Quel est le secret de la nature? Peut-être n’est-il connu que du vent et des oiseaux…
Quand le Carnegie Hall et l’Orchestre des Jeunes des États-Unis m’ont demandé d’écrire une nouvelle pièce, j’ai immédiatement souhaité exprimer et partager mon admiration face aux miracles de la nature et mon espérance en l’avenir.
Aussi loin que l’on remonte aux origines de la musique, on y trouve la recherche d’une communication avec la nature, les oiseaux et le vent. Le répertoire chinois ancien regorge de compositions imitant les sonorités de la nature, avec une prédilection pour les oiseaux. Partant de là, j’ai choisi six instruments chinois anciens – le guzheng, le suona, l’erhu, le pipa, le dizi et le sheng – pour enregistrer des chants d’oiseaux de ma composition. J’ai ensuite trouvé un format d’enregistrement compatible avec les téléphones portables et transformé ces dispositifs en instruments de musique, créant ainsi une véritable forêt poétique d’oiseaux numériques. L’orchestre symphonique s’est souvent développé par ajout de nouveaux instruments : le téléphone, porteur de mes chants d’oiseaux numériques, m’a donc semblé un nouvel instrument providentiel pour refléter notre mode de vie et de pensée actuel.
J’ai toujours été passionné par le décodage des messages de la nature, avec son infinité de motifs, de sons et de couleurs. Comme l’a formulé Léonard de Vinci : «Pour aboutir à la connaissance du mouvement des oiseaux dans les airs, il faut d’abord acquérir la connaissance des vents, laquelle sera rendue évidente par l’observation du mouvement de l’eau». J’ai immédiatement fait mienne cette idée des vagues et de l’eau devenant miroir du mouvement du vent et des oiseaux. En fait, la manière dont les oiseaux volent, dont le vent souffle, dont les vaguent se rident… tout dans la nature me fournissait déjà des réponses. Par la mélodie, le rythme et la couleur, j’ai ensuite structuré cette matière sonore en une passacaille.
Pour moi, une passacaille est un ensemble de variations complexes et de répétitions cachées. Ici, je joue avec la structure, la couleur, l’harmonie, la mélodie et la texture dans une orchestration découpée en motifs de huit mesures. La pièce débute avec la sonorité des instruments chinois anciens retransmise sur les téléphones, laquelle crée un chœur d’oiseaux numériques et propulse la tradition vers le futur. Le motif de huit mesures se répète neuf fois et évolue vers un sommet, avant de s’interrompre brutalement pour laisser la place au chant des membres de l’orchestre. Évocateur des mythes anciens et de la beauté de la nature, ce chant se développe en intégrant claquements de doigts, sifflements et martellements de pieds, le tout porté par une puissante énergie hip-hop dans l’orchestre. Les vents, les cuivres et les percussions se retrouvent pour lancer un dernier cri, tel un seul oiseau gigantesque. Pour moi, ce cri ultime est celui du phénix, promesse d’un monde à venir.