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Le merveilleux voyage d’Ibn Battuta

Publié le 08 février 2016 — par Pascal Huynh

— Jordi Savall : Le Voyage d'Ibn Battuta

Ibn Battuta, c'est le grand voyageur de l'islam.  Il est né autour de 1300 et quelques. 1303, je crois, à Tanger.  Et il a été nommé par le roi pour faire un voyage et aller s’informer sur la vie dans les pays, dans les cours...  Une sorte de voyage d’espionnage pour voir comment, dans les différents pays, les souverains, les villes, comment les gens vivaient.  Un rapport mondial pour l'époque, donc.  Il est parti en voyage pendant 20 ans et quelques.  Et il est allé bien sûr à Fès, ensuite en Méditerranée.  Il a visité l'Andalousie.  C'était la grande époque de l'Andalousie. Il a visité Grenade.  Il y a de très belles descriptions de différents lieux méditerranéens.  Après, il est passé par ce qui était alors l'Anatolie.  Après, il est allé à Jérusalem, il est descendu jusqu'à Madagascar, il est remonté en passant par l'ancienne Perse.  C'est la première partie du voyage que nous faisons dans le concert.  Pour tous les voyages, il faudrait un concert de 4 ou 5 heures.  Nous, on s'arrête à Kaboul, en Afghanistan.  C'était une sorte de reporter avant la lettre, mais aussi une sorte d’ambassadeur qui devait observer et décrire en détail comment étaient les choses et le monde.  Et en fait, il est rentré pour tout montrer.  C'est pour ça que son livre est très détaillé. Ce sont ses...  Ses descriptions de lieux sont beaucoup plus riches que celles de Marco Polo, par exemple. Et beaucoup plus sensibles.  Et donc, c'est intéressant quand même parce que c'est un grand observateur il nous parle de beauté, des coutumes, de ce que les gens font. Et ses textes sont...  C'est une source d'apprentissage sur la vie de l'époque.  La majeure partie de la musique d'Orient est une musique de transmission orale.  Donc dans notre projet, nous utilisons des instruments qui appartiennent au monde occidental, comme l'organetto, les violes médiévales, le rebec, le rebab.  Nous utilisons surtout des instruments comme le ney, l'oud, le saltério, le santour pour Madagascar et pour l'Afrique.  Chaque moment historique, je l'illustre avec des musiques.  Concert de musique occidentale, par exemple.  Donc j'ai des sources très, très claires de 1300 et quelques...  Il y a des musiques de Byzance, par exemple.  On fait des musiques de Catalogne, car c'était une puissance importante à cette époque dans la Méditerranée.  Et aussi des musiques italiennes.  Mais sinon, on fait des musiques de tradition ottomane, de tradition syrienne, de tradition afghane, de Madagascar et de cette zone orientale.  Aussi, comme il passe par l'ancienne Arménie, on utilise aussi le duduk, le kamânche...  Il y a une grande richesse d'instruments et de percussions.  Ce ne sont pas des projets, disons histographiques ou musicologiques.  C'est un projet de reconstruction d’une atmosphère d'une époque, et aussi de créativité :  on mélange ces différentes cultures pour obtenir comme ça une vraie évocation de ce que pouvaient être ses voyages.  C'est une figure qui nous rappelle qu'au 14e siècle, vous pouviez voyager partout dans le monde.  Sans passer de frontières, sans avoir des limites.  Les gens étaient libres de passer d'un pays à l'autre sans problème.  Il y avait une liberté qu'aujourd'hui, on ne peut pas imaginer. 

Jordi Savall recrée les musiques du formidable itinéraire de l'écrivain arabe Ibn Battuta en 1325, avec une attention spéciale pour les répertoires arabes et occidentaux que le voyageur entendit dans les cours et les palais.

Ibn Battuta (littéralement « le fils du petit canard ») réalisa un voyage prodigieux de plus de 120 000 kilomètres et traversa la moitié du monde connu : parti du nord de l’Afrique, il visita l’Égypte, puis alla en direction de l’Arabie pour un pèlerinage dans les villes saintes de Médine et de la Mecque. De là, il se rendit en Palestine, en Syrie, en Irak et en Perse. Il traversa la mer Rouge pour visiter le Yémen, passa ensuite par le Soudan puis navigua sur l’océan Indien afin de connaître les colonies commerciales des Arabes sur la côte orientale africaine, ainsi qu’Oman et le golfe Persique. Il visita l’Anatolie, la grande ville de Constantinople – encore chrétienne – et par la suite, il s’aventura dans les froides steppes ukrainiennes pour finalement descendre au centre de l’Asie jusqu’en Afghanistan et au Pays de Sindh (le Pakistan actuel). Il s’établit en Inde durant sept ans puis visita les Maldives et Ceylan. De là, il se rendit au Bengale et en Indonésie pour finalement atteindre la Chine lointaine et mystérieuse. De retour au Maroc, il visita l’île de Sardaigne et ce qui restait d’Al-Andalus, pour ensuite traverser le désert du Sahara, arriver à Tombouctou et atteindre le coeur du légendaire Pays des Noirs (Bilad as-Sudan). Il visita l’ancien empire du Mali avant de revenir dans son pays natal en 1354 où il mourut quelques années plus tard, entre 1368 et 1377.

Alors qu’Ibn Battuta était revenu de ses voyages et s’était installé à Fès, le sultan Abu Inan du Maroc (de la dynastie des Mérinides – 1348-1358) lui demanda de mettre par écrit ses aventures et ses pérégrinations de par le monde, de décrire ses itinéraires parmi les diverses destinations et les divers peuples. Il mit à sa disposition un secrétaire, habitant de Grenade, Ibn Juzay al-Kalbi, qui recueillit ce que le maître lui dictait et qui organisa ce matériel pour en faire une chronique. La dictée terminée, le texte définitif fut publié un an plus tard, en 1355, sous le titre merveilleux de Précieux témoignage sur des pays exotiques et d’insolites voyages.

Manuel Forcano