«Philharmonie à la demande s’inscrit depuis longtemps dans nos missions de diffusion et de transmission, souligne Rodolphe Bailly, adjoint à la direction du pôle Ressources de la Philharmonie de Paris. Nous sommes un établissement national, qui se doit de diffuser au maximum ses contenus.»
C’est ainsi que la Philharmonie, pensée et bâtie comme l’un des hauts lieux de concerts parisiens, a élaboré son propre outil de dématérialisation de ses ressources et son réseau de diffusion: moyennant un abonnement annuel à partir de 250 euros, le programme Philharmonie à la demande ouvre, depuis 2007, aux bibliothèques, médiathèques et conservatoires un accès illimité à l’ensemble de ses archives. Ces structures culturelles les rendent à leur tour accessibles, gratuitement à leurs usagers ou membres, en consultation individuelle depuis des postes informatiques ou, depuis 2019, par l’intermédiaire de projections de concerts publiques.
Une offre de contenus éditoriaux et pédagogiques large et complémentaire
Le fonds, exhaustif et régulièrement renouvelé, séduit par sa qualité, son ampleur et sa pluralité de genres musicaux et de formats. Quatre-vingt-mille références –concerts, conférences, documentaires, guides d’écoute, fiches pédagogiques, expositions, sélections éditorialisées…– croisent musique classique, jazz, propositions jeune public et musiques du monde. Philharmonie à la demande dépasse ainsi largement l’offre proposée par les institutions, orchestres ou plateformes de streaming musical. Cet outil complète, par ses formats audio et vidéo ainsi que par sa disponibilité illimitée dans le temps, Philharmonie Live, le site de retransmission de concerts de la Philharmonie.
«Notre démarche serait plutôt parente de celle du Metropolitan Opera, Met Opera on Demand, qui propose des enregistrements de représentations lyriques aux publics des universités et lycées américains», précise Chloé Abdoun, cheffe de projet développement et médiation numérique du pôle Ressources. Philharmonie à la demande couvre aujourd’hui 80% du territoire français, avec un nombre d’abonnés en constante croissance. L’année 2022 en comptabilise cent-cinquante-cinq, dont il faut considérer la démultiplication: les bibliothèques départementales desservent chacune de nombreuses structures, et le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris touche une douzaine de bibliothèques de quartier. Des établissements de grandes villes, à ramifications, comme Lyon, Marseille, Rennes ou Lille ont également rallié le programme. Au total, quelque quatre-mille-deux-cents bibliothèques et conservatoires disposent aujourd’hui du service.
Les conditions et la convivialité d’un concert
Depuis 2019, Philharmonie à la demande a adopté le format d’une application dédiée aux projections de concerts: les archives, désormais visionnables en haute définition et hors connexion, peuvent ainsi faire l’objet de séances au sein des médiathèques ou dans les cinémas ruraux avec lesquels elles forment un unique pôle culturel. Trente-huit lieux se sont saisis de cette nouvelle opportunité.
Les communes éloignées d’équipements culturels ou victimes de la fracture numérique y sont très sensibles. Les territoires labellisés zones de revitalisation rurale (ZRR) ou de montagne (ZRM) ont particulièrement à cœur de pallier le manque d’offre culturelle et de développer des propositions alternatives. La médiathèque départementale du Cantal, par exemple, y a trouvé matière à faire évoluer son offre musicale et propose les projections à trente-cinq bibliothèques des cent-cinquante-cinq qu’elle dessert.
La médiathèque de Mâcon a quant à elle animé durant deux ans, à l’appui de Philharmonie à la demande, une véritable programmation de concerts mensuels, Les samedis de la Philharmonie. «Les projections, témoigne la bibliothécaire Laura Tempo, nous permettent de valoriser nos propres supports musicaux (CD, DVD, vinyles, partitions et livres), mais aussi notre offre digitale (Philharmonie à la demande, plateforme Bandcamp, listes de lecture YouTube). Elles nous inspirent également des collaborations avec d’autres structures.»
Pour des établissements comme celui de La Haye, dans la Manche, «Philharmonie à la demande permet de combler des besoins culturels que les collections de la médiathèque ne suffisent pas à satisfaire, explique Sarah Roy, directrice culturelle de la commune. Comme souhaité par nos élus, il y a un vrai enjeu d’apport de culture sur notre territoire mais aussi de décentralisation, en offrant à la population rurale des concerts programmés dans un établissement national, avec des artistes d’envergure internationale. Disposer sur notre commune d’une salle de cinéma de qualité est un véritable atout pour pouvoir organiser des projections de très bonne tenue». Ainsi, l’équipe associative du Rialto propose-t-elle, en lien avec la médiathèque, un événement par mois sur toute l’année. «Nous attirons environ soixante-dix personnes par séance, public de la médiathèque, cinéphiles amateurs de culture et public extérieur à notre commune sensible à la dimension événementielle», précise Gilles Barbier, l’un des programmateurs. À Mâcon, la médiathèque accueille désormais, au rythme d’une projection trimestrielle parmi d’autres événements, une trentaine d’habitués. «Ce sont des moments de partage et d’échange, se félicite Laura Tempo, qui nous permettent de créer du lien social.» Souvent, le public applaudit, comme lors d’un concert.
Une programmation éclectique
La possibilité de projeter des concerts a assurément ouvert de nouvelles perspectives. Si la plupart des établissements privilégient l’éclectisme et l’accessibilité à un large public –Manu Dibango, Jacques Higelin, Gilberto Gil ou Gautier Capuçon à La Haye, Le Carnaval des animaux ou Sorciers et Sorcières pour le jeune public, concerts jazz, soul et classique à Mâcon–, plusieurs d’entre eux envisagent aujourd’hui d’appuyer sur le programme de la Philharmonie une véritable politique de développement culturel et des actions en direction de publics ciblés. À La Haye, Sarah Roy songe à «expérimenter des projections adaptées aux scolaires, au jeune public ou organisées en lien avec le Centre communal d’action sociale (CCAS). D’un projet au départ tout public organisé dans le cadre de la programmation du Rialto, nous tendons vers un projet spécifique à la médiathèque».
La structure départementale cantalienne prévoit elle aussi d’élargir sa démarche à d’autres publics. «Nous pensons à un partenariat avec le festival de musiques actuelles Hibernarock, mais aussi à une action en faveur des écoles de musique, indique la bibliothécaire Chantal Astoul. Il est important, sur notre territoire, d’être force de proposition.» «Les bibliothèques sont de plus en plus sollicitées pour prendre en charge l’action culturelle, note Rodolphe Bailly. Elles aiment réunir leurs adhérents dans des événements collectifs et sont en demande d’outils de médiation.» Cette évolution ravit l’équipe de la Philharmonie, qui se positionne volontiers en accompagnatrice compétente et inspirante. «Nous sommes présents au quotidien, confie Chloé Abdoun, pour accompagner les établissements dans leur démarche, leur proposer des formations. À terme, nous souhaitons développer de nouveaux types d’outils de médiation ou d’autoformation afin qu’ils s’emparent eux-mêmes de nos ressources.»
Événements À venir:
> À la Bibliothèque de Sallanches: le 21 janvier 2023, à l'occasion du Nouvel an chinois, projection du Grand concert du Nouvel an chinois, enregistré à la Philharmonie de Paris le 11 février 2018.
> À la Médiathèque de Lorient: le 13 février 2023, projection du concert Mika philharmonique, enregistré à la Philharmonie de Paris le 23 octobre 2021.
Événements passés:
> À la Bibliothèque de Sceaux: le 20 janvier 2023, projection du concert Lee "Scratch" Perry and The Homegrownband, enregistré à la Philharmonie de Paris le 21 avril 2017.
> Médiathèque de La Haye/Cinéma municipal Le Rialto: projection le 11 décembre 2022 du concert Chostakovitch-Bruckner par Gautier Capuçon (violoncelle), l’Orchestre de Paris et Esa-Pekka Salonen.
> Médiathèque de Mâcon: projection le 17 décembre 2022 du concert Noël’s Songs de Florent Marchet.