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Star Wars : les sources musicales de John Williams

Publié le 20 décembre 2018 — par Chloé Huvet

© Presentation licensed by Disney Concerts in association with 20th Century Fox, Lucasfilm Ltd., and Warner/Chappell Music. ©2018 & TM LUCASFILM LTD. ALL RIGHTS RESERVED

Se démarquant des films de science-fiction, John Williams emploie un orchestre symphonique et un langage postromantique afin de créer un univers sonore familier pour les spectateurs.

Si la musique de John Williams est aujourd’hui mondialement connue, la présence du compositeur sur le film relève d’une succession de circonstances inattendues. Lucas prévoyait initialement d’employer uniquement des musiques savantes préexistantes pour accompagner son film, à la manière de Stanley Kubrick. Son ami Steven Spielberg le persuade de rencontrer Williams, avec qui il avait déjà collaboré sur Sugarland Express (1974) et Les Dents de la mer (1975). À son tour, le compositeur lui fait valoir les possibilités narratives, structurelles, dramatiques et émotionnelles offertes par une musique originale. Il n’a que six semaines pour composer 1h30 de musique et le budget est très serré ; seules ses relations privilégiées avec le chef d’orchestre André Previn ont permis l’enregistrement avec le London Symphony Orchestra.

Les pistes musicales temporaires employées sur le premier montage image apportent un éclairage intéressant sur les choix compositionnels finaux : des extraits de partitions de W. Walton, d’A. Dvorák, des Planètes de G. Holst et des Préludes de F. Liszt côtoient le Boléro de Ravel, Ben-Hur (M. Rózsa, 1959), Cléopâtre (A. North, 1963) et Psychose (B. Herrmann, 1960). Williams dispose ainsi d’indications quant aux attentes musicales du réalisateur.

La partition se distingue de l’esthétique musicale dominant alors les films de science-fiction, peuplés de sonorités étranges et électroniques aux connotations « futuristes ». Williams souscrit parfaitement à la volonté de Lucas d’employer un orchestre symphonique et un langage romantique et postromantique afin de créer un univers sonore familier pour les spectateurs – le film montrant, selon ses mots, « des personnages que nous n’avions jamais vus auparavant et des planètes jamais imaginées ».

Pour Un nouvel espoir, Williams compose un réseau thématique très dense, constitué à la fois de thèmes récurrents variant peu au cours du film, et de leitmotive, ces brefs motifs associés à une idée extra-musicale plus ou moins précise (personnage, objet, lieu, sentiment...), se déployant et se transformant au sein d’une large structure musicale. Tout en restant reconnaissables, les leitmotive évoluent considérablement au fil de leurs retours en fonction des circonstances du récit et des nouveaux contextes émotionnels et dramatiques, qu’ils reflètent et contribuent à générer à la fois. Ainsi, l’approche thématique de Williams ne s’arrête pas à la simple identification ou caractérisation de personnage ; loin de l’étiquette de « cartes de visite musicales » qui leur est parfois accolée, les thèmes de Star Wars circulent d’un référent à l’autre ; leur ancrage n’est pas tout à fait définitif. Williams fait par exemple le choix d’énoncer le thème lyrique de la princesse Leia de façon emphatique lorsqu’Obi-Wan se fait tuer par Dark Vador, exploitant son potentiel expressif : « Ce motif présentait la mélodie la plus communicative de tous les thèmes de la partition. Cette musique au romantisme exacerbé représente, dans ce contexte tragique, la réaction de Luke et de la princesse à l’idée de devoir partir sans Ben. »

— John Williams - Princess Leia's Theme

 

Autre motif majeur, le thème principal de Star Wars, qui est aussi le thème de Luke, est énoncé dès le générique de début. Il renvoie à une idée archétypale d’héroïsme par le timbre brillant des trompettes, son caractère impétueux, son profil ascendant, ses harmonies simples et le rythme de marche de son accompagnement. Dans les scènes d’action, la présentation triomphale du thème aux cuivres accentue l’ardeur des combats menés par la rébellion sans que Luke ne soit nécessairement présent à l’image.

— Binary sunset... from A New Hope, Star Wars: The Digital Movie Collection

 

Au début du film, quand Luke contemple l’horizon baigné par les soleils couchants, le thème de la Force calme et majestueux renforce le hiératisme de la scène, semblant symboliser l’appel du lointain, de l’aventure, et l’aspiration du jeune homme à une autre vie. À plusieurs reprises, ce thème devient l’emblème musical d’Obi-Wan, des chevaliers Jedi, de l’ancienne République et des rebelles qui se battent pour cet idéal. À la fin du film, sous la forme d’une marche triomphale pendant la remise des médailles, il célèbre la victoire remportée sur l’Empire.

Enfin, rejoignant en cela les pratiques des symphonistes de l’âge d’or hollywoodien, Williams guide la perception spectatorielle par un tissu musical narratif serré, en particulier dans les scènes d’action alternant les thèmes majeurs du film en lien avec l’action et les personnages présents. Pour Williams, la bataille spatiale de Yavin qui clôt l’épisode est ainsi « une sorte de pot-pourri de tout le matériau musical de l’épisode. Les thèmes vont et viennent, se pliant aux changements rapides de l’intrigue ».

— Death Star Assault - A New Hope

 

À sa sortie, Star Wars, conçu originellement par son réalisateur et son compositeur comme « un film du samedi soir, un film pop-corn, un spectacle à la Buck Rogers », remporte un succès aussi colossal qu’inattendu, qui laisse alors entrevoir à Lucas la possibilité de donner une suite aux aventures intergalactiques de Luke, Han et Leia.

 

Chloé Huvet