Lors des deux week-ends consacrés à la Chine, les grands interprètes sont de la fête, à l’instar des pianistes Yuja Wang et Lang Lang. Le compositeur Tan Dun viendra diriger lui-même ses œuvres.
Au début des années 2000, l’éclosion de plusieurs personnalités musicales majeures, tant dans le domaine de la composition que dans celui de l’interprétation, a contribué à propulser la Chine au rang de puissance de première importance dans le domaine de la musique classique. À cet égard, la victoire en 2000 au concours Chopin de Yundi Li a constitué un événement symbolique. Jamais auparavant, un pianiste chinois n’avait remporté une compétition musicale d’une telle renommée.
Dans la foulée, Lang Lang a véritablement explosé au plan international, devenant rapidement le pianiste le plus célèbre du monde. Doué d’un sens de la communication remarquable, qui fait venir à lui les publics les plus divers, il a la capacité de rendre la musique classique familière au plus grand nombre. S’il n’en demeure pas moins un grand pianiste, doté d’une technique transcendante et d’une large palette de couleurs, s’il poursuit sa carrière dans des formats traditionnels, il n’aime rien tant que bousculer les habitudes en proposant d’intéressantes initiatives pédagogiques. Ainsi conduira-t-il cette saison un orchestre d’une centaine de pianistes, accompagnant pour l’occasion de jeunes prodiges français et chinois. Très attaché à l’éducation artistique — par le biais de sa fondation —, il se montre soucieux de la transmission, afin de permettre à tous l’accès à la musique classique.
Comme Lang Lang, Yuja Wang a fait une partie de ses études avec Gary Graffman au Curtis Institute de Philadelphie et s’est imposée au fil des années comme une pianiste d’exception. Ses moyens illimités, sa vélocité proverbiale et son abattage sur scène ne doivent pas masquer ses dons de musicienne. Sa capacité à maîtriser en un temps record les œuvres les plus ardues lui permet ainsi de posséder déjà un très vaste répertoire, de surcroît d’une grande diversité. Lors du second week-end consacré à la Chine, elle jouera l’épique Premier Concerto pour piano de Brahms, avec Paavo Järvi et l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam.
Tan Dun, le plus en vue des compositeurs chinois — Lang Lang figure au nombre de ses interprètes — a connu la consécration en 2001, en recevant l’Oscar de la meilleure musique de film pour Tigre et dragon. Étonnant parcours de celui qui, d’abord influencé dans sa jeunesse par l’avant-garde incarnée par Boulez et Stockhausen, s’est rapidement tourné vers le minimalisme avant de trouver sa voie propre. Les œuvres interprétées sous sa direction par l’Orchestre national des Pays de la Loire sont révélatrices de son goût pour l’expérimentation, de son rapport au passé et de sa capacité à mêler différentes formes. The Tears of Nature, un concerto pour percussions, se veut le portrait d’une nature parfois dangereuse. Revenant sur trois cataclysmes des dernières années — tsunami, tremblement de terre et ouragan —, Tan Dun utilise différentes techniques (effleurement des doigts, frottement, grattage…) au seul service de l’expression. Pour le compositeur, « tout au long de la musique, les larmes de la nature nous disent que la menace pour notre survie vient de nous-mêmes. »
Avec Nu Shu : The Secret Songs of Women, un hommage aux femmes qui, dans la Chine féodale, ont inventé un langage — non pas parlé mais chanté — exclusivement à leur intention, le compositeur a élaboré « une sorte de symphonie visuelle en dialogue avec le son, les voix et un orchestre agissant en contrepoint de la calligraphie ».
Lui aussi à mi-chemin entre deux mondes, le Simply Quartet mêle dans son programme, aux côtés de monuments de Mozart et Chostakovitch, deux œuvres de Zhang Zhao et d’Allain Gaussin s’inspirant de la tradition musicale chinoise. Depuis Debussy et Ravel, les compositeurs occidentaux n’ont jamais cessé d’être fascinés par l’Orient. Une influence féconde dont on n’a pas fini de contempler les fruits.