", et d'autres œuvres, bien entendu. Le "Boléro" est un peu l'œuvre d'un ingénieur. Ici, nous sommes sous le regard de Joseph Ravel, qui était son père, un ingénieur et un inventeur. C'est une œuvre qu'il n'avait pas vraiment envie de faire. Il part aux États-Unis avec cette commande d'Ida Rubinstein d'écrire un ballet hispanisant. Il n'en avait pas vraiment une très grande envie. Quand il est parti aux États-Unis pendant trois mois, c'était vraiment le cadet de ses soucis. Et quand il rentre, il trouve cette lettre, "Cher maître, n'oubliez pas ma commande. "Les répétitions commencent en octobre, il faut pas traîner." Et donc, panique à bord. Il doit trouver une solution pour écrire cette œuvre. Les États-Unis, c'est quand même une tournée de trois mois, 32 concerts. Il a joué, évidemment, il était pianiste, mais il était aussi onze fois chef d'orchestre. Il a ramené des choses, évidemment des objets typiques, notamment un totem, qui se trouve dans une autre pièce. Il a ramené aussi des prospectus et des cartes postales des usines Ford, qu'il a visitées. Et il est surtout revenu avec cette impression d'un pays de la liberté et du jazz, évidemment. Donc, l'utilisation du jazz, la découverte du jazz dans les lieux d'origine, la rencontre avec Gershwin... Mais surtout, écouter le jazz dans les bars. C'est ça, surtout, qu'il a ramené des États-Unis. 
Ida Rubinstein est une personnalité vraiment étonnante, flamboyante. C'est une ancienne danseuse des Ballets russes qui a décidé de s'émanciper, en quelque sorte, de Diaghilev, et qui a créé ses propres ballets, les Ballets de Madame Ida Rubinstein, ce qui lui a permis de passer des commandes, car elle était d'une famille très fortunée, qu'elle a épousé un monsieur très fortuné également. Donc elle a pu, ne serait-ce que financièrement parlant, faire créer le "Boléro" à l'Opéra de Paris, ce qui était un défi financier. En réponse à la commande d'Ida Rubinstein, Ravel se lance dans un ballet espagnol. Qui dit "ballet espagnol" dit "danse espagnole", et il choisit le boléro, même si finalement, celui qu'il propose est bien un boléro à trois temps, mais sans le tempo rapide de la vraie danse espagnole. Donc on voit déjà comment il se démarque par rapport à son modèle. Et c'est la part espagnole de sa musique qui apparaît là, comme une sorte d'héritage de sa mère. Donc c'est bien un ballet, même si, aujourd'hui, on le pense plutôt comme une pièce orchestrale. 
Il y a aussi cette liberté de pouvoir écrire ce qu'il veut. Il y avait une durée qu'Ida Rubinstein avait à peu près en tête. Mais après, c'est presque aussi une espèce de, comment dire... de geste d'enfant : "Eh bien maintenant, je vais faire ce que je veux "et pas du tout ce qu'on attend de moi !" Ici, nous sommes dans le salon musical, dans ce petit espace, et cet espace est très important, puisqu'il travaille sous le regard de son père, de sa mère et de son frère, qui sont ici. Et ces deux personnages, la mère, qui est plutôt représentante de l'univers hispanisant, et le père, plutôt celui de l'ingénieur, eh bien on les retrouve dans les différentes sections de l'exposition. Quand on est dans cette maison qui est très exigüe, - ici, on peut presque toucher les murs quand on écarte les bras - avec le piano qui prend un bon tiers de la pièce, et le bureau qui est aussi petit, à la taille de Ravel... Tout est petit. Ravel mesurait 1,61 m, moins de 50 kg... Et tout ça est aussi le fruit du travail ravélien, puisque tout ce qu'on voit ici a été installé, dessiné par Ravel. Tout son environnement, il l'a conçu à son image et à son goût. Quand on se promène visuellement ici, il faut aussi avoir toujours cette perspective d'enfant. Ravel, en aménageant les objets, dans ses insomnies, dans l'acquisition folle de tous ces petits objets, avait ce désir de créer cet environnement dans lequel il se sentait complètement à l'aise. Donc cette rencontre et ce déménagement de tous ces objets qui vont illustrer cet environnement créatif et nourrissant son travail, on va les retrouver pour avoir un petit aperçu de ce qu'était la vie de Ravel et peut-être avoir plus d'affinité et de bonheur pour écouter sa musique. 
 

En 1921, l’acquisition – grâce à un héritage – d’une maison à Montfort-l’Amaury, le Belvédère, transforme le compositeur en maître de la décoration intérieure, disposant avec minutie les objets utilitaires mais aussi sa collection d’objets décoratifs. Du motif des moquettes à celui des papiers peints ou des frises de certains meubles, aucun détail n’échappe à sa vigilance. Le lieu, devenu son refuge pour composer en marge de l’agitation parisienne, voit notamment naître le Boléro composé sur son bureau, exposé pour la première fois en dehors du Belvédère.

À regarder les portraits de Ravel enfant, on se prend à se demander si le compositeur a jamais quitté «le vert paradis des amours enfantines». Le Boléro est-il un jeu, un défi ? «Quel bon tour j'ai joué au monde musical!», s’exclame le compositeur en écoutant son œuvre à la radio, alors que les contraintes qu’il s’est fixées relèvent du casse-tête.

Ces mêmes caractéristiques se retrouvent dans sa maison de Montfort-l’Amaury. Ravel y dispose avec soin une quantité étonnante d’objets hétéroclites, de porcelaines et de figurines, mais aussi de jeux. Dans ce musée de l’improbable se côtoient des jouets mécaniques et de nombreux casse-tête qui le fascinent et séduisent ses visiteurs.