L’Institut national de musique

L’Institut national de musique est créé par décret le 8 novembre 1793 pour « [former] les artistes nécessaires à l’exécution des fêtes nationales ». Celui-ci comprend notamment un « cabinet d’instruments », dont les pièces provenaient des confiscations aux « Émigrés ». On doit à deux citoyens éclairés, Bernard Sarrette et Antonio Bruni, un premier inventaire de ces instruments. Sarrette sera par la suite chargé de faire évoluer cet Institut en un Conservatoire de musique de Paris, qui naît par la convention du 16 thermidor an III du calendrier républicain (17 août 1795). Des 316 objets inventoriés par Bruni et rapatriés au Conservatoire en 1795, il n’en subsiste pourtant qu’une douzaine.

« Des instruments antiques ou étrangers, et de ceux à nos usages, qui peuvent par leur perfection servir de modèles ».

Le Musée musical

Seconde République, 1848 : portées par un intérêt renouvelé pour le patrimoine et par une intense vie musicale à Paris, des voix s’élèvent pour qu’un « musée musical » soit créé, où l’on pourrait désormais conserver les instruments des grands musiciens de l’époque, « suivre le développement moral des peuples dans sa marche parallèle avec le progrès de la civilisation », offrir des objets d’étude au musicien, à l’antiquaire, au peintre ou sculpteur… et enfin – autre innovation – permettre au « vulgaire de satisfaire sa curiosité ».
Cet engouement conduira l’État à acheter en 1861 la collection d’instruments de Louis Clapisson, compositeur et membre de l’Institut, au bénéfice du Conservatoire. Deux salles ouvriront officiellement leurs portes le 17 novembre 1864 : pour la première fois, une collection d’instruments est accessible au public à Paris, marquant sans doute la naissance du premier musée instrumental. Louis Clapisson en fut le premier conservateur, mais meurt deux ans plus tard. Après un bref interlude occupé par Hector Berlioz, Gustave Chouquet devient conservateur en 1871 et joue un rôle décisif dans l’histoire de l’institution, en développant fortement les collections.

 

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— Clavecin Ruckers. Numéro d'inventaire E.1 - © JM Anglès

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Le Musée instrumental

Le troisième temps fort se situe autour de 1960, grâce à la personnalité de la Comtesse Geneviève de Chambure : elle est nommée conservatrice du Musée Instrumental en 1961, alors rattaché au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Elle occupe ce poste jusqu’en 1973. Durant cette période, l’ensemble des missions d’un futur Musée de la musique se précisent, en matière de conservation, de restauration, d’inventaire ou de documentation. De nouveaux projets naissent aussi : développement du public, actions pédagogiques, création d’une société d’amis… Geneviève de Chambure initie aussi les relations internationales du Musée, en tant que fondatrice, puis présidente, d’un comité spécial – dénommé CIMCIM (Comité international pour les musées et collections d’instruments et de musique) –, au sein de l’ICOM, relatif aux collections d’instruments de musique. Elle imagine alors, en étroite collaboration avec le grand muséologue Georges-Henri Rivière, un déménagement des collections vers l’Hôtel de Beauvais situé dans le Marais.

« Un musée où le phénomène musical serait pleinement considéré dans son univers d’espace et temps, interprété et présenté par périodes au public global ». 

Le Musée de la musique

1900 m² d’exposition pour la collection permanente
8640 œuvres (instruments, œuvres d’art, documents écrits, partitions, accessoires, outils), dont 945 exposés
Plus de 900 acquisitions de 1991 à 2001
154 Pianos
40 Clavecins
47 expositions temporaires de 1998 à 2019

En 1978, à l’occasion du projet de création de la Cité de la musique, le transfert des collections du Conservatoire national vers l’État est décidé, donnant naissance, en 1997, au Musée de la musique. Une campagne d’acquisitions et de restaurations est lancée et un nouveau projet muséographique est mis en place, réalisé par François Lesure, sous l’impulsion notamment d’Henri Loyrette.

 

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— Guitare Stratocaster 1954 - © J.M Anglès
— Guitare Stratocaster 1954 acquise en 1994, peu avant l'ouverture du Musée de la Cité de la musique  - © J.M Anglès

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« C’est un instrument qui aurait pu échapper au patrimoine national, et qui raconte une étape de l’histoire de la facture instrumentale. » Christine Laloue, conservatrice, au sujet clavecin Ioannes Couchet, 1652, acquis en 2003

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— Clavecin Couchet - © J.M Anglès

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À la fin des années 1990, alertée par une demande d’autorisation de sortie du territoire pour la vente d’un clavecin Couchet de 1652, l’équipe de conservation du Musée parvient à retenir l’instrument en France, avant de l’acquérir en 2003. Témoin rare d’une facture instrumentale particulièrement appréciée dans l’Hexagone (Ioannes Couchet est d’origine flamande) au début du XVIIIe siècle, et finement décoré, cet instrument n’a connu que quelques modifications en 1701, la caisse d’origine étant particulièrement bien préservée.

 

De la rue de Madrid à la Cité de la musique

 

L’ouverture de la Cité de la musique en 1995 est le point de départ d’une nouvelle aventure pour les collections du Musée Instrumental du Conservatoire de musique de Paris, anciennement installé rue de Madrid. Entièrement pensées et conçues par Franck Hammoutène, la scénographie et l’architecture forment un écrin unique pour ce nouveau Musée qui ouvre ses portes début 1997.

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— Cithare Bin - © J.M Anglès

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Durant les mois précédents, l’équipe de conservation et restauration du Musée repense entièrement la présentation des collections et réalise de nombreuses acquisitions, notamment dans le domaine des musiques actuelles et des beaux-arts. Pour l’occasion, le majestueux gamelan de Java, offert en 1887 et déposé depuis 1933 au Musée de l’Homme, revient au Musée de la musique.

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— Gamelan du Musée de la musique - © DR

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Pour accrocher les milliers d’instruments de la collection, des éléments de fixation sont conçus sur mesure par l’équipe de conservation-recherche du Musée, sous la direction de Michel Robin.

 « La cloche vietnamienne qui se trouve à l’entrée est un appel à la visite, c’est un instrument universel. Nous avons demandé à Franck Hammoutène de concevoir une attache pour cette énorme cloche de plus de 200 kilos, qui respecte les supports traditionnels chinois ». Philippe Bruguière, Conservateur de 1994 à 2019.

 

Dépassant le cadre d’un musée strictement instrumental, le Musée de la musique s’est ouvert à une histoire culturelle élargie : les instruments s’inscrivent désormais dans une histoire du fait musical, intégrés à un parcours d’œuvres d’art (portraits, scènes de concerts…) et un ensemble de maquettes éclairant les lieux de production musicale incontournables et les sociabilités qui les caractérisent. Cette démarche fut approfondie par l’introduction progressive d’expositions temporaires, et par le réaménagement, en 2009, de l’ensemble du parcours permanent, misant de plus belle sur la contextualisation historique de la collection.

VERS L’AVENIR

En 2015, l’intégration du Musée de la musique à la nouvelle Philharmonie de Paris ouvre une nouvelle page de son histoire. Bénéficiant du rayonnement de l’institution, le Musée est aujourd’hui redéployé sur des espaces élargis et poursuit un développement orienté : le décloisonnement des publics, la transition numérique, l’ouverture à la création artistique contemporaine, l’accessibilité aux publics en situation de handicap et l’intégration soutenue de la musique dans une histoire globale des arts.

La valorisation de la collection permanente constitue également une gageure : l’aménagement d’un nouveau Studio Pierre Henry (2019), la création de nouvelles vitrines thématiques en lien avec les problématiques culturelles contemporaines, le renouvellement de la politique d’acquisition vers les musiques actuelles et non occidentales, tout comme l’animation poétique de la collection par la performance et le contact avec l’art contemporain et les nouvelles scènes artistiques, renforcent son inscription dans la vie artistique internationale et le réseau des musées de France.