Lorsque, en 1939, le compositeur espagnol Joaquín Rodrigo écrivit pour guitare et orchestre son Concierto de Aranjuez (du nom de la ville royale située au sud de Madrid), il n’imaginait certainement pas que sa partition deviendrait le prétexte d’où surgirait l’une des plus grandes pages de l’histoire du jazz.
Et pourtant, ledit Concierto devint un véritable tube. Un tel succès que ses mélodies – surtout le thème du deuxième mouvement – auront hanté bien des musiciens. Miles Davis racontait ainsi : « Après avoir écouté le Concierto de Aranjuez, je ne pouvais plus me le sortir de la tête. Aussi, quand Gil [Evans] et moi projetâmes de faire un nouvel album, je lui passai le disque ; il l’a aimé. » Et Gil Evans de renchérir : « La mélodie était si forte, je l’aimais tellement… »
Miles Davis et Gil Evans se connaissaient déjà, ils s’étaient rencontrés à la fi n des années quarante, à l’époque du be-bop. Sketches of Spain, en 1959-1960, sera leur troisième grande collaboration : des mélanges de timbres inouïs, des instrumentations aux harmonies audacieuses et de riches textures polyphoniques. L’orchestre de ces « esquisses d’Espagne », d'un grand raffi nement, est à la hauteur de l’inimitable sonorité de Miles.
Aujourd’hui, Dave Liebman ressuscite et revisite ce chef-d’oeuvre. Né en 1946, il a été membre du groupe de Miles Davis de 1972 à 1974. On l’entend sur les albums On the Corner, Big Fun, Dark Magus et Get Up With It. Il a également marqué la scène du jazz à la tête de ses propres formations, notamment avec Quest, le quartette qu’il a formé en 1981 avec le pianiste Richie Beirach. Secondé par le saxophoniste Jean-Charles Richard, qui assure la direction d’orchestre, il offre de Sketches of Spain une « recréation somptueuse », comme l’écrivait Francis Marmande en saluant l’événement (Le Monde, 9 août 2007).