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Le Studio Pierre Henry au Musée de la musique

Publié le 18 novembre 2019 — par Thierry Maniguet

© Gil Lefauconnier

Un nouvel espace de découverte au Musée de la musique

— Le Studio Pierre Henry au Musée de la musique

À quelques jours de l’inauguration du Studio Pierre Henry au Musée de la musique, je ressens une immense émotion.  C'est une reconstitution extrêmement fidèle, extrêmement belle et les prolongements sont extrêmement ludiques, judicieux pour comprendre le travail de Pierre. Un prolongement, finalement, de son œuvre vers les musiques actuelles très pertinent.  C'est vraiment une très, très grande réussite.  Il me semble que de faire entrer Pierre Henry dans le Musée est un symbole extrêmement fort à la Philharmonie de Paris.  C'est, en effet, un compositeur phare de notre histoire qui a été honoré de nombreuses fois.  Et même du vivant de Pierre...  J'avais eu la chance de le connaître et d’assister à ses concerts mémorables dans la maison du 12e arrondissement.  Déjà à cette époque, je m'interrogeais sur comment rendre hommage à ce travail particulier, ce travail de pionnier et de passeur, aussi, vers les nouvelles générations.  Et je suis extrêmement heureux qu'on ait réussi, ensemble, à faire ce Studio Pierre Henry.  Nous pensons, nous, ses proches, qu’il aurait préféré, finalement, ce qui est réalisé ici plutôt que de conserver sa maison.  Il adorait, de toute façon, donner des concerts à la Philharmonie et puis, il serait très fier, je pense, d’être intégré de façon active et avec son studio qui continue à fonctionner, ce qui est formidable.  Ce que j'ai essayé de faire, c’est essayer de recréer l'âme de la maison.  L'idée, c'est de faire passer vraiment plus que les appareils eux-mêmes.  Et aussi, grâce à des dispositifs interactifs, nous avons essayé de montrer le compositeur au travail.  Qu'est-ce qu'un compositeur de musique électroacoustique, qu’un compositeur de musique concrète ?  Et au travers de trois œuvres phares de Pierre Henry, qui sont en effet « Une Porte et un soupir », la fameuse « Messe pour le temps présent » au travers du tableau de « Psyché Rock » et enfin, cette œuvre toujours sur le tapis autour de Beethoven, la dernière version étant "Beethoven Remix".  C'est vraiment ici, au Musée de la musique, la reconstitution très, très fidèle de son studio de la rue de Toul.  Y compris les visuels et donc, cette peinture concrète qui est une des 350 qu’il a commises depuis 1990.  L'élément extrêmement fort dans la maison de Pierre Henry que nous avons essayé de reproduire, c’est l'univers graphique des bandes.  Pierre Henry, c’est une banque de sons absolument immense.  Et tout c’était soigneusement compilé sur des bandes analogiques, des bandes magnétiques.  Et le tout faisait aussi un univers graphique, donnait une dimension à la maison absolument formidable.  Et c'est ce qu'on a essayé ici de reproduire.  Parce que ces boîtes de bande avec l'écriture de Pierre Henry, la description des sons, tout ça fait intimement partie de la maison.  C'est étonnant et très émouvant de voir cette reconstitution.  Parce que j'ai l'impression que Pierre va arriver et qu'on va se mettre au travail.  Qu'il va me demander d'aller chercher des sons.  Et que je vais installer, soit sur les magnétophones analogiques, soit sur les DAT, et que vont commencer les séances d’écoute au cours desquelles Pierre va décider et choisir les sons qu'il a sélectionnés pour l'œuvre qu'il a en tête.  Parce qu'il avait la musique en tête, et il fallait arriver ou plutôt l'aider à trouver et à inventer ce qu'il voulait donner à entendre.  Donc, c'est un travail long, minutieux, précis, mais aussi très amusant. On riait beaucoup.  

Le « Studio Pierre Henry » du Musée de la musique reconstitue non seulement l’espace de création du compositeur, mais il invite aussi physiquement le visiteur à expérimenter, par la manipulation sonore, son empreinte sur les musiques actuelles, du rock psychédélique à l’électro. Présentées autour de ses propres appareils et instruments, trois oeuvres phares de Pierre Henry, les Variations pour une porte et un soupir (1963), la Messe pour le temps présent (1967) et La Dixième Symphonie de Beethoven (1979/1998), dévoilent la richesse d’invention de la musique concrète.


UNE PORTE ET UN SOUPIR
Incarnée par la reconstitution du studio Son/Ré, cette oeuvre phare de Pierre Henry voit le jour en juillet 1962, alors que Pierre Henry s’isole dans une ferme de l’Aude. Au dernier étage, il fait une trouvaille : la porte du grenier non seulement « grince », mais elle parle, hurle, chante ou lamente selon la manière dont il l’actionne. Après plusieurs mois passés à « jouer de la porte » – comme on travaille un instrument –, Pierre Henry compose ses 25 Variations pour une porte et un soupir. L’oeuvre est ici immortalisée par la chorégraphie
pleine de poésie de Maurice Béjart.

Deux dispositifs interactifs offrent la possibilité au visiteur d’appréhender plus avant l’art de la musique concrète : le premier permet d’écouter et d’agencer à sa guise, douze sons issus d’une pièce de Pierre Henry, Une Maison de sons (1989), et de comparer à tout moment sa version avec celle du compositeur. De John Cage à l’artiste de musique électronique Jacques, le second dispositif explore la postérité du concept de « concert de bruits » inventé par Pierre Schaeffer et Pierre Henry à la fin des années 1940.


PSYCHÉ ROCK
En 1967, Maurice Béjart dévoile au Festival d’Avignon sa Messe pour le temps présent, un ballet détonant sur une musique de Pierre Henry et Michel Colombier. Le succès inattendu de la Messe, et particulièrement du tableau Psyché Rock, entame la carrière discographique de Pierre Henry tout en contribuant à sa postérité. Repris dans de nombreux films et spots publicitaires, Psyché Rock est très tôt remixé, pour nourrir aujourd’hui encore l’imaginaire du rap et des musiques électroniques. À ce titre, cette oeuvre phare, aux accents de rock psychédélique, est mise en regard d’un ensemble d’instruments électroniques qui constituaient l’essence des home studios des années 1970-1980. Si Pierre Henry invente le concept de home studio dès la fin des années 1950, il faut attendre les années 1970 pour qu’un grand nombre de musiciens soient en mesure de constituer leur propre studio. Ce phénomène est particulièrement marquant chez les musiciens de rock progressif ou de rock électronique qui rassemblent au sein de leur home studio un équipement plus adapté à leur besoin que celui des studios professionnels généralistes.

Deux dispositifs interactifs explorent en profondeur l’influence de Pierre Henry sur les musiques actuelles, le premier offrant au visiteur de créer son propre mixage de Psyché Rock, le second présentant un choix ciblé de remix de cette célèbre pièce.


BEETHOVEN REMIX
En 1979, Pierre Henry compose une imaginaire Dixième Symphonie de Beethoven en montant des fragments choisis des neuf symphonies du maître de Vienne. En émule des grands compositeurs de l’histoire de la musique, Pierre Henry montre que ce patrimoine peut à son tour devenir un « corps sonore », ouvert à l’invention électro-acoustique. En 1998, Pierre Henry reprend sa Dixième Symphonie et ajoute des sons électroniques et des rythmes rivalisant avec les beats de la techno. La Xe Remix relaie ainsi les nouvelles sonorités émergeantes, opérant la rencontre du génie de Beethoven avec l’électro.


Trois dispositifs interactifs viennent à l’appui de cette thématique : le premier invite le visiteur à explorer, à partir d’un extrait de La Dixième Symphonie, les techniques utilisées par les compositeurs de musique électro-acoustique pour transformer la matière sonore (filtres, vitesse de défilement, mise en boucle…). Le second offre une sélection musicale qui montre comment, de Monteverdi à Debussy en passant par Beethoven, Pierre Henry a consacré plusieurs pièces aux grands maîtres du passé, faisant siennes les oeuvres de ces derniers en y incluant, par collage et mixage, ses propres sons concrets. Enfin, le dernier dispositif permet au visiteur d’inventer ses propres sons à l’aide d’un synthétiseur, dispositif incontournable des musiques électroniques.

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