L’agence Sixième Son, qui a entre autres réalisé l’identité sonore de la SNCF, a proposé de concevoir celle de la Philharmonie de Paris. Retour, en compagnie de son fondateur Michaël Boumendil, sur une collaboration pas comme les autres.
Quelles sont les sources d’inspiration de cette identité sonore, une première pour la Philharmonie ?
Créer l’identité sonore d’un lieu si fort avec une si formidable vocation, c’est forcément ne pas manquer de sources d’inspiration. L’architecture, sa beauté, sa puissance, l’éclectisme de la programmation et la diversité des publics nous donnaient largement de quoi nourrir notre démarche. À cela s’ajoutait la volonté de créer non pas un son, non pas une musique, mais un signe aussi iconique que cet endroit, un geste sonore en quelque sorte.
Pour beaucoup, c’est l’architecture si particulière du bâtiment, dont un des premiers signes repérables est tout simplement l’envol, qui domine notre création. La multitude d’oiseaux qu’on aperçoit sur le bâtiment représente à la fois l’élévation, le foisonnement, et d’une certaine façon Paris. Pourtant, il y a autre chose : le caractère incroyablement riche de ce qui se passe en coulisse, de tous les talents qui s’exercent dans les couloirs et derrière les portes de cette immense maison. Je souhaitais que cela s’entende.
Quels sont les éléments qui constituent la nouvelle identité sonore de la Philharmonie ?
En premier lieu et assez rapidement, la volonté de mettre en scène un foisonnement sonore s’est imposée. C’est un foisonnement atypique, mélange d’enregistrements de sons naturels et d’instruments, un foisonnement de textures musicales qui se chevauchent.
Ensuite, bien sûr, il y ces sonorités d’envol d’oiseaux. C’est un élément qui a été bien plus complexe à mettre au point qu’on ne l’aurait imaginé. Il y a eu une sorte de magie quand le son juste s’est révélé. Cette sorte de fondu enchaîné entre les applaudissements et le bruit de l’envol des oiseaux est pour moi un bonheur à entendre. Il raconte tellement de choses en quelques secondes.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Il fallait trouver une radicalité riche en imaginaire et performante en matière sonore, en matière acoustique. Nous voulions développer une syntaxe musicale qui fasse le lien entre l’éclectisme et l’envol, qui sont finalement les deux bouts de l’histoire. Il a fallu un peu de temps pour trouver le bon équilibre dans la mise en forme de ce matériau sonore.
La principale difficulté reste malgré tout l’adaptation des sons aux différentes situations. Le lieu lui-même par exemple rend la diffusion d’un son électroacoustique très délicate à travers un système de sonorisation standard. Il faut donc choisir, filtrer, corriger minutieusement chaque source pour obtenir un résultat élégant et fidèle au rendu souhaité.
Cela a-t-il été très différent du travail pour d’autres marques ?
Pour la Philharmonie, il y avait quelque chose de très spécifique qui, sans doute, a créé une difficulté inhabituelle. D’habitude, nous veillons à davantage guider la compréhension, nous tenons la main – et l’oreille – de celui qui écoute. Ici, nous voulions laisser plus de liberté, pour que l’oreille et l’esprit s’accrochent à ce qu’ils veulent – et peut-être à quelque chose de différent à chaque écoute. Nous ne voulions pas brider l’imaginaire, nous voulions lui donner matière à jouer et à se faire plaisir.
Il y a aussi une spécificité à créer l’identité sonore d’une institution qui est un lieu de vie autant qu’une œuvre d’art. Certains entendront cette identité sonore, d’autres l’écouteront, mais nous voulions que, pour tous, ce geste sonore enrichisse l’expérience de vie au cœur de la Philharmonie. Si chacun y trouve un petit complément à la magie du lieu, si nous pouvons amplifier le souvenir pour qu’il n’en soit qu’un peu plus beau, nous en serions très heureux.
La Philharmonie de Paris remercie les membres de l’équipe de Sixième Son qui ont travaillé sur ce projet, notamment Marion Combes, Julien Goris et Pauline de Bastard.