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Daniel Barenboim - Dire la musique

Publié le 08 avril 2025 — par Le Magazine

Daniel Barenboim est un pilier de la programmation de la Philharmonie de Paris. Revenir sur certaines de ses prestations dans la Grande salle Pierre Boulez revient à en feuilleter le catalogue des riches heures. 

Dire la musique. Parole d'artiste. Un podcast de la Philharmonie de Paris. Daniel Barenboim. La musique et le temps Propos enregistrés le 19 janvier 2020. 

Il faut d'abord, je crois, se demander qu'est ce que c'est la musique ? Je ne dis pas une explication de la musique, parce que si on pouvait expliquer ce qu’est la sonate opus 109 de Beethoven que vous venez d'entendre, si on pouvait l'expliquer ce ne serait pas nécessaire de venir la jouer. Donc il y a quelque chose qui est explicable, mais je pense pas dans ce sens là, mais dans le sens où la musique, pour moi en tout cas, d’une partie appartient au monde et d’une partie est du monde en soi. C'est ça en effet la grande difficulté, parce qu'il y a beaucoup de choses qui ont des points parallèle avec toutes les questions philosophiques, historiques, matérielles avec le monde et d'autres qui ne lesont pas. Il y a des choses qu'on ne peut pas vivre en dehors de la musique. Quand la musique c'est une petite mort. Et moi en tout cas je n’ai jamais vécu la mort. Non, c'est pas possible. La musique, tout est beaucoup plus riche et beaucoup plus complexe que dans la vie. C'est pour ça et c'est une erreur de penser qu’il faut avoir une grande expérience de la vie pour pouvoir jouer bien certaines œuvres. Mon père, qui était mon professeur, a été attaqué très souvent : me laisser jouer à 9 - 10 ans, la sonate op. 109 des Beethoven. Comment un garçon peut jouer ça ? Il faut la maturité, il faut l'expérience de la vie. Et je dois dire finalement, j'ai appris beaucoup plus pour la vie de la musique que l'inverse. La musique a quelque chose, qui pour moi est unique. D'abord, il y a une relation permanente, permanente, sans cesse entre la musique et le silence. Une note de musique. Sonne différemment au début d'une œuvre comme milieu. La première note d'une œuvre qu'on entend ou qu'on joue a quelque chose d'une nouvelle naissance, parce qu'il y a déjà une relation entre la première note et le silence qui le précède. C'est pour ça aussi que *toussotement * rend très difficile, parce que le silence fait partie de la musique. Le silence. Il y a dans chaque œuvre musicale, il y a des petits silences, des grands silences, un arrêt total. Quelquefois, en musique même, le point culminant peut être le silence qui vient après un grand accord, comme dans la neuvième symphonie de Bruckner, dans le climax du troisième mouvement, quand l'orchestre enlève le son. C'est là où vraiment c'est le plus mince. Enfin, il y a des choses qui sont. Possibles seulement en musique. 

Mais avec le phénomène son - son, ce n'est pas encore musique - mais le phénomène son nous explique peut-être pas tout, mais nous explique le comment et le pourquoi. La tension qu'il y a entre le son et le silence, l'esthétique en musique est un sujet. Extrêmement intéressant et complexe parce que je parle pas d'un compositeur, parce que je ne le suis pas et je saurais pas comment traduire ce que je veux dire. Donc oui, mais qu'est ce que c'est ? L'éthique est quelqu'un qui joue une œuvre de quelqu'un d'autre. Le seul critère, en effet, ce sont ces taches noires sur le papier blanc que nous appelons notes. Ça, c'est la vraie définition. Maintenant, c'est comme un alphabet. Quand j'entends des gens, qui m'impressionnent pas, je dis « J'ai l'impression qu'ils connaissent l'alphabet, mais ils connaissent pas la langue ». Des gens qui savent parler français, anglais, l'alphabet latin. On leur donne un texte en danois ou en finlandais, et bah ils vont pouvoir le lire. Mais c'est comme ça qu’ils jouent la musique parce qu'ils comprennent pas vraiment. La relation, la relation entre l'autre, la relation entre le silence et le son, la relation de volume entre un piano et à son piano forte et la mathématique est toujours présente en musique même ce qui est particulièrement émotionnel à un lien permanent avec la mathématique. Je m'explique. Un compositeur qui écrit Crescendo, qui veut dire jouer de plus en plus fort. C'est une décision qu'il a pris, le compositeur, parce qu'il a senti qu'il y a une nécessité d'émotion émotionnelle de devenir avoir un peu plus de son. Mais la réalisation est mathématique parce que vous dites crescendo oui, plus fort, jusqu'au piano crescendo. Il faut d'abord se demander, jusqu'aux prochaines heures de piano, un message fort par rapport au fortissimo. Première question. Deuxième question encore plus important à quelle vitesse ? Parce que si je dois faire un grand que je dois devenir, allez, le piano à forte par exemple, je le fais. Je suis obligé de le faire différemment. Si c'est un crescendo qui dure deux mesures ou que dire seize mesures. Si je fais un crescendo, un seize seize mesures trop vite dans la vitesse de mesure, après la troisième mesure, il y a plus de crescendo et donc il y a une présence permanente de tout ce qui est mathématique en musique et il y a une présence permanente de tout ce qui est, tout ce qui est spirituel en musique. Et on ne peut pas séparer le côté émotionnel du côté mathématique. Et je me rappelle très bien aussi combien de fois on entendait dire sur Pierre Boulez "Ah et le froid parce qu'il calcule tout ça", c'est pas vrai du tout. Mais tout ça c'est et c'est très important. C'est pour ça que je dis la musique. Elle a tout, elle a tout et on ne peut pas séparer. Et elle nous permet d'apprendre tellement de choses pour la vie aussi. Je ne sais pas si vous avez eu cette expérience. Moi j'ai jamais vu quelqu'un rire et pleurer en même temps, mais Schubert le fait à chaque deuxième mesure. Le problème avec l'éducation musicale, c'est que. Elle va toujours rester limitée si elle est seulement théorique. Or, dans une école, si vous vous faites une éducation musicale, comme la vie est indispensable. Mais ça va être l'appréciation de la musique parce que vous n'allez pas enseigner à jouer à instrument à tous les enfants qui vont aller à l'école. Donc ça, c'est déjà. Un côté un peu, un peu plus difficile, mais je crois que, après tout, les gens qui apprennent à lire et à écrire ne deviennent pas tous des Baudelaire ou de Dostoïevski. Donc ce n'est pas parce que c'est la musique que je dois penser au repli sur sûrement il va pas prendre ça ne va pas être musicien. La musique bien compris et un modèle d'éducation extraordinaire. La musique ne peut pas être utilisée pour quelque chose. La musique, quand on fait la musique, on le fait pour arriver aussi profond, profondément qu'on peut à ce qu'on peut considérer la vérité de la musique. La musique ne peut pas être utilisée pour accompagner une autre idée. J'ai dirigé pendant 18 ans, tous les ans, de 1981 jusqu'à 1999. Donc j'ai connu très bien l'intendant du théâtre, Wolfgang Wagner, qui était le petit fils de Wagner. Un jour, il m'a demandé si j'étais intéressé à voir la place dans la partition de Lohengrin, où Adolf Hitler avait une larme dans ses yeux en entendant ça. Alors je lui ai demandé « Expliquez moi comment quelqu'un qui était un criminel qui a tué des millions de personnes, persécuté pas seulement les juifs comment est ce qu'il avait la possibilité d'avoir la sensibilité, d'être ému par quatre mesures de musique dans un opéra ? » Eh bien, il n'y avait pas de réponse. Moi j'ai pas la réponse non plus. Donc je reviens au point de départ où nous étions et la musique fait partie du monde et parallèlement est en dehors du monde. Et ce n'est pas parce que la musique lui donnait et avant qu'il avait donné une émotion qu'il allait et c'était complètement séparé. Malheureusement, c'est possible. 

La direction d'orchestre, c'est une chose magnifique. Mais il y a un énorme défaut, c'est qu'on a pas le contact direct avec le son. Ca veut dire que l’on peut influencer, essayer de faire les gens comme on veut. Mais finalement, et je me plains pas, le chef d'orchestre, on dit souvent « il a tellement de pouvoir », mais il a zéro pouvoir. Si le premier hautbois ne veut pas faire ce que je veux ou ne peux pas, je suis fini. Je me plains pas, je peux vivre avec ça. Mais qu’on me parle pas du pouvoir du chef d'orchestre, ça veut dire que la direction d'orchestre laisse de côté le contact physique avec l'élève qui peut exprimer la musique. Et c'est pour ça que j'ai plaisir énorme à jouer quand j'ai l'impression de bien jouer. Et je me fâche quand j'ai l'impression de manger. Je me demande où va être la vie musicale dans 50 ans si on s'occupe pas d'informer pour ne pas dire éduquer les gens sur la musique. Tous ceux parmi vous qui sont ici vous dis je sais pas évidemment, les différents niveaux de l instruction musicale, ou peut être seulement seulement un mot pour la musique et c'est très bien, mais il faut qu'on pense au futur dans le sens d'éducation. 

Et je me rappelle une phrase - je me rappelle de beaucoup de choses que j'avais appris chez Nadia Boulanger, mais d'une phrase absolument extraordinaire à laquelle je pense presque quotidiennement parce que j'avais joué quelque chose où elle avait critiqué, etc. Ceci et cela. Elle m'a dit et j'ai dit "Je le sens comme ça". Et elle m'a dit "Tu peux pas séparer l'émotion de la rationalité". Et j'avais douze ans et je savais pas de quoi elle parlait, mais elle m'a dit ça. "il faut que tu puisses calculer la réalisation de tout ce qui est émotionnel et que tu puisses remplir la structure musicale avec émotion". C'est une leçon pour la vie à laquelle je pensais souvent. 

La musique, c'est comme une montagne. Il y a toujours l'arrière que vous voyez, pas. Donc il faut chaque fois Enfin c'est comme ça.  Donc ce n'est pas parfait pour que ce soit parfait. On aurait, on devrait pouvoir voir. Tout comme si on pouvait voir tout de la montagne. Il n'y a pas de perfection parce que la musique est quelque chose finalement, du moment. Le sonates de Beethoven que j'ai joué aujourd'hui, et elles sont des différentes périodes de sa vie, fin 18ᵉ, début 19ᵉ siècle. Mais aujourd'hui, et là, aujourd'hui, elle faisait partie de notre monde. Ce bien au mal joué, c'est un autre sujet. Mais ses œuvres étaient vives. Elle était ici dans 100. Une chose qui change et qui vit différemment. On ne peut pas avoir la perfection ou avoir la perfection. Il faut une route routière. Et la route, il. C'est le numéro le plus grand de la musique.

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