Rythmée par le quotidien du spectacle vivant, dotée d’espaces éducatifs pluriels et d’un parc instrumental riche et varié, forte du patrimoine conservé en son Musée, la Philharmonie a, en dix ans d’existence et s’appuyant sur trois décennies d’action éducative déployée à la Cité de la musique, développé un projet éducatif ambitieux et reposant sur une pédagogie qui fait sa spécificité. Ni école ni conservatoire, l’institution propose un éveil et une pratique musicale en marge des apprentissages conventionnels, sans attendu de résultat de connaissance, une expérience collective qui incite à la découverte et favorise l’expression, la créativité, les interactions, l’intelligence émotionnelle et corporelle. Et ce, dès le premier âge. 

On le sait, en effet : la musique a des effets bénéfiques sur la construction neurologique, émotionnelle et relationnelle du tout jeune enfant. Dès 6 mois, le bébé mis au contact de la musique, stimulé dans sa curiosité, sa mémoire, son écoute et sa motricité, travaille déjà à construire son rapport à l’autre et son ancrage dans le monde qui l’entoure.

À la Philharmonie, séances d’éveil musical et ateliers-concerts 

Inspirée par de nombreuses pratiques de terrain et recherches scientifiques, l’équipe du département Éducation de la Philharmonie dédiée à l’éveil musical s’est d’emblée positionnée en accompagnateur du développement global de l’enfant dès ses premiers mois. « Notre pédagogie, précise la responsable Agathe Laforge Elieva, éveille tous les sens, incite à la recherche d’un geste affranchi de tout code culturel, invite à la répétition d’un son que l’on aime. Elle est aussi une formidable ouverture à la diversité musicale. » 

L’éveil musical des enfants de 3 mois à 3 ans, non scolarisés, est ainsi proposé comme une expérience exploratoire du son, émotionnelle, corporelle et créative. Les séances, déclinées à l’unité ou en cycle tout au long de la saison, invitent le bébé à partager ce temps musical en complicité avec l’un de ses parents et en interaction avec les autres binômes du groupe, guidé par un intervenant musical. Les ateliers-concerts sont eux pensés comme des programmes musicaux d’esthétiques différentes à vivre en famille, première expérience de spectacle vivant dont la dimension incitative et participative est ajustée sur mesure. Cette saison, quatre ateliers-concerts s’inscrivaient notamment dans le cadre du Petit Grand Festival, entièrement tourné vers le jeune public, au début du printemps. En parallèle, la programmation des concerts et spectacles s’étend aux tout-petits avec des propositions accessibles dès un an.

Au Musée, visites-ateliers et Amusette 

Le Musée de la musique s’est lui aussi, depuis quelques années, mis à hauteur des tout-petits, formant ses personnels à cet accueil spécifique. À mi-chemin entre le spectacle, la déambulation à travers les collections et l’atelier, les visites-ateliers s’adressent à un petit groupe de binômes bébé-parent, accompagné en duo par un conférencier ou une conférencière et un conteur ou une conteuse. « Cette proposition est construite autour de l’imaginaire, du conte, de l’observation des instruments, de la manipulation et du geste musical, souligne Caroline Bugat, responsable de la médiation au Musée. Elle favorise les premiers pas de l’enfant au musée en lui réservant un moment privilégié avec son parent. Elle montre aussi que l’institution patrimoniale qu’est le Musée de la musique est un lieu vivant ouvert aussi aux tout-petits. » Compte tenu du succès, il est vivement conseillé de réserver sa visite-atelier dès le début de saison. 

Tout aussi plébiscitée, l’Amusette est une mallette de jeux proposée aux familles avec bébé qui souhaitent visiter le musée en autonomie. « L’Amusette est très appréciée, car elle invite à regarder, à écouter et à manipuler les instruments tout en jouant à partir d’un conte. Nos deux exemplaires sont très souvent demandés, et nous allons les ajuster au nouvel espace qui vient d’être réaménagé. »

L’éveil musical hors les murs 

La mise en place, en 2024, d’un site Internet exclusivement dédié à l’éveil musical à la Philharmonie donne une visibilité plus large encore à la réflexion, aux pratiques pédagogiques et au travail menés dans le cadre de ces activités. Car si les propositions à la Philharmonie et au Musée sont largement plébiscitées, les équipes sortent aussi souvent de leur zone de confort pour œuvrer hors les murs, portant haut des convictions d’égalité d’accès à la culture. Elles accompagnent aussi étroitement les adultes concernés par les tout jeunes enfants – parents, intervenants musicaux, conférenciers, psychologues, éducateurs spécialisés, professionnels de crèche… 

Le département Éducation a cultivé jusqu’à peu une collaboration au long cours avec la Ville de Grigny, menant deux projets pilotes en structure multi-accueil et en halte-jeux. Pour la troisième saison, il s’est engagé dans le dispositif de résidence artistique en crèche porté par la Ville de Paris – « L’Art pour grandir » – et a incité le Musée à s’y intégrer. « Nous nous déplaçons pour créer du lien avec le Musée, explique Caroline Bugat. Parallèlement à nos interventions en crèche, nous avons proposé une séance de formation des professionnels, très en demande vis-à-vis de la musique, et avons invité les parents et leur bébé au Musée pour une visite qui leur était entièrement dédiée. » Deux projets en crèche sont prévus pour la saison à venir.

Sensibiliser et accompagner les parents et les professionnels 

Le département Éducation poursuit également sa collaboration avec l’unité Parents-Bébé de l’hôpital Maison Blanche, dans le 19^e arrondissement de Paris, formant le vœu de « mettre en place un projet pilote sur la saison prochaine, décliné en plusieurs phases, dont une résidence artistique à l’hôpital et des rencontres de sensibilisation pour les professionnels de soins et les familles ». L’éveil musical est ici inscrit dans le parcours de soins. « J’espère, poursuit Agathe Laforge Elieva, que nous allons pouvoir continuer ce projet et lui associer une recherche sur le bénéfice de ces moments poético-musico-sensoriels sur les bébés, les parents et les professionnels. Nous sommes à un endroit où personne n’est. » 

Les signes de reconnaissance de cette pédagogie singulière et de ce positionnement fort de l’institution dans le secteur éducatif et social sont de plus en plus manifestes et nombreux : label « 1 000 premiers jours » obtenu en 2023, participation à la journée nationale d’étude sur l’improvisation musicale comme outil pédagogique le 10 juin 2024 à la Philharmonie… Si bien que la transmission et la formation apparaissent désormais comme une nécessité. 

La Philharmonie a cette année intégré à son programme de formation un cursus traitant des questions de l’éveil musical, certifié Qualiopi, ouvert aux musiciens et aux professionnels de crèche et de soin. Agathe Laforge Elieva interviendra également la saison prochaine auprès des étudiants inscrits à la toute nouvelle École de la Philharmonie, sur la production et les spécificités de l’atelier-concert pour très jeune public.