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Rois et reines dans l’opéra français et italien

Publié le 18 novembre 2020 — par Angèle Leroy

© Jiyang Chen

Né sous l’égide des puissants, l’opéra se plaît à conter des histoires de pouvoir. C’est notamment le cas chez Rossini, Donizetti, Gounod et Massenet.

 

Genre noble par excellence, l’opéra mettra longtemps avant d’oser prendre pour héros des personnages considérés comme petits, mesquins ou sans envergure. Il semblerait que rois et reines, princes et princesses, lords et ladies soient défaits comme tout un chacun par le pouvoir de l’amour, ou souffrent des tortures de la jalousie… mais qu’ils l’expriment avec plus d’élégance et d’émotion ! Ainsi Sémiramide chantant son espérance d’Arsace, dont elle est amoureuse (elle mourra cependant de sa main), ou le roi Salomon attendant en vain Balkis, la reine de Saba, dans l’opéra éponyme de Gounod.

— Semiramide : « Bel raggio lusinghier », par Diana Damrau

 

— La Reine de Saba : « Sous les pieds d’une femme », par Patrick Bolleire

 

Les vicissitudes liées au pouvoir, que ce soit à son exercice, à son désir ou à sa perte, ajoutent au vécu de ces sentiments très humains une difficulté plus grande encore pour les héros et héroïnes qui en sont affligés, quand ce n’est pas leur position sociale même qui crée le problème. Sentiments universels, situations insolubles, conflits irréconciliables entre amour et raison politique, grandeur des décors dans lesquels évoluent les personnages, voilà un terreau propice pour l’opéra !

Attention cependant, pour les compositeurs, à ne froisser personne : mettre en scène des rois et des reines pris dans des intrigues de pouvoir peut facilement inciter le public à percevoir dans l’œuvre d’art des liens avec la réalité – la représentation à Bruxelles de La Muette de Portici participa ainsi au déclenchement de la révolution belge… À la même époque troublée, le Maria Stuarda de Donizetti déplut beaucoup à la censure napolitaine (en cause, le fait que Marie Stuart traite Élisabeth Ière de « bâtarde », et finisse sur l’échafaud), qui le fit interdire ; Donizetti se retrouva contraint d’adapter l’œuvre à un autre livret.

— Maria Stuarda : « Deh! Tu di un umile », par Diana Damrau

 

On aurait pourtant pu penser que les 250 ans qui s’étaient écoulés entre les événements narrés par Donizetti et Bardari d’après Schiller et la création de l’opéra auraient suffi à calmer les esprits ! Est-ce aussi pour cela que les compositeurs du XIXe siècle, à l’heure de mettre en scène les tourments des personnages royaux, se plaisent dans un passé fort lointain ? Le Macbeth de Verdi, inspiré de la tragédie de Shakespeare autour du couple régicide et bientôt fou de remords formé par Lord et Lady Macbeth, s’établit au début du XIe siècle en Écosse, tandis que l’Hérodiade de Massenet prend place à Jérusalem au Ier siècle après Jésus-Christ et que la Norma de Bellini illustre à peu près la même époque, mais dans la Gaule romaine. Quant à Gounod, il s’installe entre histoire et légende pour conter le destin de la reine de Saba, mentionnée dans des récits bibliques, coraniques et hébraïques sans que l’on soit sûrs, toujours aujourd’hui, qu’elle ait bien existé.

— Jules Massenet : Prélude d’Hérodiade