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Max Richter, plein écran

Publié le 13 mars 2018 — par Jérôme Provençal

— Max Richter - © C.d'Hérouville - Philharmonie de Paris

En écho à la sortie en salles d’Hostiles, western crépusculaire de Scott Cooper dont il signe la bande originale, coup de projecteur sur l’abondante production musicale de Max Richter pour le cinéma.

Dans la nuit du 18 au 19 novembre 2017, la Philharmonie de Paris a été bercée pendant huit heures par Sleep, pièce-fleuve de Max Richter que l’auditeur/spectateur est invité à traverser sur un lit, en dormant ou pas, afin d’expérimenter divers états de conscience musicale. Si le sommeil se situe au cœur de cette performance hors norme, il semble en revanche occuper une place très marginale dans la vie et la carrière du compositeur. À considérer l’ampleur de sa production, l’on se demande en effet quand Richter trouve le temps de dormir (et si même il le cherche).

 

 

Au sein de son imposant corpus se distingue en particulier un nombre très important de musiques de film. Ayant commencé à travailler pour le cinéma après avoir publié son premier album solo (Memoryhouse, 2002), Max Richter apparaît comme un véritable stakhanoviste en la matière, comptant aujourd’hui une cinquantaine de bandes originales à son actif. Certaines années, 2010 et 2013 par exemple, il est crédité comme compositeur sur près de dix longs métrages !

L’attrait qu’exerce le cinéma sur Richter – et réciproquement – se comprend aisément tant sa musique, lancinante et suggestive, possède en elle-même une forte aura cinématographique. Oscillant entre flottements atmosphériques et envolées symphoniques, orchestrations classiques et expérimentations électroniques, devant autant à Bach ou Purcell qu’à Brian Eno ou Jon Hassell, elle semble en effet taillée sur mesure pour le grand écran – et s’adapte aussi très bien au petit écran, Richter opérant par ailleurs fréquemment sur des séries télévisées.

 

 

Si sa première bande originale date de 2003, il a vraiment percé l’écran et attrapé l’oreille du public en 2008 grâce à Valse avec Bachir, le superbe film d’animation d’Ari Folman qui évoque sur un mode introspectif et sensoriel le massacre de Sabra et Chatila. Couvrant un large spectre sonore, de crépitants morceaux électroniques en envoûtants thèmes (néo)classiques, la musique composée par Max Richter – qui réutilise certaines de ses compositions antérieures (par exemple « Shadow Journal ») et distille diverses variations de la Sonate pour piano D 850 de Schubert – confère au film un relief empreint la plupart du temps d’une sourde mélancolie. Accompagnant la récurrente scène onirique où l’on voit de jeunes soldats nus sortant de la mer dans la nuit, « The Haunted Ocean » est le thème musical central, proposé dans cinq variations.

 

— Max Richter - The Haunted Ocean 1

 

Après ce double coup de maître, Ari Folman et Max Richter vont se retrouver en 2013 pour Le Congrès, film de science-fiction (basé sur un livre de Stanislas Lem) mêlant séquences animées et images réelles. Valse avec Bachir et Le Congrès occupent une place de choix dans Out of The Dark Room, florilège des BO de Max Richter – sorti chez Milan en mai 2017 – qui offre un excellent aperçu de son travail pour le cinéma.

Dans une interview au magazine The Atlantic, le compositeur détaille son processus créatif, expliquant notamment ceci : « Quand je travaille avec des images et un récit, tout se joue au niveau du sentiment et de l’évolution émotionnelle des personnages. C’est vraiment là que la musique prend vie, je pense. C’est sur ça que je me focalise, c’est à ça que je réagis le plus fortement. »

 

 

Constamment sollicité depuis 2008, il a œuvré pour de nombreux réalisateurs, en s’insinuant dans des univers esthétiques très variés. En sus des soundtracks qui lui ont été confiés, certains morceaux issus de ses albums solo ont connu une nouvelle vie à l’écran. Extrait de son deuxième album, The Blue Notebooks (2004), « On the Nature of Daylight » s’avère emblématique à cet égard. D’une mélancolie ample et frémissante, le morceau a resurgi plusieurs fois à la télé ou au cinéma, par exemple dans Premier contact de Denis Villeneuve et dans Shutter Island de Martin Scorsese. Ce dernier l’utilise même deux fois : une fois dans sa version originale et une fois en le mixant avec la piste vocale d’une chanson de Dinah Washington (« This Little Earth »).

En France, Max Richter a notamment collaboré avec Gilles Paquet-Brenner (Elle s’appelait Sarah), Guillaume Nicloux (La Religieuse), Anne Fontaine (Les Innocentes), André Téchiné (Impardonnables), Cédric Jimenez (La French) ou encore Frédéric Schoendoerffer (96 heures). Les deux derniers films sont des thrillers, l’un de ses genres de prédilection avec la science-fiction et le drame historique, la dimension de quête (ou d’enquête) métaphysique revêtant de manière générale une importance particulière à ses yeux.

Jérôme Provençal

Jérôme Provençal écrit sur (presque) tout ce qui est essentiel à la vie : la musique, la danse, le cinéma, le théâtre, les arts plastiques, la littérature. Il est le collaborateur régulier des Inrockuptibles, de Politis, de New Noise et d’Art Press.