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Anches simples, anches doubles

Publié le 19 juillet 2019 — par Aude Giger

© DR

Au cœur du pupitre des vents, un point commun fédère hautboïstes, clarinettistes, bassonistes et saxophonistes : l’anche. Une fois humidifiée, celle-ci est à l’origine de la vibration transmise à l’instrument pour créer la note. 

— Fabriquer une anche de clarinette

Fabrication des anches de clarinette

Cette pièce de roseau séché est prélevée sur des canons vernis puis « grattée », c’est-à-dire affinée à l’aide d’une lame ou d’un couteau. L’anche des clarinettistes et saxophonistes, dite « simple », se fixe contre le bec de l’instrumentiste. Ce dernier l’achète déjà grattée mais possède une très grande variété de choix s’agissant de sa fabrication, sa dureté, sa forme de grattage… Autant de paramètres qui modifient les sensations en jouant, mais aussi le timbre, la richesse harmonique du son, la souplesse dans les notes aiguës ou graves de l’instrument.

— Montage d'une anche de hautbois

Plus complexes, les anches de hautbois et de basson sont constituées de deux lamelles qui vibrent l’une contre l’autre – on parle d’anches « doubles ». Les hautboïstes, en particulier, apprennent tôt à les fabriquer : leur réalisation constitue une activité à part entière et une préoccupation de chaque instant. Une première étape de montage est nécessaire pour fixer le roseau déjà gougé sur un tube en laiton recouvert de liège – alors que pour le basson, les deux lamelles, issues d’une pièce unique plus large et pré-grattée, sont montées ensemble pour se placer directement sur le bocal de l’instrument. Il s’agit d’une opération de précision dont la réussite sera notamment garante de la justesse de la note produite par le hautbois : 74 millimètres de longueur sont à respecter scrupuleusement !

S’ensuit l’étape du grattage. En enlevant des petits copeaux de bois sur l’extrémité de la pièce, le hautboïste modèle la structure du son qu’il produira ; chaque zone grattée conditionne une composante de ce dernier – la pointe pour l’attaque et les aigus, le « talon  » pour les graves, le centre pour le cœur du son… Tout cela sur une surface de moins d’un centimètre carré. La matière du roseau évoluant avec le temps et les conditions extérieures, les anches doubles comme simples réclament souvent des retouches et une attention constante.

Un équilibre doit être trouvé dans l’élaboration de cet élément clé de l’instrument ; à chaque musicien correspond un grattage qui répond à ses goûts, à son jeu et à son embouchure. Entrent également dans l’équation l’hygrométrie, la température (gare aux coups de froid !), mais aussi le répertoire abordé : une anche permettant un son rond et stable destiné à une œuvre dotée de longues phrases chantées ne sera pas nécessairement adaptée à une pièce exigeant un détaché très précis. À l’instar des bons vins, l’anche suit une courbe de bonification en se « faisant » avec le temps, puis en perdant en qualité de vibration, en harmoniques et en justesse. Une durée de vie limitée qui fait de ce travail un perpétuel recommencement. Un travail dont la mesure est prise très rapidement par les débutants, hantés par la crainte de casser ce précieux outil qu’ils ne maîtrisent pas parfaitement et dont la recette, transmise de professeur à élève, leur est encore inconnue.

Si l’instrumentiste est toujours à la recherche de la « bonne anche », il doit pour autant être capable de s’adapter en ne cherchant pas à lui faire compenser ses éventuels défauts. Le mauvais musicien accuse l’anche, diront les esprits malveillants ; il n’en demeure pas moins que sans anche, pas de concert !